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[ 13 décembre 2012 ] Imprimer

Droit bancaire - droit du crédit

Qui ne dit mot consent aux opérations figurant dans ses relevés bancaires !

Mots-clefs : Relevé de compte, Silence du client, Effet sur la contestation des écritures, Preuve

La réception de relevés de compte sans protestation ni réserve créé une présomption d’accord du client sur les opérations y figurant que ce dernier peut renverser par la preuve d’éléments propres à l’écarter.

Une personne était titulaire dans les livres d'une banque de deux comptes courants, l’un professionnel, l’autre personnel. Le solde du compte professionnel étant devenu débiteur, la banque a dénoncé la convention de compte puis assigné en paiement sa cliente, laquelle a alors sollicité le remboursement de prélèvements et virements effectués, sans son autorisation, depuis ses deux comptes. La cour d’appel refuse de faire droit à sa demande en remboursement. Tout d’abord, elle estime la cliente mal fondée à soutenir que la banque ne lui aurait pas envoyé (ou alors très tardivement) les relevés litigieux dont le suivi ne peut, selon les juges du fond, être négligé durant sept années consécutives, par un professionnel normalement diligent, au point de ne pas aviser sa banque de l'absence ou du retard de leur réception. Par ailleurs, si l'absence de protestation, dans le délai prévu d'un mois à compter de la réception des relevés de compte, n'emporte qu'une présomption d'accord du client sur les opérations y figurant, une telle présomption n’a pu, en l’espèce, être renversée par la titulaire du compte, dans l’impossibilité manifeste de justifier son défaut d’autorisation des opérations litigieuses.

La cliente forme un pourvoi en cassation, reprochant à la cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve en l’obligeant à rapporter la preuve d’un fait négatif (absence de réception des relevés), par principe impossible. La Cour de cassation rejette pourtant son pourvoi.

Les relevés de compte jouent un rôle important dans la preuve des différentes opérations qui y figurent. En cas de contestation de leur contenu par le client, la banque, compte tenu de l’obligation de résultat qui lui incombe en sa qualité de dépositaire des fonds, assume la charge de la preuve de la véracité des écritures. Cela étant, le client perd le droit de contester les opérations portées au compte s’il laisse, comme dans l’espèce rapportée, s'écouler sans réagir le délai qui lui est conventionnellement imparti, délai souvent fixé à un mois. L'effet du silence conservé par le client au reçu du relevé est depuis longtemps reconnu par la jurisprudence, la généralité du principe commandant même de ne pas tenir compte de la qualité, commerçante ou non, du récipiendaire (Com. 10 mai 1994). L'invitation expresse à formuler d’éventuelles réserves dans un certain délai est considérée comme génératrice d'une obligation de parler qui confère au silence valeur d'expression d'un consentement. De nombreux arrêts ont été rendus en ce sens par la Cour de cassation (v. not. Com. 14 avr. 1975).

Le silence du client n'a toutefois pas un effet absolu : ainsi, un virement opéré par la banque au profit d'un tiers, sans instructions du titulaire du compte, ne doit pas pouvoir être approuvé (Paris, 3e ch. A, 3 juin 1981). A fortiori, le défaut de protestation ne suffit pas à couvrir l'irrégularité consistant pour le banquier à avoir débité le compte dans son propre intérêt (Com. 21 déc. 1981). Dans ses arrêts les plus récents que prolonge l’arrêt commenté, la Cour de cassation précise que l'absence de protestation au reçu d'un relevé de compte ne crée qu'une présomption simple d'approbation des énonciations du relevé (Com. 10 févr. 1998 ; Com. 23 mars 1999 Com. 3 nov. 2004). Au-delà du délai prévu, le client conserve donc la possibilité de contester les opérations qu’il n’a pas autorisées, sous la réserve, au demeurant essentielle, que le client parvienne à renverser cette présomption par la preuve de son défaut d’autorisation ou, pour le dire autrement, par la preuve que la banque a agi sans mandat (Com. 13 mars 1997).

En l’espèce, la cliente, dont la mauvaise foi n’a pas échappé aux juges, a échoué à renverser la présomption. Son absence de réaction à la réception de ses relevés de compte trahit son accord, même tacite, aux opérations litigieuses, sauf à considérer qu’elle n’en avait pas eu connaissance. Mais même dans ce cas, l’ignorance doit être légitime et ne peut donc résulter, comme en l’espèce, d’une négligence fautive qui justifie que les conséquences dommageables d'un défaut de contrôle des relevés de compte soient mises à la charge du client.

C’est la preuve que, même imputable à la partie faible au contrat, la mauvaise foi n’a pas droit de cité en matière contractuelle…

Com. 13 nov. 2012, n°11-25.596

Références

■ Com. 10 mai 1994, n°91-21.902, RTD com. 1994. 533, obs. Cabrillac et Teyssié.

■ Com. 14 avr. 1975, D. 1975. Jur. 596.

 Paris, 3e ch. A, 3 juin 1981, D. 1982. IR 127, obs. Vasseur.

■ Com. 21 déc. 1981, D. 1982. IR 129.

■ Com. 10 févr. 1998, n°96-11.241, RTD com. 1998. 394, obs. Cabrillac.

■ Com. 23 mars 1999, n°96-10.402.

■ Com. 3 nov. 2004, n°01-16.238, RTD com. 2005. 150, obs. Cabrillac.

 Com. 13 mars 1997, n°94-20.237.

 

Auteur :M. H.


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