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Droit des biens
« Qui ne dit mot consent » exclut la reconnaissance d’une voie de fait
Mots-clefs : Ouvrage public, Propriété privée, Voie de fait, Inaction du propriétaire
L’inaction des propriétaires successifs d’un terrain sur lequel a été implantée une ligne électrique aérienne permet de rejeter la qualification de voie de fait.
Rares sont les applications de l’expression latine « Qui tacet consentire videtur » en droit des biens soit « Qui se tait semble consentir » ou « Qui ne dit mot consent ».
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 décembre 2012 se fonde indirectement sur cet adage pour trancher un litige opposant le propriétaire d’un terrain désirant faire des plantations d’arbres et ERDF qui a édifié, antérieurement, une ligne électrique aérienne sans droit sur son terrain. L’actuel propriétaire a saisi la juridiction judiciaire arguant d’une voie de fait l’empêchant de planter librement ses arbres puisque la réglementation prévoit qu’il faut respecter une distance minimale de 10 mètres par rapport à la ligne électrique. Concrètement, cette restriction a pour conséquence de le priver de 14 % de la surface du terrain agricole.
Le demandeur à l’action a été débouté en appel et devant la Cour de cassation.
La cour d’appel a retenu l’incompétence du juge judiciaire faute de voie de fait. Le propriétaire du terrain a alors formé un pourvoi fondé sur un moyen unique qui se décompose en cinq branches. Il prétend que la cour d’appel a violé les articles 544, 545, 1101 et 1108 du Code civil ainsi que la loi des 16-21 août 1790 et l’article 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. Le demandeur au pourvoi s’appuie fort logiquement sur la jurisprudence constante de la Cour suprême selon laquelle les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour réparer les conséquences dommageables d’une voie de fait quand bien même des travaux publics auraient été réalisés (v. not. Civ. 1re, 1er oct. 1985 et contra Civ. 3e, 6 janv. 1983).
Autrement dit, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel qui a déduit, de l’inaction des anciens propriétaires du terrain face à l’occupation sans titre d’un ouvrage public, leur acceptation tacite à cette implantation, écartant ainsi toute possibilité de voir caractérisée une voie de fait. Le propriétaire actuel doit donc subir sans indemnisation la nuisance de la ligne aérienne et la perte de production évaluée à plusieurs milliers d’euros (4 322 €) qui en est le corollaire.
Civ. 3e, 19 déc. 2012, n° 11-21.616
Références
[Droit administratif]
« Théorie d’origine jurisprudentielle, protectrice des droits des administrés en ce qu’elle entraîne pour l’Administration la perte de la majeure partie de ses privilèges traditionnels. Il y a voie de fait si l’Administration accomplit un acte matériel représentant une irrégularité manifeste soit parce qu’elle exécute une décision ne se rattachant pas à un pouvoir qui lui appartient (comme une décision grossièrement illégale, ou annulée par une juridiction), soit parce qu’elle exécute selon une procédure grossièrement illégale une décision même légale, et à condition que cet agissement porte atteinte à la propriété mobilière ou immobilière ou à une liberté publique. Les juges judiciaires deviennent alors compétents pour connaître de cette irrégularité, à titre exclusif en matière d’action en responsabilité, et concurremment avec les juges administratifs pour prononcer l’annulation de l’acte. »
Source : Lexique des termes juridiques 2013, 20e éd., Dalloz, 2012.
■ Civ. 1re, 1er oct. 1985, Bull. civ. I, n°243.
■ Civ. 3e, 6 janv. 1983, Gaz. Pal. 1983. 2. 423, 1re espèce.
■ Code civil
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »
« Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. »
« Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
Une cause licite dans l'obligation. »
■ Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme
Article 1er - Protection de la propriété
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
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