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[ 27 mai 2010 ] Imprimer

Droit pénal spécial

Qui vole une truffe… ne cueille pas un vulgaire champignon

Mots-clefs : Champignon (truffe), Cueillette (contravention, code forestier), Vol (qualification), Constitution de partie civile, Syndicats, Recevabilité (non, absence de préjudice à l'intérêt collectif)

La récolte de truffes dans une truffière cultivée, sans l'accord du propriétaire, constitue un vol et non une simple cueillette de champignon, réprimée par le code forestier.

Poursuivi sous la prévention — correctionnelle — de vol (art. 311-1 C. pén.) pour avoir extrait des truffes d'une truffière cultivée, un individu prétendait que les faits devaient recevoir la qualification — contraventionnelle — prévue à l'article R. 331-2 du Code forestier qui réprime d'une contravention de la deuxième classe « le fait, sans l'autorisation du propriétaire du terrain, de prélever des champignons, fruits et semences des bois et forêts ». Quel texte fallait-il appliquer ? C'est l'une des questions soumises à la chambre criminelle dans cet arrêt du 13 avril 2010.

En principe, l'infraction prévue au code forestier devrait, par application de la règle lex specialis generalibus derogant, primer sur les dispositions du code pénal. Toutefois, la jurisprudence y a déjà dérogé, en considérant que le champignon (en l'occurrence, des cèpes), n'était pas une res nullius, c'est-à-dire une chose sans maître, mais appartenait au propriétaire du sol, faisant de la cueillette de champignons sans l'autorisation expresse du propriétaire un vol, répréhensible sur le fondement de l'article 311-1 (Crim. 3 août 1878 ; 12 mai 1911). C'est cette jurisprudence qui reçoit application en l'espèce, dans la mesure où les truffes étaient, d'une part, cultivées et, d'autre part, dans un lieu clos : une truffière. Le pourvoi est donc rejeté sur ce point.

La cassation est cependant prononcée sur une question procédurale : celle de la recevabilité de la constitution de partie civile de la fédération régionale des trufficulteurs du Languedoc-Roussillon. Les articles L. 2132-3 et L. 2133-3 du Code du travail, conformément à l'article 2 du Code de procédure pénale, prévoient que les syndicats ont la faculté d'ester en justice et d'exercer tous les droits de la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. Sur ce point, la Cour répond qu'un vol au préjudice d'un adhérent ne porte de préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ; ce qui a pour conséquence de rendre la constitution de partie civile irrecevable (v. déjà, Crim. 14 juin 2000).

Crim. 13 avr. 2010, n° 09-85.776, F-P+F

 

Références

■ Article 311-1 du Code pénal

« Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. »

■ Article R331-2 du Code forestier

« Le fait, sans l'autorisation du propriétaire du terrain, de prélever des champignons, fruits et semences des bois et forêts est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 2e classe.

Lorsque le volume extrait est supérieur à 5 litres, l'amende encourue est celle prévue pour les contraventions de la 4e classe. »

■ Code du travail

Articles L. 2132-3

« Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. »

Article L. 2133-3

« Les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels par le présent titre. »

■ Article 2 du Code de procédure pénale

« L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.

La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6. »

■ Crim. 3 août 1878BéroulleGaz. Pal. 1878. 1230.

 Crim. 12 mai 1911Bull. crim. n° 256.

■ Crim. 14 juin 2000Bull. crim. n° 122 ; D. 2000. IR 148.

 


 


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