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Procédure pénale
Rappel des conditions de justification du retard dans l’examen de l’appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté
Mots-clefs : Détention provisoire, Chambre de l’instruction, Ordonnance de refus de mise en liberté, Appel du détenu, Transcription tardive de l’appel, Circonstance imprévisible et insurmontable extérieure au service de la justice
Dans un arrêt du 4 septembre 2012, la Haute cour rappelle les trois conditions cumulatives que doit satisfaire la notion de circonstance imprévisible et insurmontable, exception à l’obligation faite à la chambre de l’instruction de se prononcer « dans les plus brefs délais » sur une demande de mise en liberté.
L’article 194 alinéa 3 du Code de procédure pénale dispose qu’ « en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas.» Le texte prévoit deux exceptions : lorsque d’une part « des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées » et d’autre part « si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire ».
La sanction qui s’attache à l’inobservation de cette obligation –la remise en liberté d’office du mis en examen–, témoigne de l’importance que le législateur a entendu donner à cette règle. La Cour de cassation opère donc un contrôle méticuleux de son respect comme l’illustre cette décision du 4 septembre. Celle-ci rappelle dans son attendu de principe les dispositions de l’article 194 alinéa 3 du Code de procédure pénale.
En l’espèce, le mis en examen et détenu provisoirement avait interjeté appel de l’ordonnance rejetant sa demande de mise en liberté et demandé sa comparution personnelle par déclaration faite le 2 avril 2012 au chef de l’établissement pénitentiaire. Or, cette déclaration d’appel n’a été transcrite sur le registre tenu à cet effet que le 16 mai suivant. La chambre de l’instruction ne s’est donc réunie que le 23 mai 2012, soit sept jours après la transcription, mais surtout plus d’un mois après la déclaration d’appel.
Il convient de rappeler que de jurisprudence constante, la Cour de cassation fixe le point de départ du délai prévu à l’article 194 alinéa 3 du Code de procédure pénale au lendemain du jour de la transcription de la déclaration sur le registre public tenu au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. En l’espèce, ce n’était pas la date à laquelle la chambre de l’instruction s’était prononcée qui était tardive, mais en amont, l’enregistrement de la déclaration d’appel. Le délai prévu à l’article 194 alinéa 3 était donc en l’espèce respecté. Toutefois, afin de garantir les droits des individus destinataires d’une mesure aussi attentatoire au droit à la sûreté que la détention provisoire, la Cour de cassation retient une vision globale de l’obligation de la chambre de l’instruction de se prononcer dans de « brefs délais » et prend en compte l’enregistrement tardif. En effet, comme le souligne un auteur « ne serait-il pas quelque peu incohérent que, d'un côté, la loi prévoit des délais plus courts dans un but de célérité et que, de l'autre, la modalité qui, on l'a vu, en constitue le point de départ puisse être exécutée sans exigence de temps ? » (v. Renaud-Duparc). La circonstance que seule la transcription est tardive, et non la décision de la chambre de l’instruction en elle-même, est indifférente.
En l'espèce, la chambre de l’instruction ne réfutait pas le caractère tardif de la transcription et par conséquent de sa décision. Elle invoquait, en l’espèce, l’existence d’une circonstance insurmontable justifiant le retard. Elle affirmait, sur l’attestation du greffier en chef du tribunal de grande instance, que « pour une raison technique demeurant inconnue, l’avis de l’appel n’est jamais parvenu à son destinataire ». La Cour de cassation avait déjà admis par le passé que la défaillance d’un système d’acheminement du courrier pour une cause demeurée inconnue était insurmontable et imprévisible pour le destinataire, lorsque celui-ci ignorait l’envoi d’un pli à son adresse (Crim. 15 déc. 2009).
Toutefois, l’arrêt du 4 septembre 2012 est une illustration de la rigueur adoptée par la chambre criminelle dans l’appréciation des caractéristiques permettant de justifier le prononcé d’une décision au-delà du délai imparti par l’article 194 alinéa 3. Elle juge que la chambre d’instruction n’a pas « caractéris[é] l’existence d’une circonstance imprévisible et insurmontable extérieure au service de la justice » confirmant ainsi, par les termes employés, la parenté de cette circonstance avec la notion de force majeure, dont les critères sont cumulatifs. La Cour opère donc un contrôle scrupuleux des caractéristiques de la circonstance à l’origine du retard conformément à son analyse traditionnelle en la matière (Crim 23 févr. 2000, Crim. 18 janv. 2011, Crim.7 févr. 2012). Elle sanctionne l’affirmation par la chambre de l’instruction de l’existence d’une circonstance insurmontable extérieure au service de la justice, affirmation péremptoire en ce qu’elle ne s’appuie sur aucune démonstration, et insuffisante puisque le caractère imprévisible n’est absolument pas mentionné.
Crim. 4 sept. 2012 n°12-83.997 FS+P+B
Références
■ Code de procédure pénale
«En matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu au présent article.»
« Lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef de l'établissement pénitentiaire. Elle est également signée par l'appelant; si celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de l'établissement.
Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie, au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée; il est transcrit sur le registre prévu par le troisième alinéa de l'article 502 et annexé à l'acte dressé par le greffier ».
■ Crim. 23 févr. 2000, n° 99-87.815, Bull. crim. n° 79.
■ Crim. 18 janv. 2011, n° 10-87.525, Bull. crim. n° 7, AJ Pénal 2011. 195, obs. Renaud-Duparc.
■ Crim. 7 févr. 2012, n° 11-88.494, Bull. crim. n° 36.
■ Crim. 15 déc. 2009, n° 09-86.300.
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