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Droit des régimes matrimoniaux
Rappel du champ d’application de la théorie des récompenses
Mots-clefs : Récompenses, Indivision post-communautaire, Délimitation du champ, Calcul des indemnités
Après dissolution de la communauté, le remboursement de l’emprunt immobilier par l’ex-mari relève de l’indivision et non de la théorie des récompenses.
Après le prononcé de son divorce, un couple connaît des difficultés relatives à la liquidation et au partage de la communauté ; le mari ayant remboursé des emprunts immobiliers, il en réclame indemnisation, sollicitant le principe posé à l’article 1468 du Code civil selon lequel « (i)l est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit (…) ». La cour d’appel accueille son droit à récompense, faisant ainsi application des modalités de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil. Pour fixer le montant de la somme due à l'ex-époux au titre du remboursement qu'il a effectué des emprunts immobiliers, la cour d'appel croit pouvoir valider les dires de l'expert, selon lequel les modalités de calcul de l'indemnité due à l'indivisaire créancier rejoignent les dispositions de l'article 1469 du Code civil relatif aux récompenses en matière de régime matrimonial. D'après les juges du fond, il est de jurisprudence constante que s’agissant d’une dépense de conservation, il doit être tenu compte à l'indivisaire « de la plus forte des deux sommes que représentent respectivement la dépense qu'il a faite et le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien ». De la sorte, la « récompense » due à l'ex-époux au titre des règlements opérés au titre des prêts immobiliers doit s'apprécier au regard du profit subsistant tel qu'évalué par l'expert judiciaire.
Mais au visa des articles 815-13 et 1469 du Code civil, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel. Elle affirme qu’en vertu de l’article 815-13 du Code civil, visé pour justifier l’application, en l’espèce, du régime d’indivision post-communautaire, « pour le remboursement des impenses nécessaires à la conservation des biens indivis, il doit être tenu compte, selon l’équité, à l’indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu’il a faite et le profit subsistant ». Elle ajoute que, « à compter de la dissolution de la communauté, les dispositions relatives aux récompenses étaient inapplicables et que les règlements des échéances des emprunts immobiliers effectués par le mari au cours de l’indivision donnaient lieu à une indemnité calculée selon les modalités prévues par le premier des textes susvisés ».
Ainsi, la cour d’appel n’aurait-elle pas dû appliquer l’article 1469, mais l’article 815-13 du Code civil.
La Cour de cassation rappelle ici que le domaine d’application de l’article 1469 du Code civil se limite à la période communautaire. Une fois divorcés, les époux n’étant plus en communauté mais en indivision post-communautaire, l’évaluation de la créance relève alors de l’article 815-13 du Code civil, dont l’application exclut naturellement celle de l’article 1469, lequel ne peut jouer qu’avant la date de dissolution de la communauté. En ce sens, la même chambre avait déjà jugé, il y a quinze ans, que la communauté étant dissoute à la date à laquelle le solde des arrérages d’un emprunt a été remboursé, cette créance est soumise aux règles de l’indivision et non à celles des récompenses et que l’époux qui a payé, réputé avoir effectué ce paiement de ses deniers personnels, a droit à une indemnité (Civ. 1re, 17 déc. 1996 ; v. égal. Civ. 1re, 7 juin 2006).
Elle rappelle aussi que l’indemnité de remboursement des dépenses de conservation doit être, selon l’équité, la plus forte des sommes soit de dépenses soit de profit subsistant. Là encore, la première chambre civile confirme la position qu’elle avait prise dès 1983, jugeant que lorsqu’un indivisaire a avancé de ses deniers les sommes nécessaires à la conservation d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à la dépense faite ou à l’importance de la plus-value prise par ce bien au jour du partage (Civ. 1re, 18 oct. 1983).
On notera, concernant le calcul de l’indemnité, que la Cour de Cassation tend à ajuster l’interprétation de l’article 815-13 sur celle de l’article 1469 et que le distinguo effectué par la Cour, s’il est justifié dans son principe, n’a pas de conséquences financières majeures puisqu’en effet, quel que soit le régime choisi, l’indemnisation de la dépense de conservation est généralement égale à la dépense engagée, celle-ci n’ayant souvent pas créé de plus-value.
Civ. 1re, 11 mai 2012, n°11-17.497
Références
■ Code civil
« Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute. »
« Il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté, d'après les règles prescrites aux sections précédentes. »
« La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. »
■ Civ. 1re, 17 déc. 1996, n° 95-11.929, D. 1998. 189, obs. Brémond.
■ Civ. 1re, 7 juin 2006, n°04-11.524.
■ Civ. 1re, 18 oct. 1983, n°82-14.798.
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