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[ 13 novembre 2019 ] Imprimer

Procédure pénale

Rappels intéressants relatifs aux nullités de la garde à vue

La chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler les différents délais à respecter lors d’une garde à vue et des conditions pour obtenir le prononcé d’une nullité. 

En l’espèce, le 5 janvier 2018, trois individus étaient interpellés par des agents de police judiciaire en raison de la conduite dangereuse du chauffeur d’un véhicule et de son refus d’obtempérer. Après la fouille du véhicule et des trois occupants, étaient découverts une réplique d’arme de poing et un couteau. Les deux hommes et la femme étaient présentés devant l’officier de police judiciaire qui leur notifiait leur placement en garde à vue pour refus d’obtempérer et pour complicité de cette infraction. 

Le procureur de la République, quelques heures après le placement en garde à vue, avisait les trois gardés à vue d’une évolution des infractions retenues : association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. Puis, après les interrogatoires de la passagère, était ajoutée la qualification de proxénétisme aggravé pour les deux hommes gardés à vue. 

Le 7 janvier 2018, une information judiciaire était ouverte à l’encontre des trois personnes interpellées, notamment des chefs de tentative d’enlèvement et séquestration, infraction à la législation sur les armes et association de malfaiteurs.

Suite à sa mise en examen, la requérante saisissait la chambre de l’instruction d’une requête en nullité. En raison du rejet de la requête, un pourvoi en cassation était formé sur deux moyens différents. Le premier moyen concernait le délai de notification des droits au gardé à vue et de l’information du procureur de la République et le second moyen portait sur le délai de notification du changement de qualification des faits retenus. Le pourvoi est rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, d’une manière très pédagogue, vient rappeler les délais à respecter lors d’une garde à vue et les principes relatifs aux requêtes en nullité.  

Pour rappel, le régime de la garde à vue est prévu par les articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale. Cette mesure ne peut être ordonnée que par un officier de police judiciaire. 

L’article 63-1 de ce code dispose que « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire » de ses droits et notamment de son droit à un avocat, du droit d’être examiné par un médecin ainsi que « de la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ». 

Dans le premier moyen, la Cour de cassation devait vérifier si le délai de notification des droits respectait, ou non, les dispositions de l’article 63-1. Pour rappel, l’interpellation avait lieu à 3 heures 05. La présentation à l’officier de police judiciaire était réalisée à 3 heures 35. Le placement en garde à vue et la notification des droits étaient intervenus à 3 heures 55. 

La notification des droits de la requérante est, de ce fait, intervenue 20 minutes après sa présentation à l’officier de police judiciaire. En l’espèce, la chambre criminelle ne se fonde pas sur le délai de 30 minutes entre l’interpellation et la présentation à l’officier de police judiciaire. Est, en effet, jugé que le délai ne peut donner lieu à l’annulation de la garde à vue compte tenu des circonstances de l’interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu et des délais de transport. Ainsi, le délai de 20 minutes entre la présentation à l’OPJ et la notification des droits n’est pas considérée comme excessif.

Concernant l’information du procureur de la République, l’article 63, I, alinéa 2 prévoit que le procureur de la République doit être informé du placement en garde à vue, de la notification des droits et des motifs la justifiant dès le début de la mesure. En effet, la garde à vue s’effectue sous son contrôle (C. pr. pén., art. 62-3, al. 2). En l’espèce, la garde à vue avait débuté à 3 heures 05, heure de l’interpellation, et le procureur avait été prévenu à 3 heures 49. Pour la chambre criminelle, ce délai ne peut donner lieu à l’annulation de la garde à vue et prévoit la même justification que pour le délai de notification des droits. 

Il convient de remarquer qu’un retard, tant dans la notification des droits que pour l’information du procureur, ne peut être admis qu’en présence d’une circonstance insurmontable. La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion de juger que le délai de route constitue une circonstance insurmontable à la notification des droits (Crim. 26 nov. 2008, n° 08-86.060). Au contraire, l’absence de justification d’une telle circonstance entraine nécessairement la nullité de la mesure et des actes subséquents (par exemple : Crim. 20 mars 2007, n° 06-89.050, Crim. 24 mai 2016, n° 16-80.564). 

Dans le second moyen, la requérante soulevait encore la nullité de la garde à vue en se prévalant du fait qu’elle aurait dû être informée « de la nature et de la date des nouvelles infractions qu’elle [était] soupçonnée avoir commises » durant sa garde à vue, et non lors de la prolongation de la mesure. La qualification d’association de malfaiteurs avait été notifiée à la requérante à 2 heures le 6 janvier 2018, au moment de la prolongation de sa garde à vue. Selon elle, elle aurait dû être informée préalablement puisqu’elle avait été interrogée sur des faits pouvant recevoir cette qualification lors de sa seconde audition le 5 janvier 2018. 

Pour la chambre criminelle, la requérante aurait dû être informée dès sa seconde audition de la modification des qualifications retenues. En effet, le procureur de la République avait ordonné la modification de qualification des faits le 5 janvier à 11 heures 15. Néanmoins, les magistrats écartent le moyen en se fondant sur l’article 802 du Code de procédure pénale. En application de ce texte, la nullité ne pouvait être prononcée que si le défaut de notification avait eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la requérante. Néanmoins, ici, tel n’est pas le cas puisque, dans ses auditons, la personne gardée à vue « n’a tenu aucun propos par lequel elle se serait incriminée sur des faits d’association de malfaiteurs. » La Cour de cassation fait ainsi une application stricte de l’article 802 du Code de procédure pénale et des atteintes effectives aux intérêts des personnes gardées à vue. La Haute cour confirme ainsi sa jurisprudence récente (Crim. 31 oct. 2017, n° 17-81.842). 

L’arrêt du 15 octobre 2019 effectue ainsi d’intéressants rappels de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation en matière de garde à vue et des conditions rigoureuses pour obtenir la nullité d’une telle mesure. 

Crim. 15 oct. 2019, n° 19-82.380

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Nullités (Procédure pénale)Garde à vue (Conditions)Garde à vue (Garanties)

■ Encyclopédie pénale – Rubriques : Garde à vue – Cristina MAURO – juin 2014 ; Nullités de procédure – Muriel GUERRIN – juin 2015

■ Crim. 27 juin 2000, n° 00-80.411 P

■ Civ. 1re, 27 mai 2010, n° 09-12.397 P : D. 2010. 1486 ; AJ pénal 2010. 407, obs. J.-B. Perrier

■ Crim. 26 nov. 2008, n° 08-86.060

■ Crim. 20 mars 2007, n° 06-89.050  P: D. 2007. 1340 ; AJ pénal 2007. 231, obs. G. Royer

■ Crim. 24 mai 2016, n° 16-80.564 P : D. actu. 17 juin 2016, obs. L. Priou-Alibert ; Procédures 2016, n° 269, note A-S. Chavent-Leclère

■ Crim. 31 oct. 2017, n° 17-81.842 P : D. actu, 5 déc. 2017, obs. S. Fucini, D. 2017 p. 2253 ; AJ pénal 2018. 50, obs. Y. Caddepon ; RSC 2018. 145, obs. N. Jeanne

 

Auteur :Lucie Robiliard

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