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[ 13 mars 2012 ] Imprimer

Droit des successions et des libéralités

Rapport de la dette d’un héritier en présence d’un avantage matrimonial

Mots-clefs : Régime matrimonial, Avantage matrimonial, Succession, Liquidation-partage, Rapport de la dette

Donne lieu à rapport la dette dont un héritier est tenu envers la succession réellement créancière.

Dans le cadre des opérations de liquidation-partage d’une succession, un héritier copartageant, débiteur d'une somme d'argent envers le défunt, peut se voir contraint de s’en acquitter en la rapportant au moment du partage. Pour ce faire, il est toutefois impératif de bien identifier la succession créancière…

L’affaire ici commentée relève de l’application des textes antérieurs à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités. Un couple s’est marié sous le régime conventionnel de la communauté de biens réduite aux acquêts. Dans leur contrat de mariage est prévue une clause attribuant au dernier vivant le bénéfice de la pleine propriété des biens mobiliers (dit aussi « préciput mobilier » ; v. avantage matrimonial : art. 1527, al. 1er C. civ.). Les époux décident un jour de consentir par acte authentique un prêt à leur fils avec des deniers issus de la communauté. L’époux décède laissant alors pour lui succéder sa veuve et leurs trois enfants. Au cours de l’instance en liquidation-partage de la succession, un des cohéritiers demande à son frère le rapport à la succession de leur père des sommes prêtées. Quelques temps plus tard, la mère décède et les deux enfants, en qualité d’héritiers de celle-ci, reprennent l’instance en liquidation-partage de la succession du père pour obtenir le remboursement des sommes dues par leur frère.

Les juges du fond font droit à leur demande. Ils décident que le fils devra rapport à la succession du père de la moitié du capital augmentée des intérêts calculés selon les termes du contrat, alors même qu’ils relèvent que par l’effet de la convention matrimoniale l’épouse était devenue titulaire en propre de la créance anciennement commune !

Sans grande surprise, la Haute cour casse l’arrêt d’appel. Elle relève d’office un moyen de pur droit (art. 620, al. 2 C. pr. civ.) en rappelant au visa de l’ancien article 829 du Code civil (technique du rapport des dettes ; v. auj. les art. 864 et s. C. civ.) que « donnent lieu à rapport les dettes dont un héritier est tenu envers la succession ». En l’espèce, comme l’avaient très justement constaté les juges du fond, à la suite de la dissolution du régime matrimonial du fait du décès de l’époux et de l’avantage matrimonial prévu en faveur du conjoint survivant (qui ne constitue pas une libéralité : art. 1527, al. 1er C. civ.), la veuve était devenue seule créancière de la dette du fils. Ainsi, la créance ne pouvait figurer dans la masse à partager et par voie de conséquence faire l’objet d’un rapport dans la succession du père.

On précisera toutefois que dans cette affaire le rapport de la dette ne devrait pas pour autant être totalement perdu pour les copartageants. En effet, sous réserve des dispositions de dernières volontés de la mère, par suite de son décès, l’intégralité de la dette devrait être rapportable dans sa succession.

Cet arrêt a le mérite de rappeler le principe de la primauté du droit matrimonial sur le droit successoral. En effet, avant de procéder à la liquidation d’une succession et d’en déterminer l’actif et le passif, il est impératif de liquider le régime matrimonial du de cujus. Cette opération implique d’examiner dans un premier temps le contenu du contrat de mariage du défunt et les avantages matrimoniaux pouvant y figurer qui pourraient profiter au conjoint survivant et avoir une incidence sur la composition de l’actif de la succession.

Civ. 1re, 29 févr. 2012, n°10-20.999, F-P+B+I

Références

■ Rapport des dettes

[Droit civil]

« Expression abandonnée par la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités parce que, à l’opposé du rapport des libéralités, le rapport des dettes est une opération de partage concernant la composition des lots.

Lorsque la masse partageable a une créance à l’encontre de l’un des copartageants, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse. À due concurrence, la dette s’éteint par confusion; au-delà, il doit le paiement sous les conditions et délais qui affectaient l’obligation.

Lorsque c’est le copartageant qui a une créance à faire valoir, il n’est alloti de sa dette que si, balance faite, le compte présente un solde en faveur de la masse indivise. »

 Préciput

[Droit civil]

« Droit reconnu à une personne de prélever un bien dans une masse à partager, avant le partage.

1° En matière matrimoniale, droit reconnu par le contrat de mariage au survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, de prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens.

2° En matière de libéralités, s’applique à la donation dispensée de rapport à succession à fin d’égalité, que l’héritier bénéficiaire peut retenir jusqu’à concurrence de la quotité disponible.

Désormais, les termes “ par préciput ” et “ préciputaire ” sont remplacés par l’expression “ hors part successorale” ».

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

■ Code civil

Ancien article 829

« Chaque cohéritier fait rapport à la masse, suivant les règles qui seront ci-après établies, des dons qui lui ont été faits, et des sommes dont il est débiteur. »

Article 864 en vigueur depuis le 1er janvier 2007

Lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse. 

A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l'obligation. »

Article 864

« Lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse.

A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l'obligation. »

Ancien article 1527

« Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations. 

Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre "Des donations entre vifs et des testaments", sera sans effet pour tout l'excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit. »

Article 1527 en vigueur depuis le 1er janvier 2007

« Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations. 

Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre " Des donations entre vifs et des testaments ", sera sans effet pour tout l'excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un autre lit. 

Toutefois, ces derniers peuvent, dans les formes prévues aux articles 929 à 930-1, renoncer à demander la réduction de l'avantage matrimonial excessif avant le décès de l'époux survivant. Dans ce cas, ils bénéficient de plein droit du privilège sur les meubles prévu au 3° de l'article 2374 et peuvent demander, nonobstant toute stipulation contraire, qu'il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu'état des immeubles. »

■ Article 620 du Code de procédure civile

« La Cour de cassation peut rejeter le pourvoi en substituant un motif de pur droit à un motif erroné ; elle le peut également en faisant abstraction d'un motif de droit erroné mais surabondant.

Elle peut, sauf disposition contraire, casser la décision attaquée en relevant d'office un moyen de pur droit. »

 

Auteur :A. T.


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