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Droit pénal général
Recel de violation du secret professionnel : de la nécessité de caractériser la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire
Mots-clefs : Recel, Secret professionnel
S’il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction préalable soit identifié, pour pouvoir conclure au recel de celui qui a profité de cette infraction ou de laquelle provient la chose recelée, tel n'est pas le cas des incriminations pour lesquelles la qualité de l'auteur est un élément constitutif de l'infraction. Ne justifie pas sa décision, la cour d’appel qui entre en voie de condamnation de recel de violation du secret professionnel sans caractériser la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire.
Ainsi, s’il y a utilisation d'un document obtenu par l'intermédiaire de la violation d'un secret professionnel, le délit de recel pourra être retenu dès lors qu’est constatée l'existence du délit de violation du secret professionnel en tous ses éléments (Crim. 26 oct. 1995).
En l’espèce, un journaliste a publié dans le journal l'Équipe un article faisant état de résultats du bilan sanguin d’un athlète international, avec la mention « un taux de 52 pour l'hématocrite et un volume d'hémoglobine de 17,2 grammes font alors partie des valeurs suspectes ». Cité devant le tribunal correctionnel notamment du chef de recel de violation du secret professionnel, il a été déclaré coupable des faits reprochés. Pour confirmer la décision de culpabilité la cour d’appel retient que l'utilisation, dans le cadre d'un article de presse, d'un document comportant ces informations confidentielles (le bilan sanguin, donnée à caractère médical protégée par le secret professionnel) et provenant de la violation du secret professionnel, caractérise l'infraction de recel.
C’est fort logiquement que la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel, cette dernière ayant omis de caractériser la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en aurait été dépositaire. En effet, s’il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction préalable soit identifié, pour pouvoir conclure au recel de celui qui a profité de cette infraction ou de laquelle provient la chose recelée, tel n'est pas le cas des incriminations pour lesquelles la qualité de l'auteur est un élément constitutif de l'infraction. Ainsi en est-il en matière de violation du secret professionnel qui présuppose, par nature, un auteur tenu au secret. Si l'auteur n'a pu être identifié et sa qualité connue, l'infraction préalable ne peut être établie. C’est donc une solution respectueuse des exigences de la légalité criminelle que retient la chambre criminelle.
Cet arrêt permet par ailleurs de rappeler que la protection des sources d'information n'interdit nullement que des poursuites pénales soient engagées contre des journalistes qui violent le secret de l'instruction ou le secret professionnel même si la question de la compatibilité de cette qualification avec le principe de la liberté d'expression consacré par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a pu se poser. La liberté d'expression journalistique ne prévaut pas sur la protection des secrets de l'instruction ou du secret professionnel.
Enfin, l'arrêt commenté permet de rappeler que l'information est exclue du champ d'application du recel. Celle solution résulte d’un célèbre arrêt de 1995. La chambre criminelle avait refusé d'admettre que l'information pût à elle seule faire l'objet d'un recel, celle-ci « ne relevant, le cas échéant, que des dispositions légales spécifiques à la liberté de la presse », mais admis dans le même temps que « tel n'[était] pas le cas du recel de documents provenant d'une violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel » (Crim. 3 avr. 1995 ; Crim. 19 juin 2001 ; Crim. 12 juin 2007). La distinction repose entre le contenu informationnel d'un document et le support matériel de l'information, le premier étant insusceptible de recel, le second en revanche pouvant tomber sous le coup de cette incrimination.
Crim. 6 mars 2012, n°11-80.801
Références
[Droit pénal]
« Crime ou délit consistant à dissimuler, détenir, transmettre directement ou indirectement une chose en sachant qu’elle provient d’un crime ou d’un délit, à bénéficier en connaissance de cause du produit d’un crime ou d’un délit ou encore à soustraire à la justice des personnes responsables d’infraction ou le cadavre de la victime d’un homicide ou décédée à la suite de violences. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit.
Le recel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »
■ Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - Liberté d’expression
« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière.
Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
■ Crim. 26 oct. 1995, Bull. crim., n° 328, RSC 1996. 645, obs. Bouloc ; Dr. pénal 1996. 83, obs. Véron.
■ Crim. 3 avr. 1995, Bull. crim. n° 142 ; RSC 1995. 821.
■ Crim. 19 juin 2001, Bull. crim. n° 149.
■ Crim. 12 juin 2007, n° 06-87.361, RSC 2008. 95.
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