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[ 7 octobre 2010 ] Imprimer

Procédure pénale

Recevabilité de la constitution de partie civile des parents de la victime

Mots-clefs : Procédure pénale, Constitution de partie civile, Victimes indirectes

Lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public et que la victime n’a pas renoncé à l’action civile, ses ayants droit sont recevables à agir devant la juridiction pénale. 

 

L’arrêt rendu le 1er septembre 2010 par la chambre criminelle de la Cour de cassation consacre une nouvelle fois l’extension de la notion de partie civile aux victimes par ricochet.

Les faits de l’espèce sont dramatiques : un homme a donné la mort à sa femme et à ses deux enfants mineurs au moyen de plusieurs coups de couteau. Il a ensuite tenté de se suicider avec la même arme. Ce dernier n’y est pas parvenu. Il a donc été hospitalisé puis incarcéré dans l’attente de son jugement qui n’aura jamais lieu puisque quelques jours plus tard, il s’est donné la mort par pendaison. Jusque-là, cette histoire ressemble à beaucoup d’autres et ne nécessite pas de développements particuliers. Mais cette affaire est originale car le tueur aurait été victime d’un harcèlement moral sur son lieu de travail ayant provoqué le meurtre des membres de sa famille.

Un an plus tard, les parents du meurtrier ont déposé une plainte avec constitution de partie civile du chef de harcèlement moral. Enfin, un an après la plainte, le parquet a sollicité l’ouverture d’une information fondée sur le même chef.

Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu et la chambre de l’instruction a confirmé cette décision. Ainsi, les juges ont fait une application stricte de l’article 2 du Code de procédure pénale réservant l’exercice de l’action civile aux personnes ayant subi un préjudice direct et personnel lié à l’infraction. La chambre de l’instruction a particulièrement insisté sur la chronologie procédurale. En effet, ni le ministère public ni le meurtrier victime de harcèlement n’avaient mis en mouvement l’action publique avant le dépôt de plainte des parents. Par conséquent, les héritiers du meurtrier devaient saisir la juridiction civile pour être indemnisés.

La difficulté posée par cette affaire n’était évidemment pas de savoir si les parents de la victime seraient indemnisés au titre du harcèlement moral subi par leur fils. La question était de savoir si les victimes par ricochet pouvaient se constituer partie civile alors que la victime immédiate décédée n’avait pas agi de son vivant.

La Cour de cassation répond par la positive et censure fermement le raisonnement des juges du fond au visa des articles 2, 3 et 87 du Code de procédure pénale. Dans son attendu de principe, elle reprend la solution posée en 2004 (Crim. 27 avr. 2004) puis affirmée en Assemblée plénière le 9 mai 2008 : « lorsque l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public et que la victime n’a pas renoncé à l’action civile, ses ayants droit sont recevables à agir devant la juridiction pénale ». Autrement dit, les parents de la victime peuvent parfaitement se greffer à l’action publique même si elle avait été mise en mouvement, par le ministère public, après leur plainte. La juridiction de jugement va donc devoir trancher la question de la responsabilité de l’employeur du meurtrier…

 Crim. 1er sept. 2010, F-P+F, n° 09-87.624

Références

Chambre de l’instruction

« Formation de la cour d’appel, qui s’est substituée, depuis la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, à l’ancienne chambre d’accusation, et statuant :

- principalement :

• sur appel des ordonnances ou décisions rendues dans le cadre d’une instruction;

- accessoirement :

• comme juridiction disciplinaire des officiers et agents de police judiciaire;

• en matière d’extradition, de réhabilitation judiciaire, de contentieux de l’amnistie, de règlement de juges… »

Harcèlement moral

« Constitutif d’un délit, le harcèlement moral est prohibé par le Code du travail depuis la loi no 2002-73 du 17 janvier 2002. Le législateur n’a pas défini son contenu mais stigmatise les comportements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. La loi désigne implicitement ce comportement comme constitutif d’une faute disciplinaire. Afin de surmonter les problèmes très délicats liés à la preuve de ces actes, le régime de celle-ci a été aménagé, en dehors des poursuites pénales, le salarié n’ayant qu’à établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. À noter que tout salarié est protégé par ce texte, sans distinction de sexe ou de fonctions, et que le harcèlement peut se manifester en dehors de tout rapport d’autorité ou de relation hiérarchique. »

Juge d’instruction

« Magistrat du siège du tribunal de grande instance désigné dans cette fonction pour trois années renouvelables. Il constitue la juridiction d’instruction du premier degré. Sa disparition au profit d’un juge de l’instruction ou de l’enquête est annoncée. »

Ministère public

« Ensemble des magistrats de carrière qui sont chargés, devant certaines juridictions, de requérir l’application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société.

Indépendants des juges du siège, les magistrats du parquet sont hiérarchisés et ne bénéficient pas de l’inamovibilité.

En matière civile, le ministère public peut être partie principale ou partie jointe. En matière pénale, il est toujours partie principale. »

Non-lieu

« Décision par laquelle une juridiction d’instruction, se fondant sur un motif de droit ou une insuffisance des charges, ne donne aucune suite à l’action publique. »

Partie civile

« Nom donné à la victime d’une infraction lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant les juridictions répressives (mise en mouvement de l’action publique, action civile en réparation). »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

■ Code de procédure pénale

Article 2

« L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.

La renonciation à l'action civile ne peut arrêter ni suspendre l'exercice de l'action publique, sous réserve des cas visés à l'alinéa 3 de l'article 6. »

Article 3

L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction.

Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite.

Article 87

« La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction.

Elle peut être contestée par le procureur de la République ou par une partie.

En cas de contestation, ou s'il déclare irrecevable la constitution de partie civile, le juge d'instruction statue, après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée dont l'intéressé peut interjeter appel. »

Crim. 27 avr. 2004, Bull. crim. n°96 ; JCP 2004. II. 10157, note Boré et de Salve de Bruneton ; RCS 2004. 904, obs. Commaret.

Ass. plén. 9 mai 2008, Bull. crim. n° 1 ; D. 2008. AJ. 1415, note Léna ; ibid. 2008. Pan. 2757, obs. Pradel ; AJ pénal 2008. 366, obs. Saas ; Dr. pénal 2008. Étude 12, note Sanchez ; ibid. 2009, Chron I., obs. Guérin.

 

 

 

Auteur :L. T.


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