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[ 18 novembre 2014 ] Imprimer

Droit pénal général

Récidive : détermination du 1er terme et du délai

Mots-clefs : Récidive, Condamnation non avenue, Délai

Une condamnation assortie du sursis, bien que réputée non avenue, peut constituer le premier terme de la récidive. Le délai de récidive court, non à partir du jour où la première condamnation est devenue définitive, mais à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine.

Par arrêt du 14 octobre 2014 (cassation partielle limitée à l’état de récidive et à la peine), la chambre criminelle rappelle dans un attendu de principe : 

– d’une part, qu’une condamnation assortie du sursis, bien que réputée non avenue, peut constituer le premier terme de la récidive ;

– et, d’autre part que le délai de récidive court, non à partir du jour où la première condamnation est devenue définitive, mais à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine.

Le cumul de ces deux principes implique que le délai de récidive ne court qu’à compter du jour où la condamnation assortie d’un sursis est non avenue.

En premier lieu, il n'y a de récidive au sens légal, que si la première condamnation répond à une série de conditions, dont notamment le fait qu’elle doit exister au moment où est commise la seconde infraction. Depuis un avis rendu en 2009, la chambre criminelle reconnaît qu'une condamnation assortie d'un sursis, réputée non avenue, est susceptible de constituer le premier terme d'une potentielle récidive (Cass., avis, 26 janv. 2009 et Crim. 11 janv. 2011).

Antérieurement, la doctrine et la jurisprudence estimaient que les effets du « non avenu » devaient être assimilés à ceux de la réhabilitation, lesquels avaient pour effet de faire disparaître la condamnation. Une condamnation non avenue ne pouvait donc constituer le premier terme d'une récidive (Crim. 28 nov. 1978).

Les choses ont évolué sous l’effet de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, laquelle disposait que « la réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation... pour l'application des règles sur la récidive légale » (C. pén., art. 133-16, al. 3).

En second lieu, les articles 132-8 à 132-10 du Code pénal relatifs au cas de récidive imposent, en certains cas, que la seconde infraction soit commise dans un délai fixé par le Code pénal. Ainsi, la récidive de délit à délit prévue par l'article 132-10 est une récidive temporaire. L'infraction qui constitue le second terme doit avoir été commise « dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine ». La référence à l'expiration ou à la prescription de la peine sert de point de départ pour le calcul de ce délai (TGI Lille, 1er mars 1962 ; Douai, 2 juin 1994).

Telles étaient les deux règles applicables dans une espèce où un individu était poursuivi devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, fait commis le 6 mai 2012, et ce, en état de récidive. Il avait, en effet, déjà été condamné de ce même chef, par la même juridiction le 21 mars 2006, jugement devenu définitif le 1er septembre 2006. En appel, les juges ont prononcé une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et six mois de suspension du permis de conduire tout en écartant l’état de récidive au double motif qu’à la date de commission des faits ayant entraîné la seconde poursuite, la précédente condamnation était réputée non avenue et que cette condamnation est devenue définitive plus de 5 ans avant l’infraction constituant le second terme de la récidive.

Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Toulouse, la chambre criminelle rend logiquement un arrêt de cassation retenant que « le délai de récidive ne courait qu’à compter du jour où la condamnation assortie d’un sursis était non avenue ».

La première condamnation « non avenue », constituant le 1er terme de la récidive, le délai de 5 ans dans le lequel la seconde infraction devait être commise avait pour point de départ le jour où la condamnation assortie d’un sursis était non avenue.

Précisons que la condamnation pour crime ou délit assortie du sursis simple est réputée non avenue lorsque le sursis ne peut plus être révoqué en raison de l’écoulement du délai de révocation (5 ans aux termes de l’article 132-35 C. pén.).

En l’espèce, la première condamnation était définitive depuis le 1er septembre 2006, elle était donc non avenue à compter du 1er septembre 2011, cette seconde date constituait donc le point de départ pour le calcul du délai de récidive.

Crim. 14 oct. 2014, n°13-87.636 FS-P+B+I 

Références

 Cass., avis, 26 janv. 2009, n° 08-00.013, AJ pénal 2009. 173, obs. Saas.

■ Crim. 11 janv. 2011, n° 10-81.781, Dalloz actualité, 14 févr. 2011, obs. Léna.

■ Crim. 28 nov. 1978, Bull. crim., n° 335.

■ TGI Lille, 1er mars 1962, D. 1962. Somm. 123.

■ Douai, 2 juin 1994, Gaz. Pal. 1994. 2, somm. 782, Bull. inf. C. cass. 1995. 552.

■ Code pénal

Article 132-8

« Lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi, commet un crime, le maximum de la peine de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle est la perpétuité si le maximum fixé par la loi pour ce crime est de vingt ou trente ans. Le maximum de la peine est porté à trente ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle si le crime est puni de quinze ans. »

Article 132-9

« Lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi, commet, dans le délai de dix ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, un délit puni de la même peine, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé.

Lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an et inférieure à dix ans, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé. »

Article 132-10

« Lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement pour un délit, commet, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive, le maximum des peines d'emprisonnement et d'amende encourues est doublé. »

Article 132-35

« La condamnation pour crime ou délit assortie du sursis simple est réputée non avenue si le condamné qui en bénéficie n'a pas commis, dans le délai de cinq ans à compter de celle-ci, un crime ou un délit de droit commun suivi d'une nouvelle condamnation sans sursis qui emporte révocation. »

Article 133-16

« La réhabilitation produit les mêmes effets que ceux qui sont prévus par les articles 133-10 et 133-11. Elle efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation.

Toutefois, lorsque la personne a été condamnée au suivi socio-judiciaire prévu à l'article 131-36-1 ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure.

La réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l'application des règles sur la récidive légale. »

NOTA : Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 art. 43 III : Les dispositions de l'article 43 de la loi n° 2007-297 entrent en vigueur un an après la date de publication de la présente loi. Elles sont alors immédiatement applicables aux condamnations figurant toujours au casier judiciaire, quelle que soit la date de commission de l'infraction ; toutefois, le doublement des délais de réhabilitation en cas de récidive n'est applicable que pour des faits commis postérieurement à la date de publication de la présente loi.

 

Auteur :C. L.


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