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[ 17 octobre 2019 ] Imprimer

Droit des obligations

Reconnaissance de dette et mention manuscrite : gare aux oublis !

Par un arrêt de cassation, rendu le 4 juillet 2019, la Haute juridiction opère un rappel à l’ordre des juges du fond, lesquels avaient fermé les yeux sur l’absence de mention manuscrite en chiffres de la somme d’argent due. 

En l’espèce, deux reconnaissances de dettes furent produites en justice par une personne s’estimant créancière à hauteur de 88 700€. La cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt rendu le 27 juin 2017, confirma le jugement de première instance et condamna l’auteur des reconnaissances de dettes au paiement des sommes mentionnées en lettres. 

La Cour de cassation, au visa de l’article 1326 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, casse et annule pour violation de la loi l’arrêt rendu par la cour d’appel. Elle rappelle en effet que « faute d'indication de la mention manuscrite en chiffres du montant de la dette, l'acte litigieux, comme tout acte par lequel une partie s'engage unilatéralement envers une autre à lui payer une somme d'argent, ne pouvait constituer, en l'absence d'élément extérieur le complétant, qu'un commencement de preuve par écrit ». Or, les reconnaissances de dettes ne comportaient que l’indication en lettres du montant dû. Dès lors, elles ne pouvaient bénéficier de la force probante de l’acte sous seing privé et devaient être considérées comme de simple commencement de preuve par écrit. 

Il convient tout d’abord de rappeler que la règle contraignante posée par l’ancien article 1326 du Code civil, devenu 1376 avec l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d’exiger « la mention de la somme due, en toutes lettres et en chiffres » est une règle protectrice pour la partie qui s'engage unilatéralement à payer une somme d’argent : d’une part, le risque de falsification s’en trouve réduit, et d’autre part cela attire l’attention de celui qui s’engage. La Cour de cassation veille scrupuleusement au respect de cette mention, particulièrement dans le cas d’un contrat de cautionnement. Elle avait ainsi déclaré nul l’engagement ne respectant pas cette formalité (V. Civ. 1re, 30 juin 1987, n° 85-15.760 : « il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve, mais ont pour finalité la protection de la caution ». Cependant, la première chambre civile, dans une décision rendue en 1991, qualifia un cautionnement dont la mention manuscrite était incomplète de « commencement de preuve par écrit, pouvant être complété par des éléments extérieurs à l'acte » : la règle de l’ancien article 1326 s’en trouvait ainsi assouplie (Civ. 1re, 15 oct. 1991, n° 89-21.936 ; Civ. 1re, 20 oct. 1992, n° 90-21.183). Le créancier pourra ainsi compléter par tout mode de preuve ses reconnaissances de dettes incomplètes (V. art. 1361 du Code civil, anc. art. 1347). En d’autres termes, la valeur probante des écrits ne respectant pas la mention de l’article 1326 n’est pas supprimée mais réduite. 

On notera enfin que la solution est identique, peu importe la mention manquante, celle en lettres, ou comme dans l’arrêt d’espèce celle en chiffres. Cependant, lorsque les mentions en lettres et en chiffres sont bien présentes mais que ces dernières divergent sur le montant, la mention en lettres primera, sans que l’acte ne soit rabaissé à un simple commencement de preuve par écrit. On ne saurait donc que trop conseiller aux créanciers de s’assurer des deux mentions, en lettres et en chiffres, et de vérifier particulièrement le montant inscrit en lettres.

Civ. 1re, 4 juill. 2019, n° 18-10.139 

Références

■ Civ. 1re, 30 juin 1987, n° 85-15.760 P : D. 1987. 442, obs. L. Aynès

■ Civ. 1re, 15 oct. 1991, n° 89-21.936

■ Civ. 1re, 20 oct. 1992, n° 90-21.183 P :  D. 1993. 310, obs. L. Aynès

 

Auteur :Fernanda Sabrinni


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