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Droit des successions et des libéralités
Reconstitution de la date d'un testament olographe
Mots-clefs : Successions, Testament, Testament olographe, Absence de date, Reconstitution
En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.
Un testament olographe non daté n'encourt pas la nullité lorsque des éléments intrinsèques à l'acte, corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d’une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. Déjà posé (v. Civ. 1re, 10 mai 2007), ce principe jurisprudentiel vient à nouveau d’être consacré.
En l’espèce, la testatrice, décédée le 9 janvier 2008, avait laissé pour lui succéder son fils ainsi qu’une femme qu’elle avait désignée légataire par un premier testament olographe datant du 22 avril 1985. Après son décès, son ancienne aide ménagère s’était prévalue d’un testament olographe rédigé et signé par la défunte, mais non daté. Or, aux termes de l’article 970 du Code civil, « [l]e testament olographe ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté, signé de la main du testateur ». Pourtant, la cour d’appel déclara valable ce testament et jugea qu’il révoquait ainsi toutes les dispositions antérieures.
La Cour de cassation confirma cette analyse au motif que ce dernier testament, quoique non daté, avait néanmoins été écrit de la main de la défunte à une date déterminable et postérieure aux trois précédents, période durant laquelle elle avait, à défaut de preuve contraire, conservé toute sa lucidité d’esprit et refusé de rédiger aucun autre testament susceptible de contredire ses dernières volontés.
En principe, un testament non daté ne devrait jamais être considéré comme valable. En effet, selon l’article 970 du Code civil, la date du testament olographe est essentielle à sa validité. Cette condition vise à vérifier la capacité du testateur au jour de la rédaction du testament et à empêcher, ainsi, toute fraude.
Cependant, protectrice du testateur, l’exigence d’un testament daté ne doit être appréciée que dans son intérêt. C’est très certainement la raison pour laquelle la Cour de cassation l’interprète ici de manière souple, à l’encontre de la thèse des auteurs du pourvoi qui en appelaient à une lecture plus formelle des termes de l’article 970. Pourtant, la Haute cour refuse depuis longtemps d’y procéder, et ce que la date du testament soit incomplète, imprécise, ou totalement absente : « Les faits et circonstances extrinsèques au testament peuvent, dans la mesure où ils corroborent les éléments intrinsèques dans lesquels doit avoir son principe et sa racine la preuve de la date, servir à établir cette date ou à la compléter » (v. Civ. 1re, 24 juin 1952).
L’esprit de l’article 970 du Code civil est ainsi préféré à sa lettre. Si la loi exige un testament daté pour vérifier la capacité de son rédacteur d’exprimer une volonté libre et éclairée, la pleine capacité de celui-ci, dans la période supposée de rédaction ou même jusqu'à son décès, et l’absence de tout autre testament révocatoire ou inconciliable avec le testament considéré, privent logiquement de cause l'exigence formelle de date.
Ce raisonnement revient, comme en témoigne la décision commentée, à faire peser la charge de la preuve de la vulnérabilité du testateur ou de la caducité du testament litigieux sur les héritiers qui le contestent.
En l’espèce, ils n’ont su la rapporter, dès lors que les pièces produites démontraient que le testament n’avait pu être rédigé qu’entre 2001 et 2008, époque à laquelle la testatrice avait connu et embauché son aide ménagère et qu’aucun élément ne parvenait à établir l’insanité d’esprit ou une perte de discernement de la défunte durant l’intégralité de cette période au cours de laquelle le testament avait été nécessairement écrit par elle, sans que la preuve d’une révocation ultérieure de ce dernier n’ait pu, par ailleurs, être apportée. On comprend aussi qu'il s'agit moins de reconstituer une date qu’une période de rédaction, ce que révélait déjà la jurisprudence antérieure (Civ. 1re, 10 mai 2007, préc.)
En tout cas, par cette position qui devient constante, la Cour de cassation, sans vouloir faire parler les morts, semble vouloir faire taire les vivants inaptes à rapporter la preuve de leur insatisfaction.
Civ. 1re, 5 mars 2014, n°13-14.093
Références
« Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme. »
■ Civ. 1re, 10 mai 2007, n° 05-14.366 ; RTD civ. 2007. 604, obs. M. Grimaldi ; Dr. fam. 2007, comm. 131, B. Beigner.
■ Civ. 1re, 24 juin 1952, JCP G 1952. II. 7179, note Voirin.
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