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[ 19 novembre 2024 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Recours en contribution à la dette : recherche d’une faute de conduite de l’élève conducteur

Bien que l’élève conducteur soit légalement considéré comme un tiers pour permettre l’indemnisation intégrale de son préjudice par l’assureur d’auto-école, il convient de rechercher s’il a commis une faute de conduite pour se prononcer sur le recours en contribution à la dette. 

Civ. 2e, 10 oct. 2024, n° 23-12.120

Alors qu’il conduisait une motocyclette et dispensait, à deux élèves qui le suivaient, l’une en motocyclette, l’autre en automobile, un cours de conduite, un moniteur d’auto-école a été victime d’un accident de la circulation qui a impliqué, dans un premier temps, un camion circulant en sens inverse qui l’a percuté de face, et, dans un second temps, après le choc initial, la motocyclette conduite par son élève, qui lui a roulé sur la cheville. Aux fins d’indemnisation de son préjudice, la victime assigne l’assureur du camion, qui se retourne contre l’assureur des motocyclettes, propriétés de l’auto-école, afin d’être garanti de toutes les condamnations prononcées à son encontre. En appel, l’assureur du camion est débouté de sa demande de recours subrogatoire à l’égard de l’assureur des véhicules de l’auto-école, aux motifs que concernant ce type de véhicules, l'élève est considéré comme un tiers au contrat d'assurance et qu’il doit, en cette qualité, être traité de la même façon qu'une victime de l'accident, même s'il était au volant du véhicule, et qu'en cas d'accident impliquant un véhicule auto-école, l'assureur du véhicule tiers qui a indemnisé la victime et entend être déchargé de tout ou partie de la dette indemnitaire peut exercer son action récursoire contre l'assureur de l'auto-école mais uniquement en démontrant une faute de conduite de cette école ou du moniteur qui l’emploie. La faute de conduite de l'élève, au cours de sa leçon, ne saurait en revanche être invoquée pour caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de l'auto-école et la garantie de son assureur. La Cour de cassation condamne cette analyse et reproche à la juridiction de second degré d’avoir exclu par principe la faute de l'élève conducteur pour se prononcer sur le recours en contribution à la dette, violant ainsi les articles 1240 et 1346 du Code civil, ainsi que l’article L. 211-1 du Code des assurances. En effet, en application de ces dispositions, la Haute juridiction considère que le fait qu'un élève conducteur soit légalement considéré comme un tiers au contrat, afin de permettre son indemnisation intégrale par l'assureur du véhicule auto-école, ne fait pas obstacle à ce que soit recherché, pour statuer sur le recours en contribution à la dette, s'il a commis une faute de conduite. Ainsi l’assureur du camion restait-il en l’espèce en droit d’exercer son recours subrogatoire à l’encontre de l’assureur de la motocyclette conduite par l’élève de l’auto-école, le succès d’un tel recours supposant toutefois de rechercher puis de caractériser une faute de conduite effectivement commise par l’élève.

Les accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur sont régis, quant à l’indemnisation des victimes, par la loi du 5 juillet 1985, dont nul n’ignore l’exclusivité d’application. Toutefois, de jurisprudence constante, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation et son assureur, qui a indemnisé les dommages causés à un tiers, ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué et assuré que sur le fondement des articles 1240 et 1346 (anc. 1382 et 1251 du code civil en leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016). Dès lors, le recours subrogatoire n’est recevable qu’en présence d’une faute, d’un dommage, et d’un lien de causalité direct et certain, conformément aux règles de la responsabilité délictuelle. Comme le rappelle ici la Cour, la contribution à la dette indemnitaire a lieu en proportion des fautes respectivement commises par les conducteurs coauteurs de l’accident et, en l'absence de faute prouvée à la charge des différents conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales. Le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l'entière obligation, ne peut donc, comme le codébiteur solidaire, même s'il agit par subrogation, répéter contre les autres débiteurs que les part et portion de chacun d'eux. Mais lorsque certains des coauteurs sont fautifs, la répartition se fait entre eux à proportion de la gravité des fautes respectives, dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. Dans le cadre du recours subrogatoire, la recherche de la faute, pourtant absente du régime prévu par la loi de 1985, redevient déterminante pour statuer sur la répartition de la charge finale de la dette entre les coauteurs de l’accident. Complétant sa jurisprudence, la deuxième chambre civile admet dans cet arrêt que même la faute du tiers doit être prise en considération pour statuer sur la contribution à la dette. Elle juge en effet nécessaire de rechercher la faute éventuellement commise par l’élève conducteur et le cas échéant, d’en tenir compte pour déterminer la répartition de la dette définitive. Nécessaire, cette prise en compte est rendue possible par l’indifférence affichée par la Cour à son statut de tiers au contrat d’assurance dans le cadre du recours subrogatoire ; en effet, sa qualité de tiers n’est en réalité décisive que pour reconnaître à l’élève le droit à l’indemnisation de ses préjudices par l’assureur de son auto-école. C’est pourquoi la deuxième chambre civile casse l’arrêt d’appel ayant débouté l’assureur de son action récursoire au motif erroné qu’aucune faute de l’élève ne pouvait être retenue pour statuer sur le recours en contribution.

 

Auteur :Merryl Hervieu

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