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Procédure civile
Recours en révision : une recevabilité sous condition
Mots-clefs : Voies de recours, Révision, Recevabilité, Condition
Le recours en révision n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
Technique ultime de correction d'une erreur judiciaire, le recours en révision, quelle qu’en soit la cause d'ouverture, ne sera recevable que sous trois conditions :
– il sera, tout d’abord, nécessaire que la cause de révision invoquée ne se soit pas révélée à l'auteur du recours en révision avant que la décision attaquée n'ait été rendue ;
– il sera, ensuite, exigé que la partie requérante n'ait pu faire valoir, sans faute de sa part, la cause de révision avant que la décision attaquée ne soit passée en force de chose jugée ;
– il faudra, enfin, que la cause de révision invoquée ait eu un caractère déterminant au regard de la décision attaquée.
La décision rapportée procède d’un rappel de la deuxième condition précitée.
À la suite d’un jugement ayant condamné le défendeur à verser certaines sommes au demandeur, un appel avait été interjeté. Toutefois, un conseiller de la mise en état avait, par la suite, prononcé la radiation du rôle de l’affaire (C. pr. civ., art. 526, al. 2). Plus de deux années après, la péremption de cette instance avait été constatée.
L’appelant forma alors un recours en révision contre le jugement initial de condamnation, au soutien duquel il fit valoir la dissimulation d’une pièce décisive dont il avait pu prendre connaissance postérieurement à la radiation de l’affaire mais antérieurement à la péremption de l’instance.
Les juges du fond déclarèrent son recours irrecevable au motif, d’une part, de sa date d’introduction antérieure à celle à laquelle le jugement dont la rétractation était demandée avait acquis force de chose jugée et, d’autre part, de la possibilité qu’avait eue le demandeur en révision de demander le rétablissement de l’affaire en justifiant des conséquences manifestement excessives pour lui de la radiation de l’instance, l’empêchant de verser aux débats la preuve nouvelle qui lui avait été dissimulée.
Au soutien de son pourvoi en cassation, le demandeur fit principalement valoir que la condition du recours en révision tenant à la force jugée de la décision attaquée doit s’apprécier au jour où le juge statue et que le délai d’exercice d’un tel recours (deux mois) court à compter du jour où la partie requérante a connaissance de la cause de révision qu’elle invoque ; or le demandeur estimait avoir été contraint, pour respecter ce bref délai, d’exercer son recours avant que la décision attaquée eût acquis force de chose jugée.
Pour rejeter son pourvoi, la Cour de cassation déduit à nouveau des articles 593 et 595 du Code de procédure civile que le recours en révision, tendant à faire rétracter une décision passée en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit, n’est recevable qu’à la condition que son auteur n’ait pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision attaquée n’ait acquis force de chose jugée (V. sur le principe, Crim. 28 oct. 1980 ;Civ. 3e, 15 févr. 1984 ; Civ. 2e, 2 juill. 1986 ; Civ. 2e, 10 mars 1988 ; Civ. 2e, 14 mai 1997 ; Civ. 2e, 25 juin 1997), ce qui s’apprécie à la date d’introduction du recours. Or elle considère, qu’en l’espèce, le demandeur ne s’était pas trouvé dans l’impossibilité de faire valoir la cause de révision invoquée avant que la décision passât en force de chose jugée, d’où l’irrecevabilité du recours.
Ainsi le recours en révision est-il fermé à la partie qui par sa faute et donc, concrètement, par sa négligence, n'a pas exercé les voies de recours suspensives d'exécution, telles que l'appel, pour poursuivre la sanction et la réparation d'agissements frauduleux, ou de faits susceptibles de constituer des causes de révision, alors même qu'elle en avait connaissance après que la décision ait été rendue et qu'une voie de recours ordinaire était ouverte.
La condition posée par l'article 595, dernier alinéa, du Code de procédure civile doit alors, et à plus forte raison, être opposée au demandeur qui, ayant eu connaissance d'agissements ou de circonstances susceptibles de constituer des causes de révision avant que la décision ne soit rendue, non seulement s'est abstenu d'en faire état auprès du juge avant que celui-ci ne rende sa décision mais a, par surcroît, négligé d'exercer une voie de recours ordinaire à l'encontre de cette décision alors qu’il en avait la possibilité et cela soit par négligence, soit dans l'intention de se réserver un recours en révision dont la dénonciation en temps utile de la cause susceptible de le fonder lui aurait interdit l'espoir.
L’espèce rapportée correspond à ce dernier cas de figure. Le demandeur avait manqué d’invoquer, en cause d’appel, la cause de révision tenant, conformément aux dispositions de l’article 595, 2° du Code de procédure civile, à la découverte, postérieure au jugement, d’une pièce décisive. Pour le dire autrement, l’irrecevabilité du recours en révision s’explique ici par la faute du demandeur, seul responsable de ne pas en avoir fait valoir la cause durant l’instance d’appel, c’est-à-dire à un moment où le jugement dont il sollicitait la révision n’avait pas encore acquis force de chose jugée, faute d’épuisement des voies de recours ordinaires.
Par là, la Cour rappelle qu’à l’inverse, le recours en révision doit rester une voie de recours extraordinaire, dont l’irrecevabilité mérite d’être opposée aux plaideurs négligents.
Civ. 2e, 30 janv. 2014, n°12-28.323
Références
■ Crim. 28 oct. 1980, n°79-92.728, Gaz. Pal. 1981, 1, pan. jurispr. p. 47.
■ Civ. 3e, 15 févr. 1984, n°82-12.110, Bull. civ. III, n° 40.
■ Civ. 2e, 2 juill. 1986, n°85-11.614, Bull. civ. II, n° 103.
■ Civ. 2e, 10 mars 1988, n°85-15.073, Bull. civ. 1988, II, n° 63.
■ Civ. 2e, 14 mai 1997, n°95-14.343, Procédures 1997, comm. 175, obs. R. Perrot.
■ Civ. 2e, 25 juin 1997, n°95-14.469, Procédures 1997, comm. 232, obs. R. Perrot.
■ Code de procédure civile
« Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
Le premier président ou le conseiller chargé de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée. »
« Le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. »
« Le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. »
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