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Introduction au droit
Réduction du délai de prescription : quelle application dans le temps ?
Mots-clefs : Actions contre l’État, Responsabilité, Indemnisation, Prescription, Délai, Réduction, Loi nouvelle, Droit transitoire
Lorsqu’une loi nouvelle abrège un délai de prescription, le nouveau délai court à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la durée totale ne pouvant excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Les actions en réparation contre les organismes publics se prescrivent, comme la plupart des actions contre l'État, par quatre ans. Cette règle, qui paraît simple, s’est, en l’espèce, révélée problématique compte tenu du changement de statut de l’organisme auprès duquel l’indemnisation du préjudice subi était sollicitée.
En effet, alors qu’avant la loi n°2004-806 du 9 août 2004, l’indemnisation des victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l’immunodéficience humaine était confiée au FITH, organisme de droit privé, celle-ci fut, par la suite, par la loi précitée, prise en charge par l’ONIAM, organisme public. Or, la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée a instauré un régime de prescription de quatre ans. Son article 1er dispose en ce sens que sont prescrites toutes créances sur les établissements publics dotés d’un comptable public qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Ainsi, nous pouvons remarquer que dans la mesure où le délai commence à courir « à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis » (Paris, 28 janv. 1972), cette prescription quadriennale se rapproche de la prescription quinquennale.
Pour contester la prescription de son action, déclarée irrecevable par les juges du fond, la demanderesse avait tenté d’invoquer l’application de l’article L. 1142-28 du Code de la santé publique lequel, dans le but d’harmoniser les délais de prescription des actions en responsabilité médicale, prévoit que « (l)es actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage ».
Cependant, compte tenu de la date du décès de la victime et de celle de l’introduction par son ayant droit de l’action en réparation, cette loi n’était pas applicable en la cause. Partant, un retour au droit antérieur à cette loi s’imposait, faisant alors renaître la question du statut public ou privé de l’organisme d’indemnisation.
En effet, avant l’édiction du texte précité, deux délais de prescription étaient distinctement prévus selon que le demandeur en réparation avait subi son préjudice dans un hôpital public ou dans une clinique privée : dans le premier cas s’appliquait une prescription quadriennale alors que dans le second s’appliquait la prescription trentenaire de l’ancien article 2262 du Code civil. D’où la question de déterminer, en l’espèce, le délai de prescription applicable — quadriennal ou trentenaire — ou pour le dire autrement, d’apprécier le renouvellement du délai au regard du changement de statut de l’organisme d’indemnisation, intervenu entre la date du décès de la victime et celle de l’introduction de la demande en réparation.
À cette fin, les juges du fond, dont l’analyse est approuvée par la première chambre civile, ont logiquement mis en œuvre la règle générale concernant l’application dans le temps des lois modifiant les délais de prescription. Il revient au nouvel article 2222 du Code civil d'énoncer le système, à l’origine prétorien, retenu depuis la réforme de 2008. Celui-ci prévoit qu’ « (e)n cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » (C. civ., art. 2222, al. 2).
En l’espèce, plus de quatre ans s’étaient écoulés depuis la date d’entrée en vigueur (1er janv. 2006) de la loi de 2004 ayant modifié le statut de l’organisme d’indemnisation. Par conséquent, la demande était bien prescrite.
Civ. 1re, 11 mars 2014, n°13-10.697
Références
■ Article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics
« Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. »
■ Article L. 1142-28 Code de la santé publique
« Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage.
Ces actions ne sont pas soumises au délai mentionné à l'article 2232 du code civil. »
« La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
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