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Droit de la famille
Réforme de la justice : côté famille
La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice dont l’objectif est de simplifier la procédure civile, administrative et pénale, et de renforcer l’efficacité de l’organisation judiciaire a un impact dans plusieurs domaines dont en droit de la famille
■ Rappelons l’histoire de cette loi
Le projet présenté en Conseil des ministres le 20 avril 2018 par Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, a été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 23 octobre 2018 et avec modifications, par l’Assemblée nationale le 11 décembre 2018. Après désaccord en commission mixte paritaire le 13 décembre 2018, le projet de loi a été adopté en nouvelle lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 23 janvier 2019 et en nouvelle lecture, avec modifications, par le Sénat le 12 février 2019. Le 18 février 2019, le texte définitif du projet est enfin adopté par l’Assemblée nationale. Le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel rend une décision de non-conformité partielle (Cons. const. n° 2019-778 DC). Enfin, la loi promulguée le 23 mars 2019 est publiée au Journal officiel du 24 mars 2019. Selon la disposition transitoire certains articles sont d’application immédiate, d’autres n’entreront en vigueur qu’en janvier 2020 et d’autres nécessitent d’un décret d’application pour leur entrée en vigueur.
Les nouveautés de cette loi sont réelles et très vastes. Seront ici examinés quelques points relatifs au droit de la famille.
■ Sur la mutation du régime matrimonial
La loi du 23 mars 2019 (art. 8) supprime le délai minimal de deux ans de durée du régime matrimonial avant changement (C. civ., art. 1397). En cas de présence d’enfant mineur sous tutelle ou d’enfant majeur protégé, l’information de changement de régime doit être faite à son représentant. Le texte supprime aussi l’homologation systématique en présence d’enfants mineurs. Dans ce cas, selon l’article 387-3 du Code civil (auquel l’art. 1397 renvoie), une faculté est accordée au notaire qui pourra saisir le juge des tutelles en tant que « tiers ayant connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci ». Ces dispositions sont entrées en vigueur le 25 mars 2019. L’homologation par le juge aux affaires familiales est désormais supprimée et le notaire devient le responsable du contrôle de ce changement. Ces mesures marquent une avancée dans la procédure de libéralisation de la procédure, le juge n’est plus un préalable dans le changement de régime matrimonial ni indispensable en présence d’enfants mineurs.
■ Sur la séparation de corps
La séparation de corps par consentement mutuel est déjudiciarisée (L. du 23 mars 2019, art. 24 ; C. civ., art. 296), elle se fait par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire. Cette possibilité est exclue lorsqu’un époux est placé sous un régime de protection ou lorsqu’un enfant mineur demande à être auditionné (comme en matière de divorce). Cette disposition est entrée en vigueur le 25 mars 2019.
■ Sur le divorce
La suppression de la phase de conciliation des procédures judiciaires de divorce représente le grand bouleversement de cette loi (L. du 23 mars 2019, art. 22 ; C. civ., art. 251 s.).
Les époux pourront également accepter le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats dès lors qu’ils sont chacun assistés d’un avocat (L. du 23 mars 2019, art. 22 ; C. civ., art. 233).
Selon la circulaire de présentation des entrées en vigueur des dispositions civiles de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 25 mars 2019 : « Il n’y aura plus qu’un seul acte de saisine qui pourra ne pas mentionner le fondement de la demande en divorce. La mention de la demande en divorce pour faute sera même impossible dans la saisine et ne pourra pas être faite avant les premières conclusions au fond. La saisine devra aussi mentionner de nouveaux éléments tels que la possibilité de recourir à la procédure participative. Le juge tiendra dès le début de la procédure une audience pour orienter le dossier et statuer, le cas échéant, sur les mesures provisoires. Cette audience se tiendra, sauf si les parties (ou la seule partie constituée), s’accordent pour y renoncer. La nouvelle procédure permettra que les échanges au fond puissent démarrer immédiatement après la saisine ou après l’ordonnance sur les mesures provisoires. Il est créé la possibilité d’accepter le principe du divorce sur le fondement de l’article 233 du code civil par acte sous signature privée contresigné par avocats. L’article 238 est modifié pour tenir compte de l’unification des différentes phases procédurales. La date des effets du divorce est désormais fixée, à défaut de report, à la date de la demande en divorce selon le nouvel article 262-1. » Ces dispositions entreront en vigueur à une date précisée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er septembre 2020.
Par ailleurs, la loi du 23 mars 2019, selon son article 23, réduit la durée de la cessation de la communauté de vie pour le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal à un an au lieu de deux ans (C. civ., art. 238). Cette disposition entrera en vigueur à la date fixée par le décret d’application pour la procédure de divorce contentieuse et au plus tard le 1er septembre 2020. .
■ Sur l’attribution de la jouissance provisoire du logement de la famille à un parent non marié
L’article 373-2-9-1 du Code civil crée par l’article 32 de la loi du 23 mars 2019 permet désormais au juge aux affaires familiales d’attribuer provisoirement la jouissance du logement de la famille à un concubin ou un partenaire de pacte civil de solidarité, en présence d’enfants. Cet article a pour objectif de sécuriser le logement des enfants lors de la séparation parentale, quel que soit le statut matrimonial des parents.
■ Sur la filiation
C’est désormais le notaire et non plus le juge d’instance qui établit l’acte de notoriété (L. du 23 mars 2019, art. 6, C. civ., art. 46). Ainsi, la filiation est légalement établie, par la possession d'état constatée par un acte de notoriété (C. civ., art. 310-1) et se prouve par l'acte de notoriété constatant la possession d'état (C. civ., art. 310-3) rédigé dans le respect des mentions de l'article 317 du Code civil . Il n’est donc plus établi par le juge depuis le 25 mars 2019, mais par le notaire sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document qui atteste une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté.
■ Sur l’assistance médicale à la procréation
Selon l’article 6 de la loi du 23 mars 2019, le notaire est maintenant le seul compétent pour recueillir le consentement du couple ayant recours à une assistance médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneurs et en cas d’accueil d’embryon (C. civ., art. 311-20 et CSP, art. L. 2141-6 ; L. 2141-10). Auparavant, dans le cas d’une AMP avec don de gamètes le couple composé d’un homme et d’une femme, marié ou non, devait donner son consentement au président du tribunal de grande instance ou à un notaire. Ainsi, depuis le 25 mars 2019, date d’entrée en vigueur de la loi, le juge saisi d’une demande d’autorisation d’accueil d’embryon devra rendre une décision de non-lieu à autorisation.
■ Sur les majeurs protégés
Le mariage du majeur sous tutelle ou curatelle n’est plus conditionné par une autorisation (L. du 23 mars 2019, art. 10). Désormais la personne chargée de la protection est informée au préalable du projet de mariage du majeur protégé (C. civ., art. 460). L’article 63 du Code civil précise que les futurs époux doivent justifier de l’information faite à la personne chargée de la protection. A défaut, l’officier de l’état civil ne peut célébrer le mariage. Selon l’annexe 8 de la circulaire du 25 mars précité : « L’article 10 concrétise la liberté pour les majeurs de choisir leur conjoint, sans pour autant éluder le besoin de protection. Les autorisations délivrées préalablement par le juge ou le curateur en matière de tutelle et de curatelle relevaient d’un régime de contrôle a priori qui imposait en outre d’entendre l’entourage du majeur protégé souhaitant se marier, ce qui constitue autant d’entrave disproportionnée à l’exercice de leur liberté individuelle. Les nouvelles dispositions aboutissent à instaurer un dispositif équilibré d’opposition, lorsque le tuteur ou le curateur estime nécessaire de protéger le majeur au-delà de la seule question patrimoniale. » Enfin, l’article 1399 du Code civil est modifié afin de permettre à la personne chargée de la mesure de protection d’être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale pour préserver les intérêts du majeur protégé. Si le majeur protégé peut décider seul de se marier, ses intérêts patrimoniaux peuvent être sauvegardés par la conclusion d’un contrat de mariage à l’initiative de son représentant. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 25 mars 2019.
Le divorce du majeur protégé est également réformé (C. civ., art. 249). Il peut désormais accepter seul, sans assistance et avec un système de représentation à son profit, le principe de la rupture du mariage, sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Le majeur en curatelle exerce l’action lui-même, avec l’assistance de son curateur. Le majeur en tutelle est, pour exercer l’action, représenté par son tuteur. Enfin, lorsqu’une demande de protection est déposée, aucune demande en divorce ne peut être examinée avant la décision du juge des tutelles (en vigueur depuis le 25 mars 2019).
Les majeurs en tutelle souhaitant se pacser pourront le faire sans solliciter l’autorisation préalable du juge des tutelles mais devront être assistés de leur tuteur pour la signature de la convention de Pacs (C. civ., art. 462). Le régime de la tutelle est donc aligné sur celui de la curatelle (en vigueur depuis le 25 mars 2019).
■ Sur l’habilitation familiale
L’article 29 de la loi du 23 mars 2019 modifie les règles relatives à l’habilitation familiale. Elle redéfinit les causes d’ouverture de l’habilitation et inclut dorénavant la personne à protéger parmi celles qui sont en droit d’en solliciter l’ouverture (C. civ., art. 494-1). Ainsi, lorsqu'une personne est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un Pacs ou le concubin à la représenter, à l'assister ou à passer un ou des actes en son nom, afin d'assurer la sauvegarde de ses intérêts (en vigueur depuis le 25 mars 2019).
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