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[ 27 mai 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : actions interrogatoires

Mots-clefs : Action interrogatoire, Pacte de préférence, Représentation, Nullité

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations introduit dans le Code civil trois actions interrogatoires qui concernent le pacte de préférence, les pouvoirs du représentant conventionnel et la nullité ; ces dispositions sont applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance fixée au 1er octobre 2016 à tous contrats, y compris aux contrats en cours.

S’agissant, tout d’abord, de l’action interrogatoire relative au pacte de préférence, l’article 1123 alinéas 3 et 4 du Code civil, tels qu’issus de l’ordonnance, dispose que : « Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir. L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat». 

Cette action est ainsi encadrée par des conditions strictes : exigence d’un écrit, mention de la sanction encourue en cas de défaut de réponse et fixation d’un délai raisonnable. Cette dernière condition qui repose sur un standard, illustre le rôle du juge qui sera, via ce standard comme les nombreux autres que la loi contient, le coauteur de la loi. L’absence de fixation d’un délai légal, si elle peut s’expliquer en raison de la diversité des opérations juridiques, accorde au juge le pouvoir d’apprécier le caractère raisonnable ou non du délai ; certains y verront une source d’insécurité juridique pour le tiers, d’autres un facteur de flexibilité qu’impose la diversité des situations. La sanction du défaut de délai raisonnable n’est pas précisée mais pourrait consister en la conservation par le bénéficiaire du pacte de la possibilité de solliciter la substitution ou la nullité. En outre, il est possible de s’interroger sur l’utilité de cette action interrogatoire. Le tiers souhaitant conclure le contrat préfèrera, peut-être, ne pas interpeller le bénéficiaire, à ses risques et périls. Cependant, quelle sera la position de la Cour de cassation dans l’hypothèse où le tiers, soupçonnant l’existence d’un pacte, ne met pas en œuvre cette action interrogatoire ? Malgré le caractère facultatif de cette action, le juge considèrera-t-il que le tiers est de mauvaise foi et donc qu’il peut être sanctionné même en l’absence de certitude sur la volonté du bénéficiaire de se prévaloir du pacte ? A tout le moins, retiendra-t-il plus facilement ou présumera-t-il la connaissance de cette volonté ?

Concernant l’action interrogatoire qui permet de lever les doutes sur l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel, le nouvel article 1158 du Code civil énonce que : « Le tiers qui doute de l'étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l'occasion d'un acte qu'il s'apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.  L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte. » Les mêmes conditions exigées dans le texte précédent le sont ici : nécessité d’un écrit, mention de la sanction encourue et fixation d’un délai raisonnable. Se pose également dans cette hypothèse la question de l’appréciation du caractère raisonnable ou non du délai. Par ailleurs, il est aussi possible de se demander, malgré le caractère facultatif de l’action, si une sanction du tiers qui douterait du pouvoir du représentant mais qui n’interpellerait pas le représenté serait possible ? En effet, l’application de la théorie de l’apparence, telle que consacrée à l’article 1156 nouveau du Code civil (« L'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté »), pourrait, peut-être, lui être refusée. 

Enfin, l’ordonnance introduit dans le Code civil une action interrogatoire relative à la mise en œuvre de l’action en nullité, à l’article 1183 du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance, qui prévoit qu’ : « Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé. L'écrit mentionne expressément qu'à défaut d'action en nullité exercée avant l'expiration du délai de six mois, le contrat sera réputé confirmé. » Comme pour les deux autres actions interrogatoires un écrit est exigé, ainsi que la mention de la sanction encourue. Cependant, pour cette action un délai légal d’action en nullité pour la partie interrogée est fixé. En outre, le champ d’application de ce texte est limité : la cause de la nullité doit avoir cessé et elle ne peut concerner qu’une nullité relative, seule susceptible de confirmation (C. civ., art. 1181, tel qu’issu de l’ordonnance). L’action en nullité se prescrivant par cinq ans (C. civ., art. 2224) et, de surcroît, l'exception de nullité ne se prescrivant pas si elle se rapporte à un contrat qui n'a reçu aucune exécution (C. civ., art. 1185, tel qu’issu de l’ordonnance), cette action interrogatoire a l’avantage de permettre de sortir d’une situation d’incertitude quant à l’exécution du contrat. Toutefois, la partie qui décide d’user de cette faculté, en cas d’action en nullité exercée par son cocontractant, aura des difficultés à contester une telle demande à la suite de son action interrogatoire.

Articles 1123 alinéas 3 et 4, 1158, et 1183 du Code civil, tels qu’issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrant en vigueur le 1er octobre 2016.

 

Auteur :C. D.


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