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Droit des obligations
Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : fixation unilatérale du prix dans les contrats-cadre et de prestation de service
Mots-clefs : Contrat-cadre, Contrat de prestation de service, Fixation unilatérale du prix, Obligation de motivation, Abus, dommages-intérêts, Résolution
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations consacre et encadre la fixation unilatérale du prix dans les contrats-cadre et de prestation de service (C. civ., art. 1164 et 1165, tels qu’issus de l’ordonnance). Ces dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2016 ; les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
La détermination du prix dans les contrats-cadre est régie par le nouvel article 1164 qui dispose que : « Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation.
En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. »
Ce texte consacre ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation qui a notamment admis que : « lorsqu'une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l'abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu'à résiliation ou indemnisation » (Cass., ass. plén., 1er déc. 1995, n° 91-15.578 et n° 91-15.999). Toutefois, si la jurisprudence a admis l’indifférence de l’indétermination du prix en toute matière sauf dispositions légales contraires (Cass., ass. plén., 1er déc. 1995, n° 93-13.688 ; Civ. 1re, 12 mai 2004, n° 03-13.847), cette règle n’est pas consacrée par l’ordonnance qui ne prévoit que des dispositions relatives à la fixation unilatérale du prix pour le contrat-cadre et le contrat de prestation de service.
La possibilité de fixation unilatérale du prix dans les contrats-cadre, qui sera probablement souvent attribuée au créancier, permet une certaine souplesse, nécessaire à la réalisation de nombreuses opérations juridiques pour lesquelles le prix est difficilement déterminable à l’avance. C’est le cas notamment des contrats de distribution. La fixation unilatérale du prix est toutefois encadrée afin d’éviter une exploitation abusive de cette prérogative. Celle-ci doit être prévue par les parties et, en cas de contestation, ce nouvel article prévoit qu’une obligation de motivation du montant pèse sur la partie à l’origine de la fixation. Aucune sanction n’est prévue pour le manquement à cette obligation, mais l’impossibilité de justifier du montant facilitera certainement la preuve de l’abus, en cas de saisine du juge.
L’encadrement le plus important de cette fixation unilatérale du prix est la possibilité de saisir le juge en cas d’abus. Comme précisé dans la jurisprudence précitée, l’indétermination préalable du prix n’est pas, en soi, un motif de remise en cause de la validité du contrat. Le contrôle du juge ne porte que sur la fixation postérieure du prix et son éventuel caractère abusif. Les critères de l’abus n’étant pas déterminés dans le texte, cela laissera une importante marge de manœuvre au juge qui sera chargé de l’apprécier. Les sanctions prévues pour cet abus sont l’octroi de dommages-intérêts et éventuellement la résolution du contrat. Elles apparaissent ainsi moins ambitieuses que dans l’avant-projet, qui admettait la révision du prix, et que dans d’autres textes issus de la réforme, notamment l’article 1195 qui consacre la révision pour imprévision.
S’agissant des contrats de prestation de service, l’article 1165, tel qu’issu de l’ordonnance, dispose que : « Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts. »
Cette disposition autorise la fixation unilatérale du prix par le créancier, dans l’hypothèse où les parties ne se seraient pas entendues avant l’exécution de la prestation. En matière de contrat de prestation de service la flexibilité est également essentielle. En effet, l’importance du travail du prestataire et le temps nécessaire à la réalisation de la prestation peuvent, notamment, être difficiles à évaluer préalablement. Le même encadrement que précédemment est prévu : une obligation de motivation du montant en cas de contestation et une éventuelle saisine du juge. Toutefois, ici aussi, la révision judiciaire du prix n’est pas prévue, seuls des dommages-intérêts peuvent être octroyés en cas d’abus dans la fixation du prix. De surcroît, la possibilité de fixation du prix par le juge en l’absence d’accord entre les parties, admise en jurisprudence pour certains contrats de prestation de service, tel que le contrat d’entreprise (ex. Civ. 1re, 24 nov. 1993, n° 91-18.650), n’est pas prévue par le texte, la jurisprudence à venir déterminera de son maintien. Enfin, l’article 1165 n’aborde pas l’hypothèse du prix préalablement convenu mais qui serait contesté par la suite, la jurisprudence ayant retenu par exemple pour la révision des honoraires des mandataires la possibilité d’une révision judiciaire en cas de prix qui se révèle exagéré au regard du service rendu (ex. Civ. 29 janv. 1867). Cette hypothèse n’étant pas celle visée par le texte, la jurisprudence s’y rapportant pourrait ainsi coexister parallèlement à l’article 1165.
Articles 1164 et 1165 du Code civil, tels qu’issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrant en vigueur le 1er octobre 2016.
Références
■ Cass., ass. plén., 1er déc. 1995, n° 91-15.578 P, n° 91-15.999 P et n° 93-13.688 P, D. 1996. 13, concl. M. Jeol, note L. Aynès ; ibid. 1998. 1, chron. A. Brunet et A. Ghozi ; RTD civ. 1996. 153, obs. J. Mestre ; RTD com. 1996. 316, obs. B. Bouloc ; ibid. 1997. 1, étude M. Jeol ; ibid. 7, étude C. Bourgeon ; ibid. 19, étude C. Jamin ; ibid. 37, étude T. Revet ; ibid. 49, étude D. Ferrier ; ibid. 67, étude M. Pédamon ; ibid. 75, étude P. Simler.
■ Civ. 1re, 12 mai 2004, n° 03-13.847.
■ Civ. 1re, 24 nov. 1993, n° 91-18.650 P, RTD civ. 1994. 631, obs. P.-Y. Gautier.
■ Civ. 29 janv. 1867.
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