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Droit des obligations
Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : la violence pour abus de l’état de dépendance
Mots-clefs : Violence, Abus de l’état de dépendance, Avantage manifestement excessif
L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations introduit dans le Code civil, parmi les vices du consentement, la violence pour abus de l’état de dépendance (C. civ., art. 1143, tel qu’issu de l’Ord. n° 2016-131). Cette disposition entre en vigueur le 1er octobre 2016 ; les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
Au sein des vices du consentement, l’ordonnance introduit une forme particulière de violence au nouvel article 1143 du Code civil, qui dispose qu’il y a violence, notamment, « lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
L'état de dépendance dans lequel se trouve le cocontractant, ressort ainsi comme étant la première condition de ce texte, lequel fait directement écho à la jurisprudence relative à la violence économique. En effet, la Cour de cassation a, tout d’abord, admis, sans plus de précisions, que : « la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion » (Civ. 1re, 30 mai 2000, n° 98-15.242). Puis, dans un arrêt en date du 3 avril 2002, elle a dégagé les conditions de la violence économique en retenant que : « seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » (Civ. 1re, 3 avr. 2002, n° 00-12.932). Toutefois, la nouvelle forme de violence consacrée désormais à l’article 1143 du Code civil diffère de la simple violence économique admise jusqu’alors en jurisprudence. En effet, contrairement à la jurisprudence précitée, l’état de dépendance ne semble pas nécessairement être un état de dépendance économique. Le champ d’application de ce texte reste à déterminer par la jurisprudence, d’éventuelles dépendances psychologiques pourront, peut-être, être retenues.
En outre, l’article 1143 du Code civil prévoit que l’auteur de la violence doit tirer de celle-ci un avantage manifestement excessif. Cette condition encadre strictement l’application du texte et instaure un contrôle judiciaire du contrat. Le juge sera amené à apprécier le caractère manifeste ou non de l’avantage excessif au regard, notamment, du contenu du contrat, et des prestations prévues. Cette appréciation par le juge judiciaire, et la sanction éventuelle qui y sera liée se rapproche ici du cas du contrat déséquilibré sans pourtant créer une gémellité entre les deux notions. En effet, un contrat, pris dans son ensemble, peut paraître équilibré mais procurer un avantage particulier à une seule d’entre elle. Il appartiendra alors à la jurisprudence de fixer les contours de la condition d’avantage manifestement excessif.
Enfin, la troisième condition est l’abus de l’état de dépendance du cocontractant. La question se pose ici de la place réelle de ce critère de l’abus au sein de la théorie de la violence pour abus de l’état de dépendance telle qu’issue de la réforme. En effet, l’obtention de l’avantage manifestement excessif fait-elle présumer cet abus ou ce dernier se pose-t-il comme un second critère réel et cumulatif qui devra être recherché à part entière par le juge ? La jurisprudence future décidera de la place à lui accorder.
Article 1143 du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrant en vigueur le 1er octobre 2016
Références
■ Civ. 1re, 30 mai 2000, n° 98-15.242 P, D. 2000. 879, note J.-P. Chazal ; ibid. 2001. 1140, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2000. 827, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 863, obs. P.-Y. Gautier.
■ Civ. 1re, 3 avr. 2002, n° 00-12.932 P, D. 2002. 1860, et les obs., note J.-P. Gridel, note J.-P. Chazal ; ibid. 2844, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2002. 502, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2003. 86, obs. A. Françon.
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