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Droit des personnes
Refus d’adjonction du nom d’un parent décédé
Mots-clefs : Nom de famille, État civil, Loi applicable, Dispositif transitoire, Déclaration conjointe
Le nom d'un parent décédé qui n'a pas été transmis ne peut être ajouté au nom de l'enfant ni sur le fondement de l'ancien article 334-3 du Code civil ni sur le fondement des dispositions transitoires des lois du 4 mars 2002 et 18 juin 2003, qui exigent une déclaration conjointe des deux parents à l'officier d'état civil.
Les questions d'adjonction et de substitution de nom de famille suscitent un contentieux certain. Cet arrêt témoigne des fâcheuses incidences de la succession de réformes en matière de droit du nom et de leurs dispositions transitoires.
En l’espèce, la mère d'un enfant, portant son nom, s’est pourvue en cassation contre un arrêt d'appel ayant refusé l'adjonction du nom du père. La mère, qui n'était pas mariée au père de l'enfant, avait reconnu l'enfant en premier. Quelques semaines après, le père reconnaîtra à son tour l'enfant. Il décédera cinq ans plus tard. La mère de l'enfant avait agi en adjonction du nom du père sur le fondement de l'ancien article 334-3 du Code civil. Or ce texte permettait d'obtenir une substitution judiciaire du nom du parent qui n'avait pas été transmis à l'enfant. Il s'agissait, notamment, de faire face à une situation de discorde, ce qui répondait à l'ancien article 334-2 du Code civil qui concernait, quant à lui, l'hypothèse d'un accord entre les parents.
Détermination de la loi applicable
La première chambre civile souligne que ces textes sont applicables, l'enfant étant né avant le 1er janvier 2005. Ce faisant la Cour met l'accent sur l'application dans le temps des lois n° 2002-304 du 4 mars 2002 et n° 2003-516 du 18 juin 2003 de réforme du droit du nom. Ces textes ne concernent, en effet, que les enfants nés après le 1er janvier 2003. L'on soulignera également que la requête de la mère datait du 28 juin 2006. Or, si l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 est applicable aux enfants nés avant son entrée en application le 1er juillet 2006, c'est à la condition qu'une action en justice n'ait pas été introduite avant cette date.
Substitution v. adjonction de nom
C'est donc bien l'article 334-3 du Code civil qui paraissait applicable. De manière tout à fait prévisible, la Cour de cassation rappelle sa solution en la matière (v., en dernier lieu, Civ. 1re, 9 janv. 2007), à savoir que les articles 334-2 et 334-3 du Code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, n'autorisaient pas l'adjonction des deux noms.
Adjonction de nom : dispositif transitoire de déclaration conjointe des parents
Comme l'adjonction fondée sur l'ancien article 334-3 du Code civil présentait peu de chance de prospérer, le pourvoi invoquait également, dans une seconde branche, les dispositions transitoires des lois n° 2002-304 du 4 mars 2002 et n° 2003-516 du 18 juin 2003. Ces textes ont prévu un dispositif transitoire de déclaration conjointe des parents à l'officier de l'état civil afin d'obtenir l'adjonction du nom du parent qui n'avait pas été transmis.
Or, en l'espèce, le père était décédé. Ainsi, la Cour de cassation va juger irrecevable, car nouveau, le moyen de la mère selon lequel sa demande ne tendait qu'à pallier, grâce à l'autorisation du juge, le décès prématuré du père de l'enfant. L'arrêt prend même soin de préciser que l'adjonction du second nom suppose, de manière assez logique, une déclaration conjointe des deux parents.
Régime actuel de l’adjonction de nom
Ce faisant, la Cour de cassation achève de préciser le régime de cette fameuse adjonction de nom. Celle-ci suppose une déclaration conjointe des deux parents, comme l'exige l'actuel article 311-23, alinéa 2, du Code civil. En l'absence de déclaration conjointe, il n'existe plus aujourd'hui de voie contentieuse, l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ayant supprimé l'adjonction et la substitution judiciaires.
Quant aux actions encore soumises à l'ancien article 334-3 du Code civil, elles ne permettent d'obtenir qu'une substitution du nom. Le présent arrêt démontre, quant à lui, que l'instrumentalisation de la déclaration transitoire prévue par les lois n° 2002-304 du 4 mars 2002 et n° 2003-516 du 18 juin 2003 constitue également une voie sans issue dans l'hypothèse où l'absence de déclaration provient d'un décès et non d'une discorde.
Certains n'ont pas manqué de souligner la rigidité de ce système. Pour autant, la jurisprudence a récemment refusé de le remettre en cause de manière fondamentale. La première chambre civile a précisé, en effet, que l'ancien article 334-3 du Code civil ne porte pas atteinte au droit de l'enfant de préserver son identité, dès lors que ce dernier dispose d'un état civil conforme à la loi et aux relations qu'il entretient avec le parent qui lui a transmis son nom (Civ. 1re, 6 janv. 2010). Seule la déclaration conjointe, faite par les deux parents vivants, permet donc d'obtenir cette fameuse adjonction.
Civ. 1e, 7 mai 2010, n° 09-10.997
Références
■ Nom
« Vocable servant à désigner une personne, porté par les membres d’une même famille et dont il peut être obtenu le changement par décret à condition de justifier d’un intérêt légitime.
La loi du 4 mars 2002 a modifié les règles de dévolution du nom de famille. Traditionnellement, lorsque la filiation de l’enfant est établie à l’égard de ses deux parents, le nom du père (nom patronymique) seul était transmis aux enfants issus du mariage. La loi du 4 mars 2002 a bouleversé cette très ancienne tradition : désormais les parents peuvent choisir le nom transmis, soit du père ou celui de la mère, soit les deux accolés dans l’ordre choisi par eux dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux. En l’absence de choix l’ancien privilège du père se survit. »
■ Code civil
Ancien article 334-2 (modifié par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 - art. 8 JORF 9 février 1995 en vigueur le 9 mai 1995)
« Lors même que sa filiation n'aurait été établie qu'en second lieu à l'égard du père, l'enfant naturel pourra prendre le nom de celui-ci par substitution, si, pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance.
Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire. »
Attention : ces dispositions demeurent en vigueur jusqu'au 1er janvier 2005, l'article 13 de la loi n° 2003-516 ayant reporté au 1er janvier 2005 la date initiale du 1er septembre 2003 prévue par l'article 25 de la loi n° 2002-304.
Ancien article 334-3 (modifié par loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 - art. 48 JORF 9 janvier 1993 en vigueur le 1er février 1994 ; modifié par loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 - art. 64 (V) JORF 9 janvier 1993 en vigueur le 1er février 1994)
« Dans les autres cas, le changement de nom de l'enfant naturel doit être demandé au juge aux affaires familiales. Toutefois, le tribunal de grande instance saisi d'une requête en modification de l'état de l'enfant naturel peut dans un seul et même jugement statuer sur celle-ci et sur la demande de changement de nom de l'enfant qui lui serait présentée.
L'action est ouverte pendant la minorité de l'enfant et dans les deux années qui suivront, soit sa majorité, soit une modification apportée à son état. »
Article 334-3 (modifié par loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 art. 12-1 JORF 5 mars 2002 en vigueur le 1er janvier 2005 ; abrogé par ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 - art. 15 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet 2006)
Lorsque la déclaration prévue à l'article 334-2 n'a pu être faite, le changement de nom de l'enfant naturel doit être demandé au juge aux affaires familiales. Toutefois, le tribunal de grande instance saisi d'une requête en modification de l'état de l'enfant naturel peut dans un seul et même jugement statuer sur celle-ci et sur la demande de changement de nom de l'enfant qui lui serait présentée.
L'action est ouverte pendant la minorité de l'enfant et dans les deux années qui suivront, soit sa majorité, soit une modification apportée à son état.
Article 334-2 (modifié par loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 - art. 12 JORF 19 juin 2003 en vigueur le 1er janvier 2005 ; abrogé par ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 - art. 15 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet 2006)
« Lorsque le nom de l'enfant naturel n'a pas été transmis dans les conditions prévues à l'article 311-21, ses parents peuvent, par déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil, choisir pendant sa minorité soit de lui substituer le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Mention du changement de nom figurera en marge de l'acte de naissance.
Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire. »
*Régime actuel
Article 311-23 (modifié par loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 - art. 1)
« Lorsque la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un parent, l'enfant prend le nom de ce parent.
Lors de l'établissement du second lien de filiation puis durant la minorité de l'enfant, les parents peuvent, par déclaration conjointe devant l'officier de l'état civil, choisir soit de lui substituer le nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu, soit d'accoler leurs deux noms, dans l'ordre choisi par eux, dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Le changement de nom est mentionné en marge de l'acte de naissance.
Toutefois, lorsqu'il a déjà été fait application de l'article 311-21 ou du deuxième alinéa du présent article à l'égard d'un autre enfant commun, la déclaration de changement de nom ne peut avoir d'autre effet que de donner le nom précédemment dévolu ou choisi.
Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire. »
■ Civ. 1e, 9 janv. 2007, AJ fam. 2007. 141, obs. Chénedé, préc. ; RTD civ. 2007. 307, obs. Hauser.
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