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Droit administratif général
Refus d'agrément illégal et retard pris dans l'adoption d'un enfant : lien de causalité
Mots-clefs : Responsabilité, Illégalité fautive, Lien de causalité, Refus d’agrément, Adoption, Retard
L'existence d'un lien de causalité entre le refus d'agrément opposé illégalement à un couple et le retard apporté à l'adoption de l'enfant a été reconnue par un arrêt du Conseil d’État du 28 octobre 2009.
Pour obtenir réparation, la victime doit, en principe, établir l'existence d'un lien direct de cause à effet, ou lien de causalité, entre le fait de l’administration et le préjudice qu'elle a subi. L’arrêt rendu le 28 octobre 2009 est une illustration.
Un couple ayant engagé en mai 1997 des démarches afin d'adopter un enfant au Vietnam, s'était vu refuser l'agrément par une décision du président du conseil général de la Haute-Garonne du 25 juin 1998, qui s'était avérée illégale. Il s'était alors trouvé dans l'impossibilité d'adopter l'enfant avant la suspension des adoptions internationales au Vietnam de mai 1999 à octobre 2000. Cette situation avait ainsi retardé de deux ans l'arrivée de l'enfant, l'agrément leur ayant finalement été accordé en juillet 2000.
Ce couple demandait la condamnation du département de la Haute-Garonne à réparer le préjudice subi du fait de l'illégalité du refus d'agrément. Le Conseil d'État accède à cette demande en considérant que « M. et Mme F. sont fondés à soutenir qu'un lien de causalité direct existe entre la décision illégale de refus d'agrément (…) du 25 juin 2008 et l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés d'adopter plus tôt l'enfant (…) ; qu'en revanche, ce lien de causalité a pris fin avec la délivrance de l'agrément (…) le 11 juillet 2000 ».
CE 28 oct. 2009, M. et Mme F., n° 317010.
Références
■ Lien de causalité
« Il faut, pour engager la responsabilité de la puissance publique, que soit établi un lien de causalité entre le fait qu’on lui impute et le préjudice dont il est demandé réparation. Pour vérifier que le dommage résulte directement d’une activité administrative, le juge administratif recourt de préférence à la théorie de la causalité adéquate, selon laquelle on retient, parmi les différents événements qui ont pu contribuer à la réalisation du dommage, celui dont la survenance a été déterminante (CE S. 14 oct. 1966, Marais, Rec. 548). L’appréciation du lien de causalité pose une difficulté particulière lorsque s’écoule un délai plus ou moins long entre le fait générateur et le préjudice (CE 29 avr. 1987, Banque populaire de la région économique de Strasbourg, Rec. 158). Elle peut aussi révéler l’intervention de causes étrangères à l’Administration, telles que la faute de la victime, le fait du tiers, la force majeure ou le cas fortuit. Il arrive enfin que le juge présume le lien de causalité lorsqu’il n’est pas établi avec certitude (par ex., CE S. 14 févr. 1997, CHR de Nice c/ Époux Quarez, Rec. 44, concl. Pécresse : préjudice lié à la naissance d’un enfant trisomique). »
■ Préjudice
« Atteinte subie par la victime, le préjudice ouvre droit à réparation à condition d’être :
• direct, ie la conséquence d’une activité de l’Administration;
• et certain : ce qui n’est pas le cas du préjudice éventuel, mais n’exclut pas l’indemnisation du préjudice futur inévitable, ou de la perte d’une chance sérieuse.
La jurisprudence administrative a progressivement élargi les conditions relatives à la nature du préjudice, qui, s’il doit être réel, évaluable en argent, et personnel, ce qui n’exclut pas l’indemnisation des victimes par ricochet (CE 3 mars 1978, Dme Muesser, JCP 1978. II. 18986, concl. Dondoux : admission du droit à réparation de la concubine en cas de liaison suffisamment stable et continue), peut être indifféremment matériel ou moral (CE 24 nov. 1961, cons. Letisserand, Rec. 661, D. 1962. 34, concl. Heumann : admission de la réparation de la douleur morale).
S’agissant de la responsabilité fondée sur la rupture d’égalité devant les charges publiques, le dommage, pour être indemnisé, doit être spécial et anormal : la spécialité s’attache au préjudice subi par une ou quelques personnes, et révèle la rupture d’égalité. L’anormalité s’observe surtout dans la gravité du dommage. »
Source : V. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, 5e éd., Sirey, coll. « Dictionnaire », 2008.
■ Rép. Resp. puiss. publ., F. Séners, V°« Imputabilité du préjudice », n° 4.
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