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[ 13 juin 2016 ] Imprimer

Procédure et contentieux administratifs

Refus d’attribution d’un logement social par un bailleur social dans le cadre du DALO : compétence du juge administratif

Mots-clefs : DALO, Compétence, Tribunal des Conflits, Bailleur social, Décision administrative, Service public

La décision du bailleur social, même privé, refusant un logement social à une personne déclarée prioritaire dans le cadre du DALO est une décision administrative car elle est prise dans le cadre de l’exécution d’un service public et relève donc de la compétence du juge administratif.

Dans cette affaire, une femme a été expulsée de son logement appartenant à l’office public de l’habitat (OPH) de Vitry-sur-Seine le 15 octobre 2009. Le 17 mars 2011, la commission de médiation du Val-de-Marne l’a déclarée prioritaire et devant être logée d’urgence dans le cadre du droit au logement opposable (DALO). En conséquence, le préfet a proposé sa candidature à l’OPH précédemment cité, qui n’a pas donné suite. Devant ce refus, cette femme a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler la décision implicite, née du silence gardé par l’OPH, de refus de lui attribuer un logement. Le 25 juin 2014, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent. La requérante a alors saisi le tribunal de grande instance de Créteil dont le juge de la mise en l’état a, par ordonnance du 3 novembre 2015, sursis à statuer et saisi le Tribunal des conflits. 

Le tribunal des conflits devait répondre à la question suivante : quel est l’ordre de juridiction compétent pour statuer sur une demande d’annulation d’une décision d’un office public de l’habitat refusant d’attribuer un logement à une personne déclarée prioritaire dans le cadre de la procédure DALO ?

Les enjeux et les difficultés du contentieux résident dans le fait de savoir si celui-ci relève d’une mission de service public ou de relations contractuelles de droit privé. L’article L. 411 du Code de construction et de l’habitation définit la mission de service public du logement social comme « la construction, l'aménagement, l'attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. Ces opérations participent à la mise en œuvre du droit au logement et contribuent à la nécessaire mixité sociale des villes et des quartiers». Les organismes de logement social sont ainsi chargés d’une mission de service public (CE 23 févr. 1979, Vildart, n° 09663 ; T. confl. 17 févr. 1997, n° 02988) et donc tenus à mettre en œuvre le dispositif du DALO. Dans le cadre de ce dispositif et conformément à l’article L. 441-2-3 du Code de construction et de l’habitation, une commission de médiation peut déclarer une personne prioritaire comme devant être logée d’urgence. En ce sens, la juridiction administrative fait peser sur l’État une obligation de résultat si sa responsabilité est engagée (CE 15 févr. 2013, n° 336006). Mais si les organismes de logement social sont tenus à une mission de service public, les baux d’habitation conclus par le bailleur social sont des contrats de droit privé et relèvent donc du juge judiciaire (T. confl. 15 déc. 1980, Jaouen, n° 02164 ; T. confl. 24 mai 2004, Cts Garca, n° 3399).

Le Tribunal des conflits considère en l’espèce que « si le contrat qui lie un bailleur social à un locataire est un contrat de droit privé, la décision de refus d’attribuer un logement ne porte pas sur l’exécution d’un tel contrat ; qu’elle est prise dans le cadre de l’exécution d’un service public ». Ainsi, il est donc précisé que le refus d’attribution d’un logement dans les conditions du DALO est un acte détachable du contrat d’habitation et participe à l’exécution du service public. Le refus doit donc être considéré comme une décision administrative. De surcroit, les magistrats ajoutent qu’il n’y a pas lieu de faire de distinction entre le statut du bailleur social, qu’il soit public ou privé. En tout état de cause même s’il s’agit d’un bailleur social privé, il manifeste l’exercice de prérogatives de puissance publique et dont le cadre du DALO est exorbitant du droit commun. En somme, le refus d’attribution est qualifié de décision administrative, entrainant la seule compétence du juge administratif. 

Cette décision est cohérente car la requérante n’était pas liée contractuellement par un contrat de droit privé avec l’OPH. En outre, la décision relative à l’attribution d’un logement social est clairement rattachée à l’exécution d’un service public et il est donc cohérent que le seul juge administratif soit compétent.  

T. confl. 9 mai 2016, Mme Sabrina L. c/ Office public de l’habitat de Vitry-sur-Seine, n° 4048

Références

■ CE 23 févr. 1979Vildart, n° 09663.

■ T. confl. 17 févr. 1997, n° 02988, Lebon ; AJDI 1997. 570, concl. J. Arrighi de Casanova.

■ CE 15 févr. 2013, n° 336006, Lebon ; AJDA 2013. 375 ; ibid. 1355, concl. N. Polge ; AJDI 2014. 500, étude F. Zitouni.

■ T. confl. 15 déc. 1980Jaouen, n° 02164, Lebon.

■ T. confl. 24 mai 2004Cts Garca, n° 3399, Lebon ; AJDA 2005. 34, note M. Deguergue ; D. 2005. 1275, note F. Nicoud.

 

Auteur :M. D.


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