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Droit international privé
Refus d'exequatur d'un jugement étranger en raison de dommages-intérêts punitifs excessifs
Mots-clefs : Droit international privé, Jugement étranger, Exequatur (conformité à l'ordre public international), Dommages-intérêts punitifs (principe, montant excessif)
Si le principe d'une condamnation à des dommages-intérêts punitifs n'est pas, en soi, contraire à l'ordre public, il en est autrement lorsque le montant alloué est disproportionné au regard du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles du débiteur.
À l'heure où l'introduction en droit français des dommages-intérêts non compensatoires fait débat, c'est un important arrêt qu'a rendu le 1er décembre 2010 la Cour de cassation en matière de reconnaissance des jugements étrangers.
Des trois conditions requises pour qu'un jugement étranger soit revêtu de l'exequatur en dehors de toute convention internationale — la compétence du juge étranger, l'absence de fraude à la loi et la conformité à l'ordre public international —, c'est la dernière qui posait problème en l'espèce. Ainsi, l'exequatur d'une décision américaine ayant condamné le fabricant d'un navire à des dommages-intérêts punitifs (pour avoir vendu le navire sans déclarer aux acquéreurs qu'il avait été endommagé et avait subi des réparations) avait été refusé par les juges du fond, au motif qu'elle était contraire à l'ordre public international (Poitiers, 26 févr. 2009). Dans leur pourvoi, les acquéreurs faisaient notamment valoir qu'une décision étrangère condamnant une partie au paiement de dommages-intérêts punitifs n'est pas, par principe, contraire à l'ordre public international de fond (1re branche), et encore que les dommages-intérêts punitifs qui leur avaient été accordés par le juge américain n'étaient pas disproportionnés (5e branche).
Il ressort de la solution retenue par la Cour de cassation que le juge de l'exequatur ne peut pas apprécier la contrariété d'une décision étrangère à l'ordre public international de fond sur le seul fait que des dommages-intérêts punitifs ont été alloués à la victime en application de la loi étrangère compétente, cette contrariété pouvant néanmoins provenir de leur disproportion au regard du préjudice subi et du manquement aux obligations contractuelles. Tel était bien le cas en l'espèce, où « la cour d'appel a pu déduire que le montant des dommages-intérêts était manifestement disproportionné ».
En d'autres termes, les dommages-intérêts punitifs ne sont pas contraires à l'ordre public international dans leur principe, mais peuvent l'être dans leur montant. Cette position était soutenue par une doctrine autorisée (v. P. le Tourneau). En droit français, l'introduction des dommages-intérêts punitifs est discutée. Le projet Catala suggérait de les admettre, et de donner au juge la faculté d'en faire bénéficier pour partie le trésor public. Cette proposition a été relayée par un rapport d'information du Sénat de juillet 2009 qui suggérait d'introduire les dommages-intérêts punitifs dans certains contentieux spécialisés, tel celui du droit de la consommation (v. G. Viney).
Civ. 1re, 1er déc. 2010, n° 09-13.303, FS-P+B+R+I
Références
« Force exécutoire octroyée par l’autorité judiciaire française à une décision rendue par une juridiction étrangère. Désigne également la procédure au terme de laquelle cette force sera, ou non, accordée.
En principe, tout jugement rendu par une juridiction étrangère ne peut être exécuté en France sans exequatur. Le processus de fédéralisation inhérent à la construction européenne entraîne toutefois l’apparition d’exceptions croissantes dans le cadre de l’Union européenne. Il en va ainsi, notamment, de l’injonction de payer européenne, de la procédure européenne d règlement des petits litiges, et du titre exécutoire européen. La disparition de l’exequatur dans le cadre européen a vocation à devenir le principe. Le jugement étranger peut en outre produire, même sans exequatur, certains effets qui ne nécessitent aucune contrainte (ex. : valeur probante). »
« Notion particulariste d’un État ayant pour effet de rejeter toute règle ou décision étrangère qui entraînerait la naissance d’une situation contraire aux principes fondamentaux du droit national.
En matière de conflit de lois, le juge français peut s’abriter derrière l’ordre public pour écarter une loi étrangère normalement applicable, lorsque son application porterait atteinte aux règles constituant les fondements politiques, juridiques, économiques et sociaux de la société française. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Poitiers, 26 févr. 2009, RG n° 07/02404, Dalloz jurisprudence.
■ P. le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats 2010/2011, 8e éd. Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2010, n° 45-1.
■ G. Viney, « Quelques propositions de réforme du droit de la responsabilité civile », D. 2009. Chron. 2944.
■ S. Clavel, Droit international privé, 2e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2010, n° 386.
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