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Droit administratif des biens
Refus d'expulser des occupants sans titre en Corse : condamnation de la France
Mots-clefs : Police administrative générale, Pouvoir du préfet, Exécution des décisions de justice, Concours de la force publique, Droit et libertés fondamentaux, Droit au respect des biens, Convention européenne des droits de l'homme, Exécution des décisions de justice
La Cour européenne des droits de l'homme condamne, dans un arrêt du 21 janvier 2010, l'inaction des autorités françaises dans l'exécution de mesures d'expulsion relatives à des terrains occupés illégalement.
En refusant, pendant plusieurs années, de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à l'occupation illégale des terres appartenant aux requérants en Corse, la Cour européenne des droits de l’homme considère que les autorités françaises ont rompu l'équilibre à ménager entre les exigences de l'intérêt général et la protection de leurs intérêts patrimoniaux, et ont porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens protégé par l'article 1er du Protocole n° 1.
Reprenant la solution retenue quelques années plus tôt (CEDH 31 mars 2005, Matheus c. France), la Cour juge qu'« il appartenait aux autorités, dès qu'elles furent informées de la situation des requérants, de prendre, dans un délai raisonnable, toutes les mesures nécessaires afin que la décision de justice soit respectée et que les requérants retrouvent la pleine jouissance de leurs biens ». « Elle constate que le gouvernement ne justifie pas l'inaction des autorités et se contente de faire référence, d'une façon générale et non suffisamment circonstanciée, aux nécessités de l'ordre public, ainsi qu'au risque d'une nouvelle occupation illégale de la propriété des requérants après l'évacuation par la force, ce qui, pour la Cour, est un motif inacceptable dès lors que les autorités internes étaient précisément censées protéger les requérants d'un tel risque ». La Cour estime qu’en l'absence de toute justification d'intérêt général, l’inaction des pouvoirs publics a abouti à une sorte d'expropriation privée dont les occupants illégaux se sont retrouvés bénéficiaires. En laissant perdurer une telle situation, les autorités ont encouragé certains individus à dégrader en toute impunité les biens des requérants et ont laissé s’installer un climat de crainte et d’insécurité non propice au retour des requérants. Ce type de situation témoigne de l’inefficacité du système d'exécution et comporte le risque d'aboutir à une forme de « justice privée » néfaste à la confiance du public dans le système juridique.
Elle note, enfin, « que si, comme elle a jugé dans le cadre de l'examen de la recevabilité de la requête, une mise en cause de la responsabilité de l'État aurait été inefficace pour aboutir à l'exécution de la décision de justice et à la libération des lieux […], une telle action devant les juridictions internes s'est par contre révélée être un recours adéquat pour obtenir l'indemnisation de leur préjudice subi en raison de l'occupation elle-même ».
CEDH 21 janvier 2010, R. P. c. France, n° 10271/02, Barret et Sirjean c. France, n° 13829/03, Fernandez et autres c. France, n° 28440/05.
Références
■ Article 1er du Protocole n° 1 - Protection de la propriété
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.
■ CEDH 31 mars 2005, Matheus c. France, AJDI 2005. 928, obs. J. Raynaud.
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