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[ 9 avril 2014 ] Imprimer

Droit européen et de l'Union européenne

Refus d’un congé de maternité dans le cas d’une gestation pour autrui et droit de l’Union

Mots-clefs : Gestation pour autrui, Mère porteuse, Enfant, Congé de maternité, Mère commanditaire, Discrimination

La lutte contre les différentes formes de discrimination est une constante en droit de l’Union et notamment les discriminations fondées sur le sexe et sur le handicap. Fort de ce droit positif, des mères commanditaires dans le cas d’une gestation pour autrui ont contesté pour l’une au Royaume-Uni, pour l’autre en Irlande le refus qui leur avait été présenté de bénéficier d’un congé maternité. La Cour de justice affirme au travers de ces deux arrêts que non seulement un État membre n’a pas à prévoir de congé maternité à une mère commanditaire au regard de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992, relative à la protection des travailleuses enceinte, mais également qu’un tel refus ne constitue en aucun cas une discrimination fondée sur le sexe.

La gestation pour autrui existe légalement dans certains États membres de l’Union européenne et elle véhicule un certain nombre d’interrogations par rapport aux droits dont pourraient bénéficier les mères commanditaires au regard du contenu du droit de l’Union. En effet, dans les deux États membres concernés, le Royaume-Uni et l’Irlande, aucun congé de maternité ou d’adoption n’est envisageable pour ces mères, ces dernières ne remplissant pas les conditions requises. 

Deux directives ont été notamment invoquées au soutien de leurs prétentions ainsi qu’une convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapés. 

La première directive est la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992 relative à la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes. Parmi les mesures imposées par la directive figure le congé de maternité afin de protéger la santé de la mère et la relation mère-enfant immédiatement après l’accouchement. La Cour de justice juge que cette directive n’est pas applicable aux mères commanditaires ayant eu un enfant par une convention de mère porteuse, étant donné que la mère n’a jamais été enceinte. Il en découle que les États n’ont pas l’obligation de prévoir un congé de maternité par rapport au droit de l’Union, ils ont en revanche la faculté de leur propre initiative de prévoir une telle mesure.

La seconde directive est la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. La Cour de justice exclut toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe. En effet, pour qu’une discrimination soit directement fondée sur le sexe, il faut que la raison essentielle du refus à une mesure soit liée au sexe de la personne et qu’en conséquence la mesure en cause ne bénéficie qu’à un des deux sexes. Or, ni le père, ni la mère ne bénéficient dans les deux États membres concernés d’un congé payé équivalent à un congé de maternité. La discrimination n’est pas non plus indirecte. Une discrimination indirecte est une mesure qui désavantage en fait un nombre plus élevé de travailleurs de l’un des deux sexes. Le refus d’un congé de maternité à une mère commanditaire ne peut entrer dans ce champ d’application, la législation ne défavorisant pas l’ensemble des femmes ayant un enfant par rapport aux pères.

Parallèlement, l’une des requérantes invoquait, à l’encontre des dispositions du droit de l’Union, une convention de l’ONU sur les droits de personnes handicapées. Elle soutenait le fait que le droit de l’Union, en n’imposant pas de congé de maternité pour une mère commanditaire, violait une convention de l’ONU à laquelle était partie l’Union européenne. Si la Cour de justice reconnaît que les directives doivent être conformes aux accords internationaux qui lient l’Union, la Cour précise dans le même temps que cette convention a uniquement un caractère programmatique. Il ne peut en conséquence être déduit de droits à l’égard des particuliers, les obligations n’étant pas suffisamment claires et précises. La convention n’a ainsi pas d’effet direct, empêchant de constater que les directives seraient contraires à cette convention. Parallèlement, la Cour précise que la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 ne peut être interprétée comme appréhendant le fait de ne pouvoir avoir d’enfant comme un handicap dès lors que cette directive ne vise que les handicaps empêchant ou gênant l’exercice d’une activité professionnelle.

Les États membres conservent en conséquence une liberté dans les droits qu’ils souhaitent accorder par rapport à la gestation pour autrui qu’elle soit ou non légale au sein de leur ordre juridique. Il faut remarquer que cette jurisprudence ne se prononce pas sur l’opportunité de recourir ou non à la gestation pour autrui, cette question ne relevant pas de la compétence de l’Union européenne.

CJEU 18 mars 2014, C. D. c/ S. T., C-167/12 et Z. c/ a Government department, C-363/12

 

Auteur :V. B.


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