Actualité > À la une
À la une
Droit des obligations
Régime de responsabilité du dépositaire
Mots-clefs : Dépot, Dépositaire, Responsabilité, Détérioration, Obligation de moyens, Force majeur, Preuve
Si le dépositaire n'est tenu que d'une obligation de moyens, il lui incombe, en cas de perte ou détérioration de la chose déposée, de prouver qu'il y est étranger, en établissant qu'il a donné à cette chose les mêmes soins que ceux qu'il aurait apportés à la garde de celles qui lui appartiennent ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure ; que, par principe, le fait du débiteur ou de son préposé ou substitué ne peut constituer la force majeure.
« Petit contrat » jadis, le contrat de dépôt est désormais, à l’instar du mandat ou du prêt, entré dans la cour des grands, grâce à sa plasticité qui lui permet d’être le support juridique d’opérations économiques diverses et variées.
Le centre de gravité du contrat de dépôt est l’obligation de garde souscrite par le dépositaire, lequel doit assurer la conservation de la chose que lui a remise le déposant, comme s’il s’agissait de la sienne.
Un manquement à cette obligation essentielle emporte la mise en jeu de la responsabilité du déposant, qui constitue, selon une jurisprudence bien établie, une responsabilité pour faute présumée. En bref, quand le dépositaire, au terme de la relation contractuelle, restitue au déposant une chose détériorée, sa faute est présumée. Pour échapper à sa responsabilité, et on applique alors le droit commun de la responsabilité civile indépendamment de la qualification du contrat inexécuté, le dépositaire peut, soit démontrer son absence de faute, soit apporter la preuve que le dommage subi par la chose procède d’un fait qui lui est extérieur, et qui était, lors de la conclusion du contrat, imprévisible et irrésistible.
C’est sur la condition d’extériorité de la force majeure que l’arrêt rendu par la première chambre civile en date du 14 octobre 2010 présente un intérêt, même s’il n’innove aucunement en la matière. En droit de la responsabilité civile, en général, et en matière de responsabilité contractuelle, en particulier, l’extériorité du fait invoqué comme constituant un cas de force majeure exonératoire, suppose pour être rempli que le fait invoqué soit, non seulement, extérieur à la personne du défendeur à l’action, mais encore, à son entreprise. En clair, de même que les parents ne peuvent pas invoquer le fait imprévisible et irrésistible de leur enfant mineur pour échapper à leur responsabilité sans faute, le débiteur contractuel ne peut pas, dans la même perspective, opposer un fait d’un de ses salariés, préposés ou substitués pour échapper à sa responsabilité envers son cocontractant. Il en va, dans ce dernier cas, du principe de la force obligatoire du contrat.
En l’espèce, il était avéré que les marchandises déposées avaient été détruites par un incendie criminel, ce qui avait conduit les juges du fond à décider que ce fait était constitutif de force majeure et exonérait, par conséquent, le dépositaire de sa responsabilité. Solution que critiquait le déposant, dans son pourvoi, au moyen que la cour d’appel n’avait pas relevé que ce fait était dû à une personne étrangère à l’entreprise du dépositaire. Argumentation approuvée par la première chambre civile de la Cour de cassation qui rappelle dans son visa le régime de la responsabilité du dépositaire : « (…) si le dépositaire n’est tenu que d’une obligation de moyens, il lui incombe, en cas de perte ou détérioration de la chose déposée, de prouver qu’il y est étranger, en établissant qu’il a donné à cette chose les mêmes soins que ceux qu’il aurait apportés à la garde de celles qui lui appartiennent ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure ; (…) par principe, le fait du débiteur ou de son préposé ou substitué ne peut constituer la force majeure ».
Il appartiendra donc à la cour d’appel de renvoi de relever, dans sa motivation, que l’origine de l’incendie criminel était bien extérieure à l’entreprise du dépositaire, faute de quoi, celui-ci ne pourra pas échapper à sa responsabilité contractuelle, faute de force majeure susceptible de l’en exonérer.
Civ. 1re, 14 oct. 2010, n° 09-16.967
Références
Contrat réel par lequel une personne (le déposant) remet une chose mobilière à une autre (le dépositaire), qui accepte de la garder et s’engage à la restituer en nature lorsque la demande lui en sera faite.
« Attitude d'une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas ses engagements contractuels (faute contractuelle) ou son devoir de ne causer aucun dommage à autrui (faute civile appelée également faute délictuelle ou quasi délictuelle). »
« Au sens large, tout événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation ; la force majeure est exonératoire.
Au sens étroit, la force majeure s’oppose au cas fortuit ; elle est un événement non seulement imprévisible et insurmontable mais encore d’origine externe, absolument étranger à la personne du débiteur (force de la nature, fait du prince, fait d’un tiers).
La Cour de cassation n’exige plus la condition d’extériorité, en matière contractuelle du moins; elle admet qu’il y a force majeure lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement présentait un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et était irrésistible dans son exécution. »
« Obligation en vertu de laquelle le débiteur n'est pas tenu d'un résultat précis. Ainsi le médecin s'engage seulement à tout mettre en œuvre pour obtenir la guérison du malade sans garantir cette dernière. Le créancier d'une telle obligation ne peut mettre en jeu la responsabilité de son débiteur que s'il prouve que ce dernier a commis une faute, n'a pas utilisé tous les moyens promis. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
Article 1148
« Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. »
Article 1915
« Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. »
Article 1927
« Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. »
Article 1933
« Le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait sont à la charge du déposant. »
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une