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Droit commercial et des affaires
Relation commerciale établie: la rupture influencée par la conjoncture n’est pas brutale
Mots-clefs : Responsabilité, Relation commerciale établie, Rupture, Caractérisation, Cause conjoncturelle, Brutalité (non)
Ne constitue pas une rupture brutale d’une relation commerciale établie la baisse des commandes d'une société justifiée par la crise du secteur d’activité concerné et par l'économie nouvelle de relation commerciale qui en résulte.
Une société spécialisée dans le commerce de chemises avait confié à une société, à partir de l'année 2000, la maîtrise d'oeuvre de la fabrication de chemises réalisée au Bangladesh, moyennant le règlement de commissions calculées en fonction du volume des commandes. La seconde reprochant à la première une diminution du volume de ses commandes à partir de l'année 2008, elle l’avait assignée en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie.
Pour dégager l'auteur de la baisse de commande de sa responsabilité, il avait en appel été constaté, du côté de la société auteur de la rupture, que celle-ci n'avait pris aucun engagement de volume envers son partenaire, qu’elle avait souffert d'une baisse de chiffre d'affaires d'un peu plus de 15 % du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du textile, baisse qu'elle n'avait pu que répercuter sur ses commandes dans la mesure où un donneur d'ordre ne peut être contraint de maintenir un niveau d'activité auprès de son sous-traitant alors que le marché lui-même diminuait, qu’elle avait proposé une aide financière à son sous-traitant pour faire face à la baisse de ses commissions, démontrant ainsi sa volonté de poursuivre leur relation commerciale et, enfin, qu’elle avait, nonobstant le fait qu'elle ait momentanément cessé de passer des commandes au cours de l'année 2009, versé au sous-traitant des commissions au cours des 12 mois de l'année 2009.
Du côté de la société victime de la rupture, la cour retient que celle-ci avait annoncé le 5 janvier 2010 qu'elle serait dans l’obligation d’augmenter le coût unitaire des produits au motif que la baisse des commandes entraînait une augmentation de ses coûts de production et qu'elle avait été informée dès le lendemain, par la réponse adressée par son cocontractant, que ce dernier n’aurait plus la possibilité de lui commander lesdits produits en conséquence de cette augmentation.
La société victime de la rupture forma un pourvoi en cassation, reprochant aux juges du fond d’avoir, tout en ayant constaté une baisse effective des commandes, refusé de caractériser une rupture relationnelle partielle. En effet, sans être totale, la rupture partielle, laquelle peut se caractériser par une baisse significative du volume de commandes ou du chiffre d'affaires sans préavis écrit (Com. 11 sept. 2012, n° 11-14.620), engage la responsabilité de son auteur. Toutefois, toute réduction du volume et/ou de la fréquence des commandes ne saurait en soi constituer une rupture partielle, sous peine d’ignorer les inévitables fluctuations des relations d’affaires et d’entraver leur nécessaire ajustement aux besoins de chacun des partenaires. Ainsi, la diminution doit-elle se révéler substantielle, au point d’annoncer une rupture totale, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (15 % seulement de l'activité). C’est notamment le raison pour laquelle le pourvoi est rejeté.
Aussi la Haute cour confirme-t-elle l’analyse de la cour d’appel concernant l’influence de la conjoncture sur la rupture décidée pour en écarter la brutalité. En l’espèce, la rupture avait été causée par la crise du marché. Or, comme le souligne la Cour de Cassation, nul ne peut être tenu à un maintien constant de son niveau d'affaires, lequel peut en effet être altéré par des éléments extérieurs : baisse de compétitivité, évolution générale du marché, crise du secteur concerné. Une baisse conjoncturelle d'activité, due à une crise économique, ne peut donc être assimilée à une rupture brutale des relations commerciales établies. Autre élément ici rappelé par la Cour et justifiant sa décision de rejeter le pourvoi, lorsque la diminution des commandes est imputable à la fragilité de l'activité du partenaire, l’un comme l’autre étant également affectés par la crise du même marché , qu'elle ne résulte donc pas de la volonté d'éviction de ce dernier, la brutalité n'est pas caractérisée (Com. 12 févr. 2013, n° 12-11.709, la baisse des commandes étant liée à une baisse concomitante de l’activité du partenaire).
Com. 8 nov. 2017, n° 16-15.285
Références
■ Com. 11 sept. 2012, n° 11-14.620 : D. 2012. 2760, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2013. 732, obs. D. Ferrier.
■ Com. 12 févr. 2013, n° 12-11.709 : RTD civ. 2013. 375, obs. H. Barbier.
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