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[ 16 novembre 2017 ] Imprimer

Procédure civile

Relevé d’office d’une fin de non-recevoir : respect du principe de la contradiction

Mots-clefs : Procédure civile, Surendettement, Moyen, Relevé d’office, Fin de non-recevoir, Principe du contradictoire, Observations des parties

Le juge, lorsqu’il relève d’office une fin de non-recevoir telle que celle tirée du délai de forclusion, est soumis au respect du principe du contradictoire.

Une commission de surendettement, après avoir déclaré recevable la demande d’une débitrice surendettée tendant au traitement de sa situation financière avait saisi, à la demande de cette dernière, le juge d'un tribunal d'instance d'une demande de vérification de plusieurs créances dont celle d’un établissement bancaire. Or pour écarter de la procédure de surendettement la créance alléguée par la banque au titre d'un prêt, le jugement retint que celle-ci ne produisait aucun historique de compte qui puisse permettre de vérifier la forclusion éventuellement encourue. Au visa des articles L. 331-4 et R. 332-4 du Code de la consommation, alors applicables, ensemble l'article 16 du Code de procédure civile, cette décision est cassée par la Haute cour au motif qu’en statuant ainsi, le juge qui, sous couvert d'une carence dans l'administration de la preuve, avait introduit dans le débat le moyen tiré de la forclusion sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, a violé les textes susvisés.

Suivant les termes de l'article L. 311-52 du Code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance. Par ailleurs, l'article L. 141-4 du Code de la consommation, issu de l’article 34 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 énonçant que « le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application » permet ainsi au juge de vérifier, à la condition de respecter le principe du contradictoire, la forclusion éventuellement encourue. Tel est l’enseignement de la décision rapportée.

De façon générale et constante, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, en sorte qu’il ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Or dans cette affaire, pour écarter une des créances bancaires de la procédure de surendettement ouverte au bénéfice de la personne surendettée, le tribunal avait retenu que l’établissement ne produisait aucun historique de compte qui puisse permettre de vérifier la forclusion éventuellement encourue. En relevant d'office ce moyen, sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, le tribunal a évidemment méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du Code de procédure civile. En effet, la Cour de cassation rappelle souvent que le juge doit, conformément aux exigences de l’article 16 du Code de procédure civile faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction dans la procédure de traitement du surendettement des particuliers. Ainsi, dans un arrêt du 19 mars 2015 (Civ. 2e, 29 janv. 2015, n° 13-27.217), la Cour avait ainsi reproché à un tribunal, au seul visa de cet article, d'avoir déchu de son droit à bénéficier d'une procédure de surendettement un débiteur qui s'était rendu coupable d'un détournement de tout ou partie de ses biens au sens de l’article L. 333-2 du Code de la consommation, sans avoir recueilli ses observations sur ce moyen relevé d'office. Dans des décisions précédentes (V. Civ. 1re, 30 oct. 1995, n° 93-04.226), la Cour de cassation avait dû d'ailleurs rappeler que le juge qui entend soulever d'office une fin de non-recevoir doit, au préalable provoquer l'explication des parties (Civ. 2e, 21 févr. 2013, n° 11-27.051). Sa position est constante : il y a déjà plus de vingt ans, la Cour avait affirmé, dans des circonstances identiques à celles de l’arrêt rapporté, que si le juge relève d'office un moyen, tel que la fin de non-recevoir tirée de la forclusion biennale prévue par l'article L. 311-52 du Code de la consommation en matière de crédit à la consommation, il doit également le faire dans le respect du contradictoire et interroger les parties sur ce point avant de rendre sa décision. Si le juge est libre ou contraint de relever d'office une fin de non-recevoir, dans un cas comme dans l’autre, il doit respecter la règle de l'article 16 du Code de procédure civile, selon lequel le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. À cette fin, il doit provoquer l'explication des parties sur l'irrecevabilité alléguée (Civ. 2e, 16 déc. 2010, n° 09-16.846. Ch. mixte, 10 juill. 1981, n° 77-10.745). La fin de non-recevoir ne peut donc être relevée d'office qu'à la condition d'inviter les parties à présenter leurs observations. Le non-respect de cette condition par le juge conduit, comme en l’espèce, à méconnaître le principe de la contradiction, à moins que la procédure ait été exclusivement orale (Civ. 2e, 6 mars 2003, n° 02-60.835 : « Attendu qu’en matière de procédure orale […], les moyens soulevés par le juge sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l’espèce, avoir été débattus contradictoirement à l’audience »).

Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-23.752

Références

■ Civ. 2e, 29 janv. 2015, n° 13-27.217.

■ Civ. 1re, 30 oct. 1995, n° 93-04.226 P.

■ Civ. 2e, 21 févr. 2013, n° 11-27.051 P : Dalloz Actu Étudiant, 13 mars 2013.

■ Civ. 2e, 16 déc. 2010, n° 09-16.846.

■ Ch. mixte, 10 juill. 1981, n° 77-10.745 P.

■ Civ. 2e, 6 mars 2003, n° 02-60.835 P.

 

Auteur :M. H.

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