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Procédure civile
Relevé d’office et principe de la contradiction
Mots-clefs : Procédure civile, Moyens, Irrecevabilité, Relevé d’office, Délai d’appel, Expiration, Principe de la contradiction
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office, tel celui tiré de l’expiration du délai d’appel, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Une société avait relevé appel d’un jugement rendu par un tribunal de grande instance dans un litige l'opposant à un couple de particuliers. Ces derniers avaient déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré cet appel recevable. La cour d’appel le déclara au contraire irrecevable au motif que, dès lors que la voie de l'appel incident avait été ouverte à la société, dans les conditions prévues par l'article 550 du Code de procédure civile, sur l'appel principal précédemment formé par ses cocontractants, mais que celle-ci s'était trouvée forclose en son appel incident pour s'être abstenue de le former dans le délai de deux mois qui lui était imparti, en sa qualité de partie intimée, par l'article 909 du Code de procédure civile, en conséquence de quoi elle n'était pas recevable à relever appel principal du jugement précédemment attaqué ses cocontractants. Au visa de l'article 16 du Code de procédure civile, la décision des juges du fond est cassée par la Cour de cassation, qui affirme qu'aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations. Or en l’espèce, en ayant relevé d'office une fin de non-recevoir sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, au motif inopérant qu'elle avait déjà été débattue devant le conseiller de la mise en état, et alors même que les appelants avaient conclu à la recevabilité de l'appel principal de la société dans leur requête en déféré, la décision de la cour d’appel encourrait logiquement la cassation.
L'expiration du délai d'appel se traduit par l'impossibilité, pour les parties, d'exercer un tel recours, qui est alors irrecevable. En effet, cette sanction traduit l'irrecevabilité de l'appel et entraîne la perte du droit d'exercer le recours (Civ. 2e, 15 oct. 1980, n° 78-13.288). L'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours est sanctionnée par une fin de non-recevoir (C. pr. civ., art. 122 à 126). Le juge doit même relever d'office les fins de non-recevoir qui ont un caractère d'ordre public, ce qui est le cas de celle qui résulte de l'inobservation du délai d'appel (C. pr. civ., art. 125. Civ. 2e, 26 nov. 1980, n° 79-14.149. Civ. 2e, 21 juill. 1986, n° 85-11.733. Civ. 2e, 20 juill. 1988, n° 87-15.212).
La question de savoir si le juge d'appel qui relève d'office la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai d'appel doit ou non solliciter les explications des parties a soulevé des controverses. Auparavant, le Code de procédure civile dispensait le juge de respecter le principe de la contradiction lorsque la règle soumise à son examen était d’ordre public. Un recours fut alors porté devant le Conseil d'État (CE 12 oct. 1979, Rassemblement des Nouveaux Avocats de France, n° 01875), qui considère que le principe de la contradiction est un principe fondamental auquel il est impossible de déroger par voie réglementaire. Néanmoins, la Cour de cassation continuait de considérer que le juge est dispensé de discuter avec les parties sur le moyen soulevé d'office (Civ. 1re, 24 avr. 1979, n° 78-80.031. Civ. 2e, 4 mars 1981, n° 80-11.243). Le décret n° 81-500 du 12 mai 1981 donne au texte de l’article 16 du Code de procédure civile sa rédaction actuelle : « le juge doit, en toutes circonstances [...] observer lui-même le principe de la contradiction » (al. 1er) et « (i)l ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations » (alinéa 3). C’est la raison pour laquelle par deux arrêts rendus en chambre mixte de la Cour de cassation le 10 juillet 1981 (Ch. mixte, 10 juill. 1981, n° 78-10.425), la Cour abandonna sa position initiale en imposant au juge qui relève d'office une fin de non-recevoir l'obligation d'inviter les parties à présenter leurs observations, les fins de non-recevoir d'ordre public n'échappant pas au principe de la contradiction. Le respect de la contradiction par le juge lui est spécialement imposé lorsqu'il entend faire usage de ses pouvoirs d'office pour déclarer une action irrecevable (par ex. Civ. 3e, 22 juill. 1998, n° 96-11.975), de même qu’il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il aurait relevés d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations, étant observé que « le juge peut toujours entendre les parties elles-mêmes » (C. pr. civ., art. 20) et surtout, qu’il ne peut « retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement » (C. pr. civ., art. 16, al. 2). En l’espèce, et en conséquence de ce qui précède, les juges du fond ne pouvaient déclarer d'office irrecevable l'appel interjeté à titre principal par la partie intimée quand elle constatait que les appelants avaient conclu à la recevabilité de ce recours et à la jonction des procédures, et sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations.
Civ. 2e, 13 oct. 2016, n° 15-25.995
Références
■ Civ. 2e, 15 oct. 1980, n° 78-13.288.
■ Civ. 2e, 26 nov. 1980, n° 79-14.149.
■ Civ. 2e, 21 juill. 1986, n° 85-11.733 P.
■ Civ. 2e, 20 juill. 1988, n° 87-15.212 P.
■ CE 12 oct. 1979, Rassemblement des Nouveaux Avocats de France, n° 01875.
■ Civ. 1re, 24 avr. 1979, n° 78-80.031 P.
■ Civ. 2e, 4 mars 1981, n° 80-11.243 P.
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