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Droit des obligations
Rémunération de l’entrepreneur : la charge de la preuve pèse sur lui.
Mots-clefs : Preuve, Charge, Demande, Exception, Articulation, Contrat d’entreprise, Rémunération complémentaire
L’entrepreneur qui réclame le paiement d’honoraires supplémentaires a la charge de prouver les prestations justifiant cette demande même si le maître de l’ouvrage ne peut établir être dispensé de les régler.
Un couple avait confié à un architecte d'intérieur la mission d'élaborer un projet de réhabilitation de sa maison. Après leur avoir remis un descriptif des travaux et de leur estimation, chiffrée à 235 935 euros, dont 18 000 euros d'honoraires, l’architecte ne s’était plus manifesté. Six mois plus tard, le couple lui avait demandé la transmission des documents utiles pour saisir un autre professionnel ainsi que sa note d'honoraires. Estimant excessive la note d'un montant de 5 740, 80 euros présentée par l’architecte, le couple ne lui avait réglé que la somme de 2 392 euros. L’architecte les avait alors assignés en paiement du solde, soit 3 348, 80 euros. Pour faire partiellement droit à sa demande, en condamnant le couple à verser la somme de 1500 euros à l’architecte, le juge de proximité retint que si ce dernier n’avait pas su prouver par quel calcul il aboutit à la somme demandée de 5 740, 80 euros, le couple n’avait pas davantage réussi à prouver être libéré de toute obligation du fait qu'il avait versé 40 % de la somme réclamée, et que la rémunération complémentaire de travail effectué par l’architecte serait estimée discrétionnairement à 1 500 euros pour solde de tout compte.
Au visa de l'article 1315, devenu l’article 1353, du Code civil, ainsi que de l'article 12 du Code de procédure civile, desquels se déduisent, d’une part, la règle selon laquelle celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, d’autre part, l’obligation pour le juge de statuer en se fondant sur les règles de droit applicables et non en équité, le jugement est cassé par la Haute cour au motif que la juridiction l’ayant rendu a inversé la charge de la preuve et a évalué discrétionnairement le montant de la créance.
Dans un premier temps, l’article 1353 nouveau du Code civil (anc. art.1315) dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Cette règle reprend celle, issue du droit romain, selon laquelle la charge de la preuve incombe au demandeur, celle reposant sur l’idée que le demandeur, parce qu’il entend remettre en cause une situation normalement établie, doit supporter le fardeau de la preuve. Dans un deuxième temps, le second alinéa du même texte prévoit que « réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ». Cette fois, cette règle, complétant la précédente, est la traduction de l’adage reus in excipiendo fit actor, selon lequel le défendeur, en soulevant une exception, devient demandeur. C’est pourquoi si initialement, le demandeur à l’instance est également le demandeur à la preuve en ce qu’il avance une prétention dont il a charge d’établir le fait qu’il allègue à l’appui de celle-ci, une fois que celui-ci a prouvé son allégation, le défendeur à l’instance devient à son tour demandeur à la preuve en avançant des faits qui viennent combattre les prétentions de son adversaire. Cependant, ce renversement de situation ne peut intervenir qu’à la condition que le demandeur à l’instance ait préalablement rapporté la preuve de son obligation. Ainsi, en l’espèce, contrairement à l’analyse du juge de proximité fondée sur l’égal défaut probatoire de ce que prétendait chacune des parties en présence, indifféremment à la chronologie instituée par les dispositions du code civil, la cassation est prononcée en ce qu’il incombait premièrement au prestataire, pour obtenir la condamnation de ses maîtres d’ouvrage, de justifier de l’objet et des caractéristiques des prestations qu’il avait accomplies. Or il n’avait su établir de quelle manière il parvenait à la somme réclamée, quand il avait pourtant la charge de la preuve, en sorte que la juridiction de proximité ne pouvait valablement condamner les défendeurs, à défaut de cette preuve, à payer une partie du montant de la créance réclamée. En outre, dans le cadre d’un contrat d’entreprise, en cas de contestation sur l’étendue exacte des prestations effectuées et de la rémunération correspondante due à l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage, le juge a l’obligation d’identifier et d’évaluer lesdites prestations en fonction de leur objet et de leurs caractéristiques pour estimer valablement le montant de la créance contestée, sans quoi il statue, comme en l’espèce, en équité, ce que les articles 4 du Code civil et 12 du Code de procédure civile lui interdisent.
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