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Droit des obligations
Rémunération et obligations du mandataire professionnel
Mots-clefs : Contrats spéciaux, Contrat de mandat, Contrat onéreux, Rémunération excessive, Pouvoir du juge, Réduction, Devoir d’efficacité du mandataire, Obligation de se renseigner, Obligation d’information
Dans le cas où la rémunération du mandataire ne correspond pas au service rendu, le juge a le pouvoir de diminuer celle-ci et si le mandataire a, de surcroît, manqué à son devoir d’efficacité, il doit voir sa responsabilité délictuelle engagée.
En vertu d'un mandat de vente exclusif, un agent immobilier avait négocié et rédigé, moyennant une commission de 30 000 euros à la charge des acquéreurs, un « compromis de vente ferme » aux termes duquel ces derniers ont acquis, sous diverses conditions suspensives avec la réserve d’un droit d'usage et d'habitation partiel et viager au bénéfice du vendeur, une villa construite sur un terrain de 1 000 m ² et au prix de 450 000 euros, sur lequel ils ont versé un acompte dont l'agent immobilier a été institué séquestre. Le terrain s'étant révélé d'une surface inférieure à celle annoncée et frappé d'une servitude, les acquéreurs, invoquant le manquement, par l'agent immobilier, à son devoir d’efficacité, ont, après que la vente eut été réitérée en la forme authentique, refusé de lui régler la commission convenue. Assignés en paiement, ils ont demandé, à titre reconventionnel, la réduction de cette commission et l'allocation de dommages-intérêts.
La cour d’appel rejeta l’ensemble de ces demandes. Elle refusa tout d’abord de réviser le montant de la commission au motif que ce dernier relève de la loi des parties, la cour ajoutant que, ne s'agissant pas d'une clause pénale, son montant ne peut être modéré par un juge. Elle refusa également d’indemniser les acquéreurs pour la révélation tardive de la servitude puisqu'à défaut de contrat conclu entre eux et l'agent immobilier, ils ne pouvaient lui reprocher aucun manquement contractuel, comme ils ne pouvaient davantage lui imputer une faute délictuelle dès lors qu’aucune condition subordonnant la vente à la délivrance d'un certificat d'urbanisme révélant la possibilité de construire une autre maison ne figurait dans la promesse synallagmatique de vente. Cette décision est censurée par la Cour de cassation.
S’appuyant principalement sur l’article 1999 du Code civil, elle juge, d’une part, que la rémunération de l'agent immobilier, quoique légalement encadrée, ne fait pas obstacle au pouvoir du juge de réduire, voire de supprimer cette rémunération, en considération des fautes que le mandataire a commises dans l'exécution de sa mission. D’autre part, au visa de l'article 1382 du Code civil, elle affirme que le mandataire professionnel est tenu de s’assurer de la réunion de toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention, même à l'égard de l'autre partie. Or en rejetant la demande d’indemnisation alors que l'interdiction de construire résultait, non de contraintes d'urbanisme mais d'une servitude conventionnelle, et qu'elle devait rechercher, comme elle y était invitée, si les vérifications auxquelles l'agent immobilier était tenu de procéder pour assurer l'efficacité juridique de la convention, telle que la consultation du titre de propriété du vendeur, auraient révélé l'existence de cette servitude, et, dans l'affirmative, si cette charge réelle grevant l'immeuble était de nature à affecter l'usage normalement attendu, ou annoncé, de son acquisition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Aux termes de l’article 1984 du Code civil, un mandataire est celui qui a pour mission de représenter quelqu’un, notamment pour la conclusion d’actes juridiques. Historiquement gratuit, le mandat s’est progressivement professionnalisé ; si le Code civil contient toujours la règle selon laquelle le mandat est présumé gratuit sauf convention contraire (C. civ. art. 1986), la pratique comme la jurisprudence ont contredit cette règle, la première par le fait qu’une majorité de contrats sont conclus à titre onéreux, la seconde en inversant cette présomption de gratuité lorsque l’intermédiaire a fait de cette mission de représentation sa profession. Autrement dit, le mandat est présumé avoir été conclu à titre onéreux lorsque, comme dans le cas d’un agent immobilier, le mandataire est un professionnel. Dans ce cas, le mandataire est rémunéré en « honoraires », ces derniers étant soumis à un régime particulier. Ils peuvent soit être prévus à l’avance, soit définis une fois la mission accomplie. Or dans la première hypothèse, qui est celle de l’espèce, les juges se sont attribués, sans fondement textuel et au mépris de la liberté contractuelle comme du principe de validité des contrats lésionnaires, un pouvoir de révision à la baisse de ces honoraires (Req. 12 déc. 1911 ; DP 1913.1.129).
Cette décision donne également l’occasion à la Cour de rappeler le devoir d’efficacité auxquels sont soumis les mandataires professionnels. Ce devoir se justifie par une recherche d’efficacité et de sécurité accrue en faveur des parties profanes, au-delà des principes relevant du droit commun des contrats, lesquels se bornent à garantir que les actes conclus par les parties présentent pour elles une utilité minimale. Par le devoir, plus exigeant, d’efficacité, l’on cherche à éviter que certains des effets de l’acte ne soient contraires aux attentes des parties ou même, comme en l’espèce, partiellement manqués : privés de l’usage escompté de leur immeuble, grevé d’une servitude dont ils ignoraient l’existence en raison du manquement, par le mandataire, à ses obligations de s’informer et d’informer les parties, les deux relevant du devoir d’efficacité, les acquéreurs devaient voir leur pourvoi accueilli et ce sans qu’il soit possible de leur opposer, comme l’avaient fait les juges du fond, que seul le cocontractant du mandataire est créancier d’un tel devoir (Civ. 1re, 1er oct.1986), l’objectif d’efficacité supposant de tenir compte de l’intérêt de toutes les parties à l’acte, indépendamment du lien contractuel.
Civ. 1re, 14 janv. 2016, n° 14-26.474
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