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[ 18 janvier 2012 ] Imprimer

Droit des obligations

Renforcement de l'obligation de sécurité pesant sur les associations sportives

Mots-clefs : Responsabilité contractuelle, Associations sportives, Obligation de sécurité, Extension du domaine de l’obligation

L’association sportive est tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs exerçant une activité dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiquent librement cette activité.

Une association sportive est-elle tenue d’une obligation de sécurité envers les sportifs qui ont souhaité exercer leur activité sans encadrement dans les locaux mis à leur disposition ?

La première chambre civile répond par l’affirmative en reprochant à une cour d’appel, au visa de l’article 1147 du Code civil, d’avoir retenu qu’une association sportive n’avait commis aucun manquement à une obligation quelconque de surveillance et d’information susceptible d’engager sa responsabilité, alors qu’elle est par principe tenue « d’une obligation de sécurité, de prudence et de diligence envers les sportifs » exerçant une activité, même librement, dans ses locaux et sur des installations mises à leur disposition.

S’il est acquis que les associations sportives sont tenues envers leurs membres et adhérents d’une telle obligation, la plupart des arrêts rendus jusqu’alors sur ce fondement, même dans un sens défavorable à la victime, concernaient des activités encadrées par un professionnel, soit dans le cadre de stages d’initiation ou de qualification (v. à propos d’un tour de circuit de karting, Civ.1re, 1er déc. 1999 ; à propos d’une initiation au vol en ULM, Civ.1re, 29 nov. 1994), soit en vue du déroulement de compétitions (v. à propos d’un rallye, Civ.1re, 25 janv. 2005), soit enfin dans la perspective de simples rencontres sportives guidées par un professionnel (v. à propos d’une randonnée de ski en présence d’un guide, Civ.1re, 13 déc. 2005). À l’inverse, la victime n’avait, en l’espèce, souhaité bénéficier d’aucun encadrement particulier. Dans la ligne de la jurisprudence précitée, la cour d’appel de Paris s’était alors fondée sur cette circonstance pour exclure la responsabilité de l’association : la victime, expérimentée dans la discipline en cause, avait entrepris sa séance de façon libre, sans avoir sollicité de formation préalable ou concomitante, en sorte que l’association n’avait commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité. C’est ce raisonnement qui est contredit par la première chambre civile, qui réalise ainsi une extension remarquable du domaine de l’obligation de sécurité pesant sur les associations sportives, en soulignant son imperméabilité aux circonstances : que ce soit dans le cadre d’une activité organisée comme dans celui d’une pratique autonome en l’espèce qualifiée de « libre », l’association sportive est toujours obligée d’assurer la sécurité des utilisateurs de ses installations. Ainsi exclut-elle que l’autonomie, même totale, du créancier dans l’exercice de l’activité puisse dispenser le débiteur de son obligation de sécurité, dont la permanence se trouve ainsi consacrée. Si une telle autonomie, une fois établie, peut servir à déterminer l’intensité de l’obligation de sécurité, qui sera alors qualifiée de moyens ou de résultat selon que la victime aura conservé ou non une part suffisante d’initiative dans l’exécution du contrat, la liberté d’agir du créancier ne peut permettre au débiteur d’échapper à son obligation. La solution est dure dans la mesure où le débiteur jouissait, en l’espèce, d’une autonomie entière et volontaire. Elle s’inscrit toutefois dans le sens de la jurisprudence récente, qui exprime une sévérité accrue envers le débiteur de l’obligation de sécurité se traduisant, notamment, par l’admission d’obligations de résultat ou de moyens renforcées même lorsqu’une marge de manœuvre importante aura été conservée par le créancier.

Aussi peut-on prédire un alourdissement de la pratique contractuelle des groupements, lesquels devraient désormais soit imposer un encadrement systématique, soit établir un règlement le plus exhaustif et détaillé possible, dont les utilisateurs devraient impérativement certifier avoir pris connaissance pour s’inscrire et même seulement accéder aux locaux.

Civ.1re, 15 déc. 2011, pourvoi n°10-23.528

Références

■ Obligation de sécurité

 [Droit civil]

« Obligation introduite par la jurisprudence dans certains types de contrat et par laquelle le débiteur est tenu d’assurer, outre la prestation principale, objet du contrat, la sécurité du créancier. Ainsi dans le contrat de transport de personnes, le transporteur doit non seulement déplacer le voyageur d’un endroit à un autre, mais encore faire en sorte qu’il soit sain et sauf à l’arrivée. Cette obligation a été étendue aux contrats les plus divers relatifs, par exemple, aux manèges forains, aux établissements hôteliers, aux restaurants, aux agences de voyages, aux salles de spectacles. L’obligation de sécurité peut être une obligation de moyens ou une obligation de résultat.

De son côté le législateur dispose que les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

■ Article 1147 du Code civil

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

 Civ.1re, 1er déc. 1999, n°97-20.207, D. 2000. 287.

■ Civ.1re, 29 nov. 1994, n°92-11.332.

■ Civ.1re, 25 janv. 2005, n°02-15.861.

■ Civ.1re, 13 déc. 2005, n°03-17.897, RTD civ. 2006. 329.

 

Auteur :M. H.


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