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Droit de la responsabilité civile
Réparation du préjudice économique de la victime par ricochet
Mots-clefs : Victime par ricochet, Préjudice, Principe de réparation intégrale, Conséquence nécéssaire du dommage
Sauf à méconnaître le principe de la réparation intégrale du préjudice, la circonstance que le conjoint ou le concubin survivant de la victime d’un accident ait reconstitué un foyer avec une tierce personne n’est pas de nature à dispenser le tiers responsable de réparer entièrement le préjudice qu’il a causé dès lors que cette circonstance n’est pas la conséquence nécessaire du fait dommageable.
Comment évaluer le préjudice économique des victimes par ricochet ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans cet arrêt du 29 juin 2010.
La concubine de la victime d’un accident mortel de la circulation dont le responsable avait été condamné pour homicide involontaire a agi en réparation de son préjudice économique devant les juridictions civiles. Pour limiter son indemnisation, les juges du fond ont retenu que, quatorze mois après le décès de son concubin, elle avait donné naissance à un enfant avec le père duquel elle vit. Ils en ont déduit qu’il était dès lors certain qu’à compter de cette naissance, la victime n’aurait plus affecté le moindre de ses revenus à l’entretien de son ancienne compagne, de sorte qu’elle ne pouvait plus se prévaloir d’un quelconque préjudice économique à partir de cette date.
Ce raisonnement pouvait sembler séduisant de prime abord. On sait en effet qu’est constitutif d’un dommage par ricochet, ouvrant droit à réparation, la perte des subsides qu’un proche obtenait antérieurement de celui qui a été tué dans un accident. Pour cela, encore faut-il cependant que ce dommage soit certain, c'est-à-dire que l’on ait la certitude que la victime par ricochet aurait continué à percevoir des subsides de la victime initiale si celle-ci avait survécu. En l’espèce, les juges du fond, estimant que tel n’aurait pas été le cas, en ont logiquement conclu que la réparation du préjudice économique de la concubine devait simplement couvrir la période allant du décès de la victime initiale à celle de la naissance de l’enfant.
Pourtant, la Cour de cassation censure cette décision. Rappelant le principe de la réparation intégrale du préjudice, elle décide que « la circonstance que le conjoint ou le concubin survivant de la victime d’un accident ait reconstitué un foyer avec une tierce personne n’est pas de nature à dispenser le tiers responsable de réparer entièrement le préjudice qu’il a causé dès lors que cette circonstance n’est pas la conséquence nécessaire du fait dommageable ».
L’évolution de la vie personnelle de la victime par ricochet postérieurement au décès de la victime initiale ne doit donc pas être prise en considération, dès lors qu’elle n’entretient pas de lien direct avec l’accident. Plus généralement, seules les conséquences directes et nécessaires du décès de la victime initiale sont de nature à influer sur la réparation du préjudice économique. Faisant application de ce critère, déjà utilisé par le passé (v. par ex. Civ. 2e 12 févr. 2009), la Cour de cassation ne pouvait que censurer les juges d’appel : on ne peut en effet soutenir que la reconstitution d’un foyer familial était une conséquence nécessaire de l’accident. Elle n’était dès lors pas de nature à limiter la période pendant laquelle le préjudice économique de la victime par ricochet devait être réparé.
Crim. 29 juin 2010, n° 09-82.462
Références
« Dommage matériel ou moral qu’éprouvent, par répercussion du dommage subi par la victime directe, les personnes qui lui sont proches par la parenté, l’alliance, l’affection, la profession ou telle autre relation (enfant, conjoint, concubin, employeur, associé). »
« Tiers subissant un préjudice matériel ou moral du fait des dommages causés à la victime directe, tel un fils privé de subsides à la suite du décès de son père tué accidentellement. »
■ Principe de réparation intégrale
« Principe de la responsabilité civile, dit indemnitaire, en vertu duquel le dédommagement dû par le responsable doit couvrir tout le dommage et uniquement le dommage, sans qu’il en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la victime. C’est pourquoi l’indemnité est calculée sur la valeur au jour du jugement, permettant ainsi de tenir compte de la variation intrinsèque du dommage, de la hausse du coût de la vie ou de la dépréciation de la monnaie survenues depuis le jour du dommage. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010
■ Civ. 2e 12 févr. 2009, n° 08-12.706.
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