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[ 7 février 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Réparation du vice caché : l’acheteur est en droit de refuser !

Mots-clefs : Contrats, Vente, Vice caché, Garantie, Effets, Option de l’acheteur, Résolution, Vendeur, Offre de réparation, Conséquences

Malgré les propositions réitérées du vendeur en réparation du bien vicié, attestant de la réalité du vice invoqué, l’acheteur conserve le droit de demander la résolution de la vente.

Un chirurgien-dentiste avait acquis un appareil contenant une caméra numérique permettant la réalisation assistée par ordinateur de restauration dentaire sans l'intervention d'un prothésiste. A la suite du dysfonctionnement de la caméra dudit appareil, son acquéreur avait assigné le vendeur en résolution du contrat de vente sur le fondement des vices cachés. 

Pour rejeter sa demande, la cour d’appel retint d’une part que si l'acquéreur avait produit des attestations établissant l'impossibilité de faire fonctionner l'appareil, réalisées par un technicien à la demande même du vendeur, ces documents ne permettaient cependant pas d'affirmer avec certitude que ce défaut de fonctionnement, identifié comme une seule panne, rendrait l'appareil impropre à sa destination normale, dès lors que l'acquéreur avait refusé toute intervention du vendeur à compter du moment où ce dernier avait pris connaissance du problème. 

La cour d’appel jugea d’autre part que du défaut de fonctionnement affectant la caméra ne pouvaient être déduit, avec certitude, l’inaptitude de l’appareil à satisfaire à son usage normal, et donc l’existence même du vice invoqué, dès lors que l'acquéreur avait refusé toute intervention sur celle-ci, malgré les propositions réitérées du vendeur de procéder à sa réparation, laquelle aurait, elle, permis de constater éventuellement ce vice et de remettre, le cas échéant, l’appareil en état de fonctionner normalement. 

La décision des juges du fond est censurée. 

Dans la décision rapportée, la Cour de cassation juge que l'offre de réparation du vendeur n'était pas de nature à faire obstacle au droit dont disposait l'acquéreur d'opter pour la résolution de la vente et d'exercer celui-ci sans avoir à en justifier. La cour d'appel a violé les textes susvisés. 

Aux termes de l’article 1644 du Code civil, l’acheteur a le choix entre rendre la chose et obtenir la restitution intégrale du prix (action rédhibitoire) ou garder la chose et obtenir la restitution partielle du prix (action estimatoire). Cette option est en principe totalement libre pour l’acheteur, dont le choix s’impose au juge sans qu’il ait à le justifier (V. not. Civ. 3e, 20 oct. 2010, n° 09-16.788). 

Ainsi, même lorsque comme en l’espèce, le vendeur propose de réparer la chose, l’acheteur est en droit d’exiger la résolution de la vente (Civ. 1re, 23 mai 1995, n° 93-13.698). D’ailleurs, aucune clause ne peut, dans les relations entre vendeur professionnel et acquéreur profane, restreindre cette liberté de choix offerte à l’acheteur en lui imposant, par exemple, le remplacement ou la réparation de la chose objet du contrat dont il demande la résolution. 

Précisons également que ces alternatives que constituent la réparation ou le remplacement du bien vicié, ne vont pas de soi. En effet, si la nouvelle garantie de conformité les prévoit (C. consom., art. L. 217-9), de même que la proposition de directive du 9 décembre 2015 pour certains aspects des contrats de vente en ligne, dans le cadre du droit commun de la garantie des vices cachés, les solutions demeurent confuses. Il semblerait cependant que lorsque ces alternatives profitent au vendeur, ce dernier pouvant y avoir intérêt afin d’éviter la résolution de la vente, elles sont admises sans que ne lui soit toutefois reconnu le droit de les imposer à l’acheteur, lequel doit pouvoir conserver sa liberté de choix (Civ. 1re, 11 juin 1980, n° 79-10.581; Civ. 3e, 20 oct. 2010, n° 09-16.788). 

Il est en tous cas intéressant de constater qu’en l’espèce, d’une proposition de remplacement, de surcroît renouvelée, ait été déduite par la première chambre civile l’existence même du caractère significatif du vice litigieux, justifiant la demande en résolution de la vente : « par des motifs impropres à exclure l'existence d'un vice caché, alors qu'elle avait relevé que la caméra, indispensable au fonctionnement de l'appareil, était défaillante, ce dont témoignaient les patients de l'acquéreur, et que le vendeur avait, à plusieurs reprises, proposé son remplacement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés » ; en effet, rappelons qu’avait pu être reconnu aux juges du fond le pouvoir de refuser la résolution de la vente lorsque la gravité du vice était jugée insuffisante (Com. 6 mars 1990, n° 88-14.929). L’exigence d’une inexécution « suffisamment grave » en droit commun des contrats pourrait renforcer cette exigence (C. civ., art. 1134 ancien). De deux choses l’une, pourtant : ou bien le vice compromet l’usage de la chose et il doit être considéré comme étant d’une gravité suffisante pour conserver à l’acheteur sa liberté de choix de l’action, ou bien un tel usage n’est de fait pas compromis, ce dont il faut conclure à l’absence de vice caché, en l’espèce affirmée par les juges du fond en contradiction même, selon la Haute cour, avec la proposition faite par le vendeur de remplacer le bien. Ainsi, « la possibilité de remédier à un vice caché, quand bien même elle existerait », non seulement « ne constitue pas un obstacle à sa reconnaissance », mais en révèle ou confirme, à l’appui des autres éléments constatés, l’existence. Précisons enfin que dans l’hypothèse où l’acheteur accepterait la réparation proposée par le vendeur et que ce dernier procèderait effectivement à la remise en état du bien, l’acheteur deviendrait alors privé de l’action en garantie en raison de la disparition effective du vice originaire (Com. 1er févr. 2011, n° 10-11.269), gardant toutefois toujours la possibilité de demander l’indemnisation du préjudice éventuellement subi du fait de ce vice (sur tous ces points, V. P. Puig, Contrats spéciaux, Dalloz, coll. "Hypercours", 2017).

Civ. 1re, 20 déc. 2017, n° 16-26.881

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Garantie des vices cachés

■ Civ. 3e, 20 oct. 2010, n° 09-16.788: D. 2010. 2579 ; RTD civ. 2011. 141, obs. P.-Y. Gautier.

■ Civ. 1re, 23 mai 1995, n° 93-13.698 P : D. 1996. 15, obs. O. Tournafond ; RTD com. 1996. 107, obs. B. Bouloc.

■ Civ. 1re, 11 juin 1980, n° 79-10.581 P.

■ Com. 6 mars 1990, n° 88-14.929 P: RTD com. 1990. 629, obs. B. Bouloc.

■ Com. 1er févr. 2011, n° 10-11.269 : D. 2011. 516, obs. X. Delpech ; RTD com. 2011. 405, obs. B. Bouloc.

■ P. Puig, Contrats spéciaux, Dalloz Hypercours.

 

Auteur :M. H.

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