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Droit de la famille
Report des effets du divorce : charge de la preuve
Mots-clefs : Divorce, Jugement, Effets, Report (charge de la preuve), Actes de collaboration (preuve)
Il incombe à celui qui s'oppose au report des effets d'un jugement de divorce contentieux de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement à la séparation des époux.
Par un arrêt du 31 mars 2010 (portant la mention « FS+P+B+R+I »), la première chambre civile précise les conditions de mise en œuvre du report des effets dans le temps du divorce.
En l'espèce, une épouse avait déposé une requête en divorce pour faute et une ordonnance de non-conciliation du 13 juillet 2001 avait autorisé les époux à résider séparément. Un arrêt du 30 septembre 2004 avait néanmoins débouté les époux de leurs demandes de divorce. Une nouvelle instance fut introduite par l'époux sur le fondement de l'article 233 du Code civil et une nouvelle ordonnance de non-conciliation du 7 octobre 2005 constata que les époux vivaient séparément et attribua la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux. Un jugement du 25 mai 2007 prononça finalement le divorce. L'époux demanda alors le report des effets du divorce au 1er septembre 2001. Cette demande fut rejetée par les juges du fond au motif que, si les époux n'avaient pas repris leur cohabitation, la cessation de leur collaboration n'était pas démontrée alors que l'épouse qui demeurait au domicile conjugal avait encore les enfants à sa charge.
La Haute cour casse cet arrêt au visa combiné des articles 262-1 et 1315 du Code civil, énonçant, par une formule ayant des allures de règle de principe, qu'« il incombe à celui qui s'oppose au report de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement à la séparation des époux ». Partant, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en refusant le report des effets du jugement, sollicité par un époux dans le cadre d'un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.
L'article 262-1 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, dispose que, pour les divorces contentieux, le jugement « prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens » à la date de l'ordonnance de non-conciliation. Mais le texte précise aussi qu'« à la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer ».
Par un arrêt du 17 décembre 2008, la Cour de cassation avait déjà, pour faciliter la preuve de la cessation de la collaboration des époux, mis en place une présomption, en décidant que « la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration » (Civ. 1e, 17 déc. 2008). L'arrêt du 31 mars prolonge cette démarche consistant à exploiter les ressources offertes par le droit de la preuve pour favoriser le report des effets du jugement de divorce contentieux. Ainsi, non seulement la présomption est maintenue mais, de surcroît, elle ne pourra être renversée que par la preuve d'actes de collaboration postérieurs à la séparation de fait. L'époux qui s'oppose au report devra donc démontrer l'existence d'actes qui « révéleraient un maintien de l'affectio matrimonii » (à la différence de « ceux qui traduisent simplement l'exécution des devoirs maintenus du mariage malgré la séparation de faits » ; v. J. Hauser, obs. ss Civ. 1e, 17 déc. 2008). Pour rappel, ne sont pas considérés comme des actes de collaboration au sens de l'article 262-1 : le fait de continuer à entretenir son épouse et régler les dépenses de la communauté (Civ. 2e, 10 oct. 2002), de maintenir un compte commun (Civ. 2e, 28 nov. 2002), de se consentir une donation au dernier vivant et maintenir un compte commun (Civ. 1e, 14 mars 2006), ou encore le fait pour le mari de se porter caution solidaire de son épouse pour le paiement de son loyer (Civ. 1e, 14 nov. 2006).
Civ. 1e, 31 mars 2010, n° 08-20.729, FS-P+B+R+I
Références
■ Code civil
« Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.
Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel. »
« Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
- lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
- lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.
A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. »
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
■ Civ. 1e, 17 déc. 2008, AJ fam. 2009. 81, obs. Gallmeister ; RTD civ. 2009. 301, obs. Hauser.
■ Civ. 2e, 10 oct. 2002, Bull. Civ. II, n° 210.
■ Civ. 2e, 28 nov. 2002, D. 2003. 1871, obs. Brémond.
■ Civ. 1e, 14 mars 2006, RTD civ. 2006. 546, obs. Hauser.
■ Civ. 1e, 14 nov. 2006, AJ fam. 2007.35, obs. David ; RTD civ. 2007.96, obs. Hauser.
■ Y. Favier, in Droit de la famille, Dalloz, coll. « Dalloz action », 2008, n° 122-51.
■ Sur la hiérarchisation des arrêts de la Cour de cassation, cliquez ici.
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