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Procédure civile
Représentation en justice : la nécessité d’un mandat
Mots-clefs : Procédure civile, Action en justice, Représentation, Mandat d’agir, Conditions, Class action
La règle « Nul ne plaide par procureur » ne peut justifier l’irrecevabilité de la requête d’une association en restitution de sommes confisquées par la justice dès lors qu’un mandat individuel d’agir en justice a été confié par chacun de ses adhérents, nominativement.
Une association, ayant reçu mandat individuel spécial et exclusif de 55 114 de ses adhérents, avait saisi la justice, en application de l’article 710 du Code de procédure pénale, d'une requête en restitution de 24 557 101, 82 euros, cette somme ayant été confisquée à la suite de la condamnation, pour abus de confiance portant sur ces fonds, de deux personnes mises en cause. Pour déclarer la requête de l'association irrecevable, la Cour d’appel considéra, sur le fondement de la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur, que l’association, quoiqu’elle eut reçu mandat de représenter chacun de ses adhérents, entendait exercer, en leur lieu et place, leur droit à demander la restitution de sommes placées sous main de justice, cette demande s’apparentant à une « class action ». Au visa des articles 1984 du Code civil et 710 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle censure la décision des juges du fond, qui avaient pourtant bien constaté l'existence d'un mandat individuel d'agir en restitution, ce mandat ayant été donné à l'association par chacun des adhérents, désignés de façon nominative. Or, si « aucun texte n’interdit de donner mandat à un tiers de présenter une requête en restitution dès lors que l’existence de ce mandat est prouvée et que le nom du mandant figure dans chaque acte de procédure effectué par le mandataire », la demande de l’association, qui ne pouvait être assimilée à une action de groupe, aurait dû être jugée recevable.
Par la décision rapportée, la chambre criminelle procède au rappel de certaines règles relatives à la représentation en justice, aménageant le principe existant dans tous les droits processuels selon lequel une personne agit en justice en son nom propre. De façon générale, la représentation en justice repose, en droit de la procédure civile, sur une distinction essentielle : la représentation dans l'exercice de l'action en justice et la représentation dans la conduite de la procédure.
La première, représentation « ad agendum », autorise une personne à agir en justice au nom d’une autre, comme demandeur ou défendeur, au nom et pour le compte du représenté, les effets juridiques de l’instance se produisant au profit ou à la charge de cette dernière. C’est le cas, par exemple, de l’administrateur judiciaire lorsqu’il représente le débiteur dans le cadre d’un redressement judiciaire.
La seconde, représentation « ad litem », confère au mandataire (le plus souvent un avocat) le pouvoir et le devoir d’accomplir, au nom du mandant (le plaideur), les divers actes de procédure nécessaires au déroulement de l'instance et emporte, sauf disposition ou convention contraire, mission d’assistance (C. pr. civ. art. 411 et 413). Et dans ce cadre, la représentation est parfois obligatoire. Ce droit à être représenté en justice est cependant tempéré par la règle selon laquelle « nul ne plaide par procureur », qui interdit à toute personne d'engager une action en justice à la place d'une autre sans en avoir reçu la procuration, le mandat. La règle fait donc dépendre la régularité de la procédure de la révélation de l'identité du représenté, ou de celle de la personne ayant confié la mission d'assistance en justice, sous peine de nullité de l'acte pour vice de forme.
Or en l'espèce, la Cour, après avoir rappelé la règle précitée, considère que les juges du fond ne pouvaient estimer que l’association entendait exercer, en lieu et place de ses adhérents, leur droit à demander la restitution de sommes placées sous main de justice, tout en constatant d’elle-même l'existence d'un mandat individuel d'agir en restitution.
Plus généralement, la Cour rappelle ainsi qu’aucun texte n'interdit formellement de donner mandat à un tiers de présenter une requête en restitution, sous la réserve, cependant, que le mandat puisse être prouvé et que le nom du mandant figure dans chaque acte de procédure effectué par le mandataire, ce qui était en l’espèce le cas. L’existence de ce mandat individuel d’agir en restitution aurait ainsi dû conduire les juges à déclarer la requête recevable.
Quant à l’action de groupe, permettant à une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée, d'agir devant une juridiction civile dans le but d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs. (V. L. n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et Décr. n° 2014-1081 du 24 sept. 2014 relatif à l'action de groupe en matière de consommation), la Cour d’appel a également eu le tort de juger son exercice incompatible avec la règle « nul ne plaide par procureur » dans la mesure où par son adhésion au groupe, le consommateur donne automatiquement mandat à l’association aux fins d’indemnisation de son préjudice. Ainsi mandatée, l’association, et elle seule, doit accomplir au nom du groupe, tous actes de procédure et diligences, y compris l’exercice des voies de recours, en vue d’obtenir la réparation du préjudice individuel du consommateur.
Crim., 20 mai 2015, n° 14-81.147
Références
■ Code de procédure pénale
Article 710
« Tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions. Elle statue sur les demandes de confusion de peines présentées en application de l'article 132-4 du code pénal. Pour l'examen de ces demandes, elle tient compte du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
En matière criminelle, la chambre de l'instruction connaît des rectifications et des incidents d'exécution auxquels peuvent donner lieu les arrêts de la cour d'assises.
Sont également compétents pour connaître des demandes prévues par le présent article, selon les distinctions prévues par les deux alinéas précédents, soit le tribunal ou la cour, soit la chambre de l'instruction dans le ressort duquel le condamné est détenu. Le ministère public de la juridiction destinataire d'une demande de confusion déposée par une personne détenue peut adresser cette requête à la juridiction du lieu de détention.
Pour l'application du présent article, sauf en matière de confusion de peine, le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »
■ Code civil
Article 1984
« Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire. »
■ Code de procédure civile
Article 411
« Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. »
Article 413
« Le mandat de représentation emporte mission d'assistance, sauf disposition ou convention contraire. »
■ Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.
■ Décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l'action de groupe en matière de consommation
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