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Droit des contrats et marchés publics
Résilier un contrat et obtenir une indemnité d’imprévision : c’est possible !
Mots-clefs : Marché public, Exécution, Imprévision, Résiliation
La circonstance qu'un contrat soit résilié avant son terme ne fait pas obstacle au versement d'une indemnité d'imprévision, juge le Conseil d’État dans un arrêt du 10 février 2010.
La jurisprudence a toujours refusé une indemnité d’imprévision au profit du cocontractant de l’administration lorsque les circonstances rendent le contrat définitivement sans objet. Tel est le cas lorsque la situation ne peut pas être redressée et qu’elle aboutit à un cas de force majeure, justifiant la résiliation du contrat (CE, Ass., 9 déc. 1932, Compagne des tramways de Cherbourg). En revanche, exclure, dans tous les cas, le versement d'une indemnité d'imprévision lorsque le marché a été résilié n’est pas légal. C’est ce que rappelle le Conseil d’État dans un arrêt du 10 février 2010.
En l'espèce, la société Prest'action était habilitée par la commune de Dieppe, en exécution d'un marché public de régie publicitaire, à percevoir une partie des recettes issues de la vente d'encarts publicitaires. En contrepartie, elle s'engageait à verser à la commune une somme annuelle minimale. La société n'ayant pas honoré cet engagement, le maire de Dieppe a résilié le marché et émis un titre exécutoire à l'encontre de l'entreprise. Après que la cour administrative d'appel a rejeté sa demande tendant au versement d'une indemnité d'imprévision, le Conseil d'État fut saisi en cassation.
Il confirme tout d'abord, à l'aune de sa jurisprudence récente, que les recettes perçues par la société ne sont pas des recettes publiques mais commerciales (CE, Sect., 6 nov. 2009, Société Prest'action). Dès lors, le contrat n'étant pas nul, la Haute assemblée admet la possibilité du versement d'une indemnité d'imprévision et estime « qu'en excluant ainsi, dans tous les cas, le versement d'une indemnité d'imprévision lorsque le marché a été résilié, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit ».
Rappelons que l’état d’imprévision n’a pas pour effet de libérer le cocontractant de l’administration de son obligation d’exécuter le contrat (CE, Sect., 5 nov. 1982, Soc. Propétrol). De plus, les parties doivent rechercher toutes les solutions possibles pour adapter l’exécution du contrat initial à ces nouvelles circonstances. En effet, l’indemnité d’imprévision n’est due au cocontractant qu’en cas d’impossibilité d’exécution dans les conditions d’origine.
Or, tel n’était pas le cas de l’affaire ici jugée par le Conseil d’État. Pour obtenir l'annulation du titre de recettes, la société soutenait que le contrat aurait dû être passé selon la procédure applicable à la passation des délégations de service public. Or, appliquant ici sa toute récente jurisprudence Commune de Béziers (CE, Ass., 28 déc. 2009) sur la loyauté des relations contractuelles, la Haute juridiction administrative juge que « la société qui s'est librement engagée par la signature de ce contrat conclu par application du Code des marchés publics ne peut utilement invoquer une nullité au motif que seule la procédure prévue pour la passation des délégations de service public aurait dû être suivie ».
CE 10 février 2010 Société Prest’action, n° 30116.
Références
« Théorie propre au droit administratif, déduite par la jurisprudence administrative de la nécessaire continuité des services publics.
Elle permet au titulaire d’un contrat administratif de demander à l’Administration l’indemnisation partielle du préjudice qu’il subit, au cas où la survenance d’événements imprévisibles et extérieurs aux parties vient bouleverser le prix de revient des prestations. »
« Les marchés publics, régis par le Code des marchés, sont des contrats, écrits conclus à titre onéreux avec des opérateurs économiques privés ou publics par l’État et ses établissements publics administratifs ainsi que par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, en vue de la fourniture de travaux, de biens ou de services. Ils sont soumis à des règles précises de passation, en vue d’assurer l’égal accès à la commande publique de toutes les entreprises, l’égalité de leur traitement et la transparence des procédures. Pour le Conseil d’État, les marchés entrant dans le champ d’application du Code des marchés publics sont des contrats administratifs, relevant des juridictions administratives. »
« Titres permettant de recourir à l’exécution forcée.
La liste de ces titres est contenue dans l’article 3 de la loi du 9 juillet 1991. Elle comprend :
“6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement”. Aux termes de l’article 98 de la loi no 92-1476 du 31 décembre 1992, constituent des titres exécutoires “les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l’État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d’un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu’ils sont habilités à recevoir”. »
■ Délégation de service public
« Procédé de gestion de services publics consistant pour la personne publique (généralement une collectivité territoriale) qui en a légalement la charge à externaliser une activité en en confiant le fonctionnement à une autre personne juridique (généralement une société privée), au moyen d’un contrat à durée limitée conclu avec celle-ci. Pour qu’il y ait délégation de service public, le contrat doit stipuler une rémunération substantielle liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé à ses frais de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. Ce procédé, fréquent en matière de services publics industriels et commerciaux, comme la distribution de l’eau, est interdit pour certains services publics administratifs qui, par leur nature ou en raison d’un texte, ne peuvent être assurés que par la collectivité qui les a légalement en charge (comme la police ou l’état civil). »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
« Cause exonératoire de responsabilité, en matière contractuelle et extra-contractuelle. L’événement constitutif du cas de force majeure présente trois caractères : extériorité par rapport au défendeur, imprévisibilité quant à sa survenance et irrésistibilité quant à ses effets. La jurisprudence ne reconnaît qu’exceptionnellement le cas de force majeure. La force majeure exonère le cocontractant de sa responsabilité lorsqu’elle l’empêche d’exécuter ses obligations ; elle peut aussi justifier des aménagements du contrat pour en permettre l’exécution, ou sa résiliation. En matière extra-contractuelle, la force majeure exonère le défendeur de sa responsabilité, soit totalement, soit partiellement s’il apparaît que son fait a aggravé les conséquences dommageables de la force majeure. La solution est valable aussi bien pour les cas de responsabilité pour faute que sans faute. »
« Elle peut être ordonnée à la demande du cocontractant en cas de faute de la personne publique ou de l’Administration qui renonce à sanctionner directement son partenaire. En l’absence de faute des parties, le juge peut être amené à constater l’impossibilité de poursuivre l’exécution d’un engagement définitivement bouleversé par des circonstances particulières, économiques ou administratives. »
Sources : V. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, 5e éd., Sirey, coll. « Dictionnaires », 2008.
■ CE, Ass., 9 déc. 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg, Lebon 1050, concl. Josse.
■ CE, Sect., 6 nov. 2009, Société Prest'action, n° 297877, AJDA 2009. 2401, note M. Lascombe et X. Vandendriessche.
■ CE, Sect., 5 nov. 1982, Soc. Propétrol, AJDA 1983. 259, concl. D. Labetoulle.
■ CE, Ass., 28 déc. 2009, n° 304802, AJDA 2010. 142, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi.
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