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Droit des obligations
Résolution de la vente : quid de la restitution du prix converti en rente viagère ?
La restitution de la chose et du prix constituant une conséquence légale de la résolution du contrat, elle constitue un moyen de pur droit, recevable devant la Cour de cassation. Ayant constaté que la clause résolutoire insérée dans un contrat de vente viagère prévoyait qu'en cas de résolution, seuls les arrérages versés demeuraient acquis au vendeur, viole les articles 1134 et 1183 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui laisse au bénéfice du vendeur le « bouquet » et les arrérages échus et impayés au jour de la résolution, sans avoir retenu qu'ils constituaient des dommages-intérêts.
Civ. 3e, 14 sept. 2023, n° 22-13.209
Le paiement du prix de vente par la constitution d’une rente viagère constitue une modalité particulière qui, en cas de résolution du contrat, donne lieu à un certain nombre de difficultés concernant la restitution du montant à restituer au débirentier. Remédiant à ces difficultés, la décision rapportée confirme la nécessité de soumettre la résolution du contrat de rente viagère au droit commun contractuel concernant la restitution du prix (v. déjà, Ass. plén., 04 avr. 2008, n° 07-14.523), dans ce cas constitué à la fois par un « bouquet », correspondant au montant en capital versé au jour de la vente, et par le versement d’une rente viagère que le vendeur perçoit jusqu’à son décès. Cette rente s’analyse comme une créance due au vendeur (crédirentier) par l’acquéreur (débirentier), payable par échéances. Le contrat de vente devient du fait de la constitution de la rente un contrat aléatoire puisque le prix de vente dépend de la date de décès, par définition imprévisible, du crédirentier. Pour assurer la sécurité du paiement de ses rentes, le crédirentier stipule généralement dans l’acte de vente une clause résolutoire qui lui permet de reprendre son bien en cas de défaut ou de retard de paiement. Dans ce cas, le crédirentier devra dans un premier temps mettre en demeure le débirentier de payer ses échéances dans un certain délai. Si ce dernier n’y procède pas dans le temps imparti, le crédirentier pourra alors, dans un second temps, mettre en œuvre la clause résolutoire pour mettre fin au contrat. Cette mise en œuvre questionne les effets de la résolution sur le montant exact du prix, en partie versé en capital et converti en rente viagère, à restituer à l’acheteur une fois le contrat résolu. En l’espèce, les crédirentiers faisaient valoir le non-paiement de plusieurs échéances, malgré la délivrance d’un commandement de payer, pour obtenir la résolution de la vente, le paiement de l’arriéré des rentes, ainsi que des dommages-intérêts. Ayant constaté l’accomplissement de la clause résolutoire, la cour d’appel ordonna la restitution des arrérages impayés ainsi que ceux ayant continué à courir jusqu'à l'acquisition de la clause, et laissa en outre entre les mains du vendeur le capital versé lors de la signature du contrat. Ainsi le crédirentier aurait-il été en droit de conserver l’ensemble du prix perçu. Malgré la liberté laissée aux juges du fond dans l’appréciation des restitutions consécutives à la mise en œuvre d’une clause résolutoire « simple » (contra, pour les clauses résolutoires de plein droit, Civ. 3e, 7 sept. 2022 n° 21-16.437 ; Civ. 3e, 13 juill. 2016 n° 15-16.626), la Cour de cassation censure leur décision au visa des articles 1134 et 1183 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Rappelant le principe de la force obligatoire du contrat et les effets d’une clause résolutoire, entraînant l'anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales, elle affirme en premier lieu que la restitution du prix du contrat de rente viagère est un moyen de pur droit, et, partant, recevable, peu important que le débirentier n’ait jamais demandé, ni devant le tribunal ni devant la cour d'appel, la restitution du « bouquet » et ni invoqué les termes de la clause résolutoire pour s'opposer au paiement, aux crédirentiers, des arrérages échus et impayés. En second lieu, elle relève que pour liquider la créance des crédirentiers, la cour d’appel avait non seulement exclu de son calcul le montant correspondant au « bouquet » mais également inclus à tort le paiement des arrérages échus et impayés au jour de la résolution, après avoir pourtant constaté que la clause résolutoire prévoyait que seuls les arrérages versés demeureraient acquis au vendeur. Ainsi les juges du fond avaient-ils à la fois méconnu le contenu de la clause résolutoire stipulée par les parties ainsi que les effets légaux de la résolution du contrat, qui les obligeaient à considérer que le « bouquet » et les arrérages échus et impayés au jour de la résolution étaient laissés au vendeur au seul titre de dommages-intérêts. Autrement dit, malgré sa spécificité, le mécanisme de la rente viagère ne permet pas au vendeur d’échapper aux règles de droit commun applicables à la résolution du contrat et à la restitution du prix versé par l’acheteur qui en résulte. Ainsi, en l’espèce, ce n’est qu’au titre de la réparation de son préjudice que le crédirentier était en droit de conserver les sommes litigieuses qu’il aurait dû, par principe, restituer au débirentier en conséquence de la résolution de la vente.
Références :
■ Ass. plén., 04 avr. 2008, n° 07-14.523 : D. 2008. 1143, obs. I. Gallmeister
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