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Droit des obligations
Résolution du contrat : la clause limitative lui survit (enfin) !
Mots-clefs : Civil, Contrats, Contrats synallagmatiques, Règles spécifiques, Résolution, Effets, Rétroactivité, Stipulations contractuelles, Clause limitative de réparation, Maintien (oui)
En cas de résolution d'un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution demeurent applicables.
Une société de constructions industrielles avait procédé à des réparations sur la chaudière d'une centrale exploitée par une société. Après la survenance de plusieurs fuites, cette dernière avait obtenu une expertise judiciaire ayant conclu que ces fuites étaient imputables aux soudures effectuées par la société de construction. La centrale avait ensuite assigné ladite société de construction en résolution du contrat et en indemnisation de ses préjudices matériels et de ses pertes d'exploitation. Cette société avait alors demandé l'application de la clause limitative de réparation stipulée au contrat. La cour d’appel la condamna à la réparation intégrale des préjudices subis, au motif que la résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, il n'y avait pas lieu d'appliquer la clause limitative de responsabilité. Au visa des articles 1134 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation casse cette décision, jugeant qu'en cas de résolution d'un contrat pour inexécution, les clauses limitatives de réparation des conséquences de cette inexécution n’en demeurent pas moins applicables.
La solution n’allait pas de soi, la chambre commerciale ayant plusieurs fois jugé, à l’inverse, que la rétroactivité de la résolution avait notamment pour effet d'écarter les clauses limitatives de responsabilité. Si elle l’affirma d’abord discrètement (Com. 5 oct. 2010, n° 08-11.630 : « La résolution de la vente emportant anéantissement rétroactif du contrat et remise des choses en leur état antérieur, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer les clauses limitatives de responsabilité », elle confirma et même renforça cette règle par un arrêt cette fois publié au bulletin (Com. 3 mai 2012 ; n° 11-17.779), et abondamment commenté. Dans cette affaire, le créancier avait résolu unilatéralement le contrat en raison de manquements graves qu’il imputait à son débiteur. La cour d’appel avait refusé, en raison de l’anéantissement rétroactif du contrat, de faire jouer la clause de résiliation anticipée, laquelle prévoyait notamment un dédommagement en faveur du cocontractant de l'auteur de la résiliation : « la résolution pour inexécution du contrat entraîne son anéantissement et donc la disparition des clauses de ce contrat ».
Dans la seconde branche du moyen, le débiteur reprochait précisément à la cour d'appel d'avoir écarté l'application de cette stipulation, sans prendre en compte « l'économie de la clause litigieuse qui, à l'instar d'une clause pénale, avait au contraire vocation à survivre à la résolution du contrat ». Le pourvoi fut cependant rejeté par la chambre commerciale, considérant que la gravité des manquements du débiteur justifiait la résolution du contrat aux torts exclusifs de ce dernier, en application des dispositions de l'ancien article 1184 du Code civil, et que la cour d'appel en ayant à bon droit déduit que le contrat résolu étant anéanti, le débiteur n'était pas fondé à se prévaloir des stipulations contractuelles régissant les conditions et les conséquences de sa résiliation unilatérale par son créancier. Il est vrai que par son effet rétroactif, la résolution du contrat devrait théoriquement entraîner la disparition de l’ensemble de ses clauses. Cependant, ainsi réitérée, cette solution (V. aussi Civ. 3e, 20 juin 2012, n° 11-16.197 : « ayant exactement retenu que la résolution entraînait la mise à néant rétroactive de la force obligatoire du contrat et que cet anéantissement rétroactif affectait toutes les clauses du "compromis"… ») était contestée par la doctrine, qui faisait valoir que pour la mise en œuvre de la résolution d'un contrat, les clauses ayant pour objet de régler les conséquences de l'inexécution devaient naturellement trouver à s’appliquer, et donc survivre à la résolution du contrat (V. not. Th.Genicon, « La résolution du contrat pour inexécution », LGDJ, n° 762 s.). Elle s’appuyait en ce sens sur le droit antérieur à la réforme, qui consacrait des solutions plus mesurées, laissant certaines clauses de la convention résolue produire leurs pleins effets ; ainsi en était-il, par exemple, de la clause pénale qui pouvait être opposée au débiteur même si le contrat qui la contenait était résolu. Cette position découle de la nature même de la résolution, qui sanctionne un contrat valablement formé, dans lequel une partie n’a pas exécuté son obligation. Dès lors, selon une jurisprudence constante, toutes les stipulations relatives au règlement des différends (clause pénale, clause de responsabilité, clause compromissoire), ont vocation à survivre à la résolution du contrat, puisque leur validité ne s’en trouve pas affectée (S. Porchy-Simon, Les obligations, Dalloz, 10è éd., n° 649).
La chambre commerciale paraît donc ici revenir à cette solution traditionnelle : lorsqu'une inexécution contractuelle entraîne la résolution judiciaire du contrat, la réparation du préjudice causé par cette inexécution reste soumise à la clause limitative de responsabilité stipulée dans le contrat, laquelle vise par nature à régler les conséquences de cette inexécution, malgré l'anéantissement en principe rétroactif du contrat. Il est à noter que, du moins formellement, l’article 1229, al. 1er du Code civil abandonne le principe de rétroactivité en disposant que, indépendamment de sa cause, « la résolution met fin au contrat » (V. sur ce point, S. Porchy-Simon, Les obligations, préc., n°650 s.). Quant à la survie de certaines clauses du contrat, l’article 1230 du Code civil, dont le contenu a sans doute influencé la Cour dans cette affaire bien que le contrat litigieux n’y soit pas soumis en raison de sa date de conclusion, reprend en partie les acquis de la jurisprudence antérieure en disposant que « la résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence ».
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