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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Résolution d’une vente : la rétroactivité condamne le droit de suite
Mots-clefs : Sûreté, Hypothèque, Vente, Résolution, Rétroactivité, Droit de suite (non)
La rétroactivité attachée à la résolution entraîne l’anéantissement des droits constitués sur l’immeuble et le rétablissement du vendeur dans ses droits. Ce dernier qui n’a pas la qualité de tiers détenteur de l’immeuble ne peut voir exercer un droit de suite à son encontre.
Par acte notarié, une propriétaire avait vendu un bien immobilier placé sous le régime de la copropriété ; le prix de vente était stipulé payable pour partie sous forme d'une rente viagère. Un jugement, confirmé en appel, avait condamné l’acheteuse à payer des charges de copropriété au syndicat des copropriétaires. Entre temps, un jugement avait prononcé la résolution de la vente et condamné l’acheteuse à restituer le bien vendu. Quelques années plus tard, le syndicat des copropriétaires avait délivré à la venderesse un commandement valant saisie immobilière puis l'avait assignée, ainsi que son mari, en vente forcée des biens visés au commandement.
La cour d’appel rejeta sa demande au motif que la venderesse n'ayant pas la qualité de tiers détenteur du bien saisi mais seulement celle de propriétaire rétablie dans ses droits par le jugement de résolution, en conséquence duquel tous les droits constitués sur l’immeuble s’étaient trouvés anéantis, le syndicat n’était pas recevable à prétendre exercer un droit de suite à son encontre. Le syndicat des copropriétaires forma un pourvoi en cassation. Il soutint d’une part que l'hypothèque est un droit réel sur un immeuble qui est affecté à la garantie de l’exécution d'une obligation, qui suit l'immeuble en cause dans quelques mains qu'il passe, et qu'en vertu du droit de suite, le créancier hypothécaire peut saisir le bien immobilier entre les mains du tiers détenteur, quoique celui-ci ne soit pas personnellement débiteur, dans la mesure où le tiers détenteur se définit comme la personne qui détient à titre non précaire la totalité ou une partie de l'immeuble hypothéqué sans être obligé personnellement au paiement de la dette. Il invoqua d’autre part que les hypothèques n’étant radiées que dans les conditions prévues par l'article 2440 du Code civil et ne s'éteignant que dans celles visées à l'article 2488 du Code civil, le jugement de résolution ne valait ni radiation ni extinction de l'hypothèque antérieurement publiée.
La thèse du pourvoi est rejetée par la troisième chambre civile, qui juge que par l'effet rétroactif de la résolution de la vente, les droits constitués sur l'immeuble se trouvaient anéantis, ce dont il fallait à bon droit déduire que la venderesse n'avait pas la qualité de tiers détenteur de l'immeuble et que le syndicat des copropriétaires ne pouvait pas exercer un droit de suite à son encontre.
Le droit de suite, tel qu’il résulte de l’article 2461 du Code civil, permet aux créanciers ayant un privilège ou une hypothèque inscrit sur un immeuble de suivre ce dernier « dans quelques mains qu’il passe pour être payés suivant l’ordre de leurs créances ou inscriptions ». Le droit de suite attaché à l’hypothèque, « droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation » (C. civ., art. 2393), permet donc de saisir le bien en quelques mains qu’il se trouve pour exercer le droit de préférence.
Ce mécanisme est rendu possible par la théorie de l’accessoire, qui trouve en l’occurrence à s’appliquer, l’hypothèque étant l’accessoire de l’obligation. Ainsi défini, le droit de suite n’a donc lieu qu’à l’occasion de la translation du droit de propriété de l’immeuble. Or le jugement de résolution qui avait été rendu ne constituait pas un titre opérant une telle translation mais au contraire, la résolution d’un acte translatif.
Comme la cour d’appel l’avait relevé, par l’effet de la résolution, le bien avait fait retour dans l’actif de la venderesse, qu’il était d’ailleurs censé n’avoir jamais quitté. La rétroactivité attachée à la résolution devait entraîner la disparition des droits consentis par l’acquéreur, qui était censé n’avoir jamais été propriétaire de l’immeuble. Telle est en tout cas l’analyse classique des conséquences de l’annulation ou de la résolution sur les droits réels consentis par l’acquéreur. Tous les droits consentis sur l’immeuble par celui dont le droit a ensuite été résolu de même que ceux constitués sur l’immeuble de son chef se trouvent anéantis par l’effet rétroactif de la résolution. Le droit de suite ne pouvait pas avoir d’effet contre la venderesse puisqu’elle ne devait pas être qualifiée de tiers détenteur mais de propriétaire, rétablie dans ses droits depuis l’origine par l’effet rétroactif de la résolution de la vente laquelle entraîne, en application de l’article 1184 du Code civil, l’anéantissement du contrat et la remise des choses en leur état antérieur. La Cour a donc eu raison de refuser d’accéder à la demande du syndicat de saisir l’immeuble.
Tout a une fin … même le droit de suite.
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