Actualité > À la une
À la une
Droit des obligations
Résolution d’une vente : portée quant à la possibilité pour le vendeur d’obtenir la garantie du prix
Il résulte des articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du Code civil que lorsqu’une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d’un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n’a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable.
Com. 22 nov. 2023, n° 22-18.306
Une société propriétaire d’un véhicule aménagé pour le transport de chevaux avait vendu son bien à une société équestre. Cette dernière avait constaté que le véhicule ne pouvait pas recevoir le poids, convenu contractuellement, correspondant à celui de cinq chevaux. Elle avait alors assigné la venderesse en résolution de la vente, pour manquement à son obligation de délivrance conforme. Cette dernière ayant par la suite été placée en liquidation judiciaire, elle avait assigné son propre vendeur, lequel avait fait intervenir la société ayant effectué des adaptations intérieures sur le véhicule qui avaient entraîné une diminution de son poids.
La cour d’appel prononça la résolution des deux ventes conclues. Considérant que le défaut de conformité affectant le bien vendu lui était imputable, la société ayant effectué des interventions sur le véhicule fut condamnée – au titre de sa responsabilité civile délictuelle – à garantir :
- le liquidateur de la venderesse intermédiaire du paiement des créances fixées au passif de la société et de toute condamnation prononcée à son encontre ;
- les ayants droit du vendeur originaire, décédé en cours d’instance, de leur condamnation in solidum à rembourser le prix de vente de 25 000 euros au liquidateur de la venderesse intermédiaire.
La société condamnée a formé un pourvoi en cassation en soutenant qu’« en cas de résolution de la vente, la restitution du prix reçu par le vendeur est la contrepartie de la remise de la chose par l’acquéreur et qu’ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à celui-ci le prix qu’il en a reçu » et que « la restitution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable ». Or, en l’espèce, les créances et condamnations ne portaient que sur la restitution du prix de vente, ordonnée en conséquence de la résolution judiciaire que les juges prononçaient, obligation à laquelle, en sa qualité de tiers au contrat, elle n’était pas tenue dès lors que seul le vendeur peut y être contraint une fois la chose vendue remise par l’acquéreur en conséquence de la résolution contractuelle.
Rejoignant l’argumentaire de la demanderesse au pourvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Se fondant sur les articles 1240, 1603, 1604 et 1610 du Code civil, elle rappelle que « lorsqu’une vente a été résolue, le vendeur ne peut obtenir d’un tiers la garantie du prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise de la chose, il n’a plus droit et dont la restitution ne constitue donc pas pour lui un préjudice indemnisable ».
La restitution du prix s’analyse comme un effet légal de la résolution du contrat conclu à titre onéreux. Dans le cas de la vente, la rétroactivité attachée à la résolution du contrat oblige le vendeur, qui se voit restituer la chose, à rembourser le prix qu'il a perçu en contrepartie. Cette réciprocité dans le jeu des restitutions respectives exclut l’existence d’un préjudice indemnisable. Partant, le vendeur condamné à la restitution du prix ne peut prétendre à la garantie du tiers déclaré responsable, sur le plan délictuel, du manquement contractuel à l’origine de l’action en résolution engagée par l’acquéreur. Ainsi, l’existence d’une faute commise par le tiers ne suffit-elle pas à entraîner sa condamnation. Pour justifier celle-ci, il faudrait en effet qu’il en résulte un préjudice, que ne constitue pas la restitution du prix supportée par le vendeur, en raison de la contrepartie dont il profite.
Dans le cas de l’espèce de ventes successives, il en résulte que le tiers civilement responsable du défaut de conformité ne peut être condamné à garantir ni le vendeur originaire, à la suite de la résolution du premier contrat de vente conclu avec l’acheteur final, ni le vendeur intermédiaire, à la suite de la résolution du second, de leur condamnation à rembourser à ce dernier la somme correspondant au prix du bien vendu. Dès lors que la restitution du prix, résultant de la résolution d’un contrat de vente, est la contrepartie de la remise de la chose par l'acquéreur et qu'ainsi, seul celui auquel la chose est rendue doit restituer à ce dernier le prix qu'il en a reçu, la cour d’appel aurait ainsi dû considérer qu'à la suite de l’action résolutoire exercée par l'acquéreur final, seuls les vendeurs successifs du bien pouvaient être condamnés à restituer le prix de vente, la possibilité d’obtenir la garantie de leur condamnation par le tiers civilement responsable étant exclue.
Ainsi la chambre commerciale confirme-t-elle, sur le fondement de l’obligation de conformité, que la restitution du prix résultant de la résolution du contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable, ce qu’elle avait déjà jugé à propos de l’action rédhibitoire exercée en garantie des vices cachés (Civ. 2e, 25 juin 2020, n° 17-24.189 ; Civ. 3e, 29 mars 2018, n° 17-13.157).
Références :
■ Civ. 2e, 25 juin 2020, n° 17-24.189
■ Civ. 3e, 29 mars 2018, n° 17-13.157 : AJDI 2018. 727, obs. F. Cohet
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une