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Droit des sociétés
Responsabilité civile du dirigeant et préjudice personnel distinct de l’associé
Mots-clefs : Société anonyme, Associé, Dirigeant, Action en responsabilité civile, Action en responsabilité pour insuffisance d'actif, Préjudice personnel distinct
L’action d’un associé exercée à l’encontre d’un dirigeant est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel distinct de celui subi par la personne morale.
Une société anonyme, admise au nouveau marché, a été mise en redressement judiciaire. Incités à investir dans le titre et à conserver leurs actions en raison de fausses informations et d’une présentation inexacte des comptes, les actionnaires et autres demandeurs (160 en tout !) ont assigné les dirigeants pour des fautes commises antérieurement au jugement d’ouverture et ont demandé réparation selon leurs pertes respectives.
La question, en l’espèce, était de savoir si, lorsque le redressement judiciaire fait apparaître une insuffisance d’actif, peuvent se cumuler l’action en paiement des dettes sociales ayant contribué à cette insuffisance d’actif prévue par l’article L. 651-2 du Code de commerce (action en responsabilité pour insuffisance d’actif) et l’action en responsabilité civile fondée sur l’article L. 225-252 du Code de commerce. En d’autres termes : l’action en responsabilité civile des dirigeants fondée sur l’article L. 225-252 du Code de commerce exercée par un associé était-elle recevable pour des faits antérieurs à l’ouverture d’une procédure collective qui faisait apparaître une insuffisance d’actif ?
La Haute cour répond par l’affirmative mais à la condition que l’associé allègue un préjudice personnel distinct de la personne morale (déjà pour un créancier : Com. 7 mars 2006, qui exigeaient la preuve d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions). La chambre commerciale précise aussi que la mise en cause de la responsabilité des dirigeants par les actionnaires agissant en réparation d’un préjudice personnel n’est pas « soumise à la condition que les fautes imputées (…) soient intentionnelles, d’une particulière gravité et incompatibles avec l’exercice normal de ses fonctions sociales » (déjà sur la faute détachable des fonctions : Com. 20 mai 2003). De plus, en l’espèce, le fait dommageable personnel était constitué par les agissements des dirigeants en dissimulant la réelle situation financière de l’entreprise par la diffusion d’une information trompeuse entraînant pour les actionnaires une perte d’une chance d’investir leurs capitaux dans un autre placement.
Cet arrêt a le mérite de bien distinguer l’action intentée par l’associé de celle intentée par un créancier : l'associé n’est donc pas considéré comme un tiers et n’a pas à rapporter la preuve d’une faute séparable des fonctions du dirigeant mais doit simplement établir un préjudice personnel distinct.
Com. 9 mars 2010, n°08-21.547
Références
■ Code de commerce
Article L. 225-252
« Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. »
Article L. 651-2
« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les sommes versées par les dirigeants entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »
■ Com. 7 mars 2006, Bull. civ. IV, D. 2006. 857, obs. Lienhard.
■ Com. 20 mai 2003, Bull. civ. IV, n°84, D. 2003. 1502, obs. Lienhard, ibid. 2623, note Dondero.
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