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Droit de la responsabilité civile
Responsabilité des parents divorcés ou séparés en cas de dommage causé par leur enfant mineur : la loi ne crée pas de rupture d’égalité !
L’article 1242 du Code civil, prévoyant que la responsabilité de plein droit incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée, ne porte pas atteinte au principe d’égalité garanti par la Constitution.
Cons. const. 21 avr. 2023, n° 2023-1045 QPC
Le 21 avril dernier, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions du Code civil, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, prévoyant que, en cas de séparation ou de divorce, seul le parent au domicile duquel la résidence habituelle de l’enfant mineur a été fixée est responsable de plein droit des dommages causés par ce dernier.
En application du quatrième alinéa de l’article 1242 du Code civil, les père et mère, en tant qu’ils exercent en commun l’autorité parentale, sont solidairement responsables de plein droit des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux.
Il était reproché à cette disposition, telle qu’interprétée par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, de prévoir que, dans l’hypothèse d’un divorce ou d’une séparation des parents, seul le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant mineur a été fixée est responsable de plein droit des dommages causés par ce dernier, alors même que l’autre parent exerce conjointement l’autorité parentale et peut bénéficier d’un droit de visite et d’hébergement (Crim. 29 avr. 2014, n° 13-84-207 ; v. déjà, sous l’empire des textes anciens sur l’autorité parentale ; Civ. 2e, 19 févr. 1997, Samda, n° 93-14.646).
Pour les requérants, la disposition critiquée instituerait une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, les parents, dès lors que seul le parent chez lequel la résidence de l’enfant est fixée est susceptible de voir sa responsabilité engagée de plein droit ; entre les victimes, d’autre part, qui n’auraient pas la possibilité de rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent.
Les requérants soutenaient en outre que cette disposition inciterait le parent chez lequel la résidence de l’enfant n’a pas été fixée à se désintéresser de son éducation. Elle méconnaîtrait ainsi l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée ainsi que le droit de mener une vie familiale normale.
Le Conseil constitutionnel admet qu’il en résulte une différence de traitement entre le parent chez lequel la résidence de l’enfant a été fixée, qui est responsable de plein droit du dommage causé par ce dernier, et l’autre parent, qui ne peut être responsable qu’en cas de faute personnelle. Les Sages considèrent toutefois que cette différence de traitement, en ce qu’elle se fonde sur une différence de situation, n’est pas injustifiée. En ce sens, ils rappellent que la disposition contestée a pour objet de déterminer la personne tenue de répondre sans faute du dommage causé par un enfant mineur afin de garantir l’indemnisation du préjudice subi par la victime. Ils ajoutent qu’en cas de divorce ou de séparation, le juge peut, en vertu de l’article 373-2-9 du Code civil, fixer la résidence de l’enfant soit en alternance au domicile de chacun des parents, soit au domicile de l’un d’eux. Ainsi, « le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée par le juge ne se trouve pas placé dans la même situation que l’autre parent ». Dès lors, selon le Conseil constitutionnel, la différence de traitement résultant de la disposition contestée, qui est « fondée sur une différence de situation », est « en rapport avec l’objet de la loi ».
En outre, elle « [n’institue], par [elle-même], aucune différence de traitement entre les victimes d’un dommage causé par un enfant mineur ».
« Il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté ». Ne méconnaissant pas non plus, concluent succinctement les Sages, l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée ou le droit de mener une vie familiale normale, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, la disposition attaquée est déclarée conforme à la Constitution.
Références :
■ Crim. 29 avr. 2014, n° 13-84.207 P : D. 2014. 1620, note L. Perdrix ; ibid. 2015. 124, obs. P. Brun et O. Gout ; AJ fam. 2014. 370, obs. A. Zelcevic-Duhamel ; RTD civ. 2014. 639, obs. J. Hauser.
■ Civ. 2e, 19 févr. 1997, n° 93-14.646 P :D. 1997. 119 ; RTD civ. 1997. 648, obs. J. Hauser ; ibid. 670, obs. P. Jourdain.
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