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Droit pénal général
Responsabilité des personnes morales : application dans le temps
Mots-clefs : Application de la loi pénale dans le temps, Non-rétroactivité in pejus, Principe de légalité criminelle, Responsabilité des personnes morales, Code de la consommation
Une loi pénale étendant une incrimination à une nouvelle catégorie de prévenus ne peut s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur.
Dans un arrêt du 20 octobre 2009, la chambre criminelle rappelle notamment qu'une loi pénale étendant une incrimination à une nouvelle catégorie de prévenus (ici, aux personnes morales), ne peut, conformément au principe général posé par l'article 112-1 du Code pénal, s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur.
En l’espèce, un célèbre hard-discounter était poursuivi pour diverses infractions au Code de la consommation (commercialisation irrégulière de fruits et légumes, marquage non conforme, vente de denrées alimentaires à l’étiquetage trompeur ; contraventions de la 3e classe), toutes commises avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », qui a modifié l’article 121-2 du Code pénal en supprimant le principe de spécialité de la responsabilité des personnes morales (lequel exigeait que les textes précisent, pour chaque infraction, la possibilité d’engager la responsabilité pénale de la personne morale). Les juges du premier degré puis la cour d’appel l’avaient déclaré coupable et condamné à 621 amendes de 60 euros. Or, à la date des faits (le 2 juin 2005, date de constatation des 621 infractions), les personnes morales n’étaient pas pénalement responsables des infractions visées par l’article L. 214-2 du Code de la consommation, le principe de spécialité ayant été abandonné le 31 décembre 2005 seulement. La cassation, fondée sur l’article 112-1 du Code pénal, est logique puisqu’« à la date des faits, les personnes morales n’étaient pénalement responsables que dans les cas prévus par la loi ou le règlement parmi lesquels ne figurait pas l’infraction définie par l’article L. 214-2 précité ».
Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, ou principe de non-rétroactivité in pejus, est l’un des corollaires du principe de légalité criminelle (art. 111-3 C. pén.). La loi pénale nouvelle qui étend une incrimination à une nouvelle catégorie de prévenus étant nécessairement plus sévère pour ces délinquants, elle ne peut s’appliquer à eux rétroactivement.
Crim. 20 oct. 2009
Références
■ Code pénal
Article 111-3
« Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement.
Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention. »
Article 112-1
« Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.
Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.
Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. »
Article 121-2
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »
■ Article L. 214-2 du Code de la consommation
« Les infractions aux décrets en Conseil d'État, pris en vertu des articles L. 214-1, L. 215-1, dernier alinéa, et L. 215-4 qui ne se confondront avec aucun délit de fraude ou de falsification prévu par les articles L. 213-1 à L. 213-4 et L. 214-1 (7°), seront punies comme contraventions de 3e classe.
Sera puni des mêmes peines quiconque aura mis en vente ou vendu, sans attendre les résultats d'un contrôle officiel en cours, des marchandises quelconques qui seront reconnues définitivement fraudées ou falsifiées à l'issue de l'enquête judiciaire consécutive à ce contrôle, sans préjudice des poursuites correctionnelles contre l'auteur de la fraude ou de la falsification. »
■ Non-rétroactivité
« Principe en vertu duquel une norme juridique nouvelle ne peut remettre en cause les situations anciennes nées de l’application de la règle antérieure. »
■ Principe de légalité
« Principe, contenu dans l’adage latin “Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege ”, selon lequel les crimes et les délits doivent être légalement définis avec clarté et précision, ainsi que les peines qui leur sont applicables. Pour ce qui est des contraventions, soumises aux mêmes exigences, leur définition relève, depuis la Constitution de 1958, du domaine réglementaire. »
■ Crim. 19 juin 2007, Bull. crim. n° 169 ; D. 2007. 1954 ; RSC 2008. 87, note Ambroise-Castérot.
■ J. Larguier, Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, Droit pénal général, 21e éd., Dalloz, coll. « Memento », 2008, Étude complémentaire 1, p. 231.
■ X. Pin, Droit pénal général, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2009, nos 81 s. (application de la loi pénale dans le temps) et 289 s. (la responsabilité des personnes morales).
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