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Droit pénal général
Responsabilité des personnes morales : de la nécessité d’identifier l’organe ou le représentant
Mots-clefs : Responsabilité pénale, Organe ou représentant, Identification
Aux termes de l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Il appartient donc aux juges de rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale a été commis pour son compte.
La cour d'appel d’Aix-en-Provence avait condamné, pour contrefaçon (de haut de maillot de bain), à 50 000 € d’amende une société de vente par correspondance. L’arrêt est censuré par la chambre criminelle au motif que les juges ont omis de rechercher « par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale avait été commis pour son compte ». Cet arrêt permet de revenir sur la question de l'identification de la personne physique ayant commis la faute susceptible d'entraîner la responsabilité pénale de la personne morale mise en cause, question source de très nombreuses discussions doctrinales et d’une abondante jurisprudence qui, prise au premier abord, peut paraître fluctuante et incohérente.
L’article 121-2 du Code pénal dispose que les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. La rédaction du texte laisse entendre que l’engagement de la responsabilité pénale d’une personne morale impose de vérifier que l’infraction est imputable à un organe ou un représentant et exige donc une stricte identification de ce dernier. C’est d’ailleurs ce que jugeait, dans un premier temps, la Cour de cassation (Crim. 2 déc. 1997 ; Crim. 18 janv. 2000).
Puis, au fil des décisions, cette exigence d’identification sembla s’atténuer, la chambre criminelle allant jusqu’à poser une forme de présomption de rattachement de la faute à un organe ou représentant. Un arrêt remarqué du 20 juin 2006 avait ainsi retenu la responsabilité d'une personne morale sans identifier l'auteur des manquements constitutifs du délit, dès lors que l'infraction n'a pu être commise pour le compte de la société que par un organe ou un représentant (Crim. 20 juin 2006). Rendue en matière d’infractions non intentionnelles, la solution fut par la suite étendue à des situations relatives à des infractions intentionnelles (Crim. 25 juin 2008). Sans succès, cette jurisprudence fut contestée par le biais d’une QPC (Crim. 11 juin 2010).
Plus récemment, plusieurs arrêts ont semblé revenir à une lecture plus restrictive, pour certains « plus orthodoxe », de l’article 121-2 du Code pénal (note sous Crim. 11 oct. 2011). La présente décision du 1er avril 2014 s'inscrit dans cette logique puisque, si l'arrêt est censuré, c'est bien parce que les juges du fond ont fait l'économie de l'identification du représentant de la personne morale.
Néanmoins, il n'apparaît pas pertinent d'analyser la récente jurisprudence concernant la nécessité de l'identification du représentant de la personne morale en termes de revirement de jurisprudence. En effet, l’étude de celle-ci montre qu’en réalité la chambre criminelle n’impose aux juges du fond l'identification des organes ou représentant de la personne morale dès lors qu’il ne ressort pas des faits de la cause que l'infraction ne peut avoir été commise « que » par un organe ou un représentant. À l’inverse, elle les en dispense, et permet, selon les termes du professeur Yves Mayaud, que les juges raisonnent « par déduction rationnelle d’une conclusion elle-même dictée par les circonstances ». En définitive, les juges n’ont pas à préciser l’identité de l’auteur de l’infraction dès lors que cette dernière n’a pu être commise « pour le compte de la personne morale, que par un organe ou un représentant » (v. par ex. Crim. 18 juin 2013). À défaut, l’identification reste de mise.
Crim. 1er avr. 2014, n°12-86.501
Références
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »
■ Crim. 2 déc. 1997, n° 96-85.484 ; Bull. crim. 1997, n° 408.
■ Crim. 18 janv. 2000, Bull. crim. 2000, n° 28 ; Dr. pén. 2000, comm. 72, note Véron ; D. 2000. 636 note Saint-Pau ; RSC 2000. 816, obs. Bouloc.
■ Crim. 20 juin 2006, n° 05-85.255, Bull. crim. n° 188 ; D. 2007. 617, note Saint-Pau ; D. 2007. Pan. 399, obs. Roujou de Boubée ; D. 2007. Pan. 1624, obs. Mascala ; AJ pénal 2006. 405, obs. Remillieux ; JCP 2006. II. 10199, note Dreyer ; Dr. pénal 2006. 128 [2e esp.], obs. Véron ; RSC 2006. 825, obs. Mayaud ; Rev. sociétés 2006. 895, obs. Bouloc.
■ Crim. 25 juin 2008, n° 07-80.261.
■ Crim. 11 juin 2010, n° 09-87.884 ; JCP G 2010. 1030 et 1031, notes Robert et Matsopoulou ; RSC 2011. 177, obs. de Lamy.
■ Crim. 11 oct. 2011, n° 10-87.212, Dalloz actualité, 30 oct. 2011, obs. Bombled ; D. 2011. 2841, obs. Rias ; JCP G 2011, 1385, obs. Robert.
■ Crim. 18 juin 2013, n° 12-85.917.
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