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Droit des médias
Responsabilité des sites de partage en cas de contenus illicites
Mots-clefs : Communication au public en ligne, Contenus illicites, Responsabilité civile, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, Hébergeur, Éditeur, Prestataire technique, Contrefaçon, Concurrence déloyale, Atteinte à la vie privée
Par trois arrêts du 17 février 2011, la Cour de cassation précise le régime de responsabilité des sites de partage de contenus en ligne, en cas de diffusion de contenus illicites.
La première affaire (no 09-67.896) concernait le site Dailymotion, assigné pour contrefaçon et concurrence déloyale par les ayants droit du film Joyeux Noël, qui avait été mis à disposition sur la plate-forme d’échange de vidéos au début de l’année 2007. Dans son arrêt, la première chambre civile confirme, dans ses grandes lignes, le raisonnement suivi par la cour d’appel de Paris (v. Paris, 6 mai 2009), qui excluait Dailymotion de l’application du régime réservé aux éditeurs de services numériques.
Aux termes de l’arrêt, d’une part, Dailymotion peut prétendre au régime de responsabilité « allégé » prévu par l’article 6-I-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique pour les « fournisseurs d’hébergement », en tant que prestataire technique assurant le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages mis à disposition du public au moyen de services de communication au public en ligne exploités par des tiers (ces derniers étant exonérés d’une obligation générale de surveillance des contenus diffusés et devant seulement conserver les données permettant l’identification des éditeurs de services, auteurs des messages). La Haute cour retient que le réencodage de vidéos et le formatage de fichiers « sont des opérations techniques qui participent de l’essence du prestataire d’hébergement » et « n’induisent en rien une sélection […] des contenus mis en ligne », que « la mise en place de cadres de présentation et la mise à disposition d’outils de classification des contenus sont justifiés par la seule nécessité […] de rationaliser l’organisation du service et d’en faciliter l’accès à l’utilisateur », et que « l’exploitation du site par la commercialisation d’espaces publicitaires n’induit pas une capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne » ; ainsi, « la cour d’appel a exactement déduit que la société Dailymotion était fondée à revendiquer le statut d’intermédiaire technique au sens de l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 ». Autrement dit, Dailymotion est responsable en tant qu’hébergeur des contenus illicites et non en tant qu’éditeur de ceux-ci (la responsabilité des « éditeurs de services » est, pour sa part, prévue à l’art. 9 LCEN ; art. L. 32-3-3 et L. 32-3-4 CPCE).
D’autre part, le site n’a commis « aucun manquement à l’obligation de promptitude à retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès » en n’intervenant pas avant le 18 avril 2007, date à laquelle il a eu une connaissance effective du contenu litigieux par le biais de l’assignation ayant décrit et localisé les faits litigieux, au sens de l’article 6-I-5 LCEN (sur la notification délivrée en application de cet art., v. le deuxième arrêt, Civ. 1e, 17 févr. 2011, no 09-15.857).
La troisième affaire (no 09-13.202) concernait le site fuzz.fr, « agrégateur d’informations » en ligne. Cette fois, un acteur français avait demandé le retrait d’une brève prétendument attentatoire à sa vie privée. De nouveau, la Cour de cassation confirme la solution adoptée au fond. Elle retient que la société créatrice du site « se bornait à structurer et classifier les informations mises à la disposition du public pour faciliter l’usage de son service » mais « n’était pas l’auteur des titres et des liens hypertextes, ne déterminait ni ne vérifiait les contenus ». Ainsi, la responsabilité de ce prestataire, « fût-il créateur de son site, qui ne jouait pas un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées », relevait du seul régime applicable aux hébergeurs.
Civ. 1e, 17 févr. 2011, FS-P+B+R+I, no 09-67.896
Civ. 1e, 17 févr. 2011, FS-P+B+I, no 09-15.857
Civ. 1e, 17 févr. 2011, FS-P+B+I, no 09-13.202
Références
« Fait pour un autre que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle ou son licencié d’exploiter ce monopole, portant ainsi atteinte aux droits de son titulaire.
La contrefaçon est un délit correctionnel. Elle constitue aussi un fait générateur de responsabilité civile. »
« Ensemble de procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Paris, 6 mai 2009, Dalloz actualité, 14 mai 2009, obs. A. Astaix.
■ Loi sur la confiance dans l’économie numérique
Art. 6-I-2
« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. »
Art. 6-I-5
« La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu'il leur est notifié les éléments suivants :
– la date de la notification ;
– si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;
– les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
– la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté. »
■ Code des postes et communications électroniques
Art. L. 32-3-3
« Toute personne assurant une activité de transmission de contenus sur un réseau de télécommunications ou de fourniture d'accès à un réseau de télécommunications ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de ces contenus que dans les cas où soit elle est à l'origine de la demande de transmission litigieuse, soit elle sélectionne le destinataire de la transmission, soit elle sélectionne ou modifie les contenus faisant l'objet de la transmission. »
Art. L. 32-3-4
« Toute personne assurant dans le seul but de rendre plus efficace leur transmission ultérieure, une activité de stockage automatique, intermédiaire et temporaire des contenus qu'un prestataire transmet ne peut voir sa responsabilité civile ou pénale engagée à raison de ces contenus que dans l'un des cas suivants :
1° Elle a modifié ces contenus, ne s'est pas conformée à leurs conditions d'accès et aux règles usuelles concernant leur mise à jour ou a entravé l'utilisation licite et usuelle de la technologie utilisée pour obtenir des données ;
2° Elle n'a pas agi avec promptitude pour retirer les contenus qu'elle a stockés ou pour en rendre l'accès impossible, dès qu'elle a effectivement eu connaissance, soit du fait que les contenus transmis initialement ont été retirés du réseau, soit du fait que l'accès aux contenus transmis initialement a été rendu impossible, soit du fait que les autorités judiciaires ont ordonné de retirer du réseau les contenus transmis initialement ou d'en rendre l'accès impossible. »
■ Traité de droit de la presse et des médias, dir. Beignier, de Lamy et Dreyer, Litec, 2009, 1898 s.
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