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Droit bancaire - droit du crédit
Responsabilité du banquier et encaissement de chèque différé
Mots-clefs : Banque, Chèque, Inscription en compte différée, Responsabilité contractuelle, Conditions
Le banquier auquel un chèque est remis à l’encaissement, s’il ne procède pas à son inscription en compte immédiatement, a l’obligation d’en prévenir son client, faute de quoi il engagerait sa responsabilité.
Un gérant de société remet un chèque non approvisionné à sa banque. Compte tenu du défaut de provision, la banque inscrit le montant du chèque sur un compte d’attente et rejette deux autres chèques émis par la société, dont le montant ajouté au découvert existant excédait l’autorisation de découvert. La banque assigne ensuite la société en paiement du solde de son compte courant. Sans contester le montant réclamé, celle-ci oppose à la banque le préjudice qu’elle lui a causé en refusant d’inscrire le montant du premier chèque remis à l’encaissement sur son compte courant. En appel, sa demande d’indemnisation est rejetée au motif du défaut de causalité entre l’inscription du chèque sur un compte d’atteinte et le préjudice ; en effet, comme le soulignent les juges du fond, le premier chèque, non approvisionné, n’aurait pu permettre, en tout état de cause, le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques ultérieurement rejetés. Le gérant de société forme alors un pourvoi en cassation, faisant valoir, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil, le manquement de la banque à ses obligations contractuelles ; d’une part, selon l’auteur du pourvoi, la banque n’aurait pas respecté le seuil conventionnellement prévu d’autorisation de découvert, d’autre part, elle aurait dû inscrire le montant du chèque, même sans provision, sur son compte courant, dès lors que la loi lui réserve, dans une telle hypothèse, la possibilité d’engager, ensuite, une action en remboursement contre son client.
Un banquier peut-il voir sa responsabilité engagée pour avoir différé l’inscription en compte d’un chèque non approvisionné ? Selon la Haute cour, le banquier est en droit de ne pas inscrire en compte immédiatement le chèque qui lui est remis, la seule condition d’engagement de sa responsabilité résidant dans le défaut d’avertissement préalable du client d’un tel défaut d’inscription : « Mais attendu que le banquier, auquel un chèque est remis à l’encaissement, s’il ne procède pas à son inscription en compte immédiatement, a l’obligation d’en prévenir son client, faute de quoi il engagerait sa responsabilité, sauf stipulations contractuelles contraires ou circonstances particulières ».
Outre les nombreuses responsabilités qu'il encourt envers les porteurs de chèques sans provision à raison des conditions dans lesquelles il a accepté d'ouvrir un compte ou de délivrer des chéquiers, le banquier risque de voir sa responsabilité engagée pour avoir différé l’inscription en compte d'un chèque non approvisionné sans en informer préalablement le titulaire du compte (art. L. 131-73, al. 1er C. mon. fin.). En règle générale, le banquier qui reçoit un chèque l’inscrit immédiatement en compte ; dans ce cas, la banque consent une avance à son client sous réserve, à l’évidence, d’un encaissement effectif, ce qui explique, comme l’avançait l’auteur du pourvoi, que la banque peut toujours lui demander le remboursement de la somme impayée dès qu’elle se voit refuser, faute de provision, le paiement du chèque. Mais comme le rappelle ici la chambre commerciale, il est toujours possible au banquier de différer l’inscription. À la condition, essentielle, de prévenir le client, sous peine de voir sa responsabilité engagée. Dans le silence légal, les modalités de l'information ont été précisées par le juge. Ce dernier exige que le tiré adresse à son client, avant le rejet du chèque, un avertissement précis et qu'il ne se borne pas à lui délivrer, indépendamment de tout incident, une information générale sur les conséquences du défaut de provision des chèques qu'il pourrait émettre (Com. 31 mai 2005 ; Com. 14 mars 2006). En outre, l'obligation d'informer subsiste quelle que soit la connaissance éventuelle par le client de l'insuffisance de provision du chèque qu'il se propose d'émettre et de ses conséquences juridiques (Com. 14 mars 2006, préc.), et si plusieurs chèques sont émis, l'avertissement précis doit viser chacun d'eux préalablement à leur rejet (Com. 30 sept. 2008 ; Com. 18 janv. 2011). S’il ne respecte pas ces exigences, le banquier commet une faute, à moins que les stipulations du contrat ou les circonstances en décident autrement ; mais encore faut-il, pour engager sa responsabilité, que sa faute soit à l’origine du préjudice subi. En l’espèce, un tel lien causal faisait défaut ; la banque était bien fautive, mais sa faute n’était pas la cause du rejet des chèques et du préjudice en résultant : sans provision, le premier chèque n’aurait pu permettre, « en tout état de cause, le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés ».
Com. 19 juin 2012, n°11-17.061
Références
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
■ Article L. 131-73 du Code monétaire et financier
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 312-1 relatives au droit au compte et aux services bancaires de base, le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d'un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les mandataires de son client.
Toutefois, le titulaire du compte recouvre la possibilité d'émettre des chèques lorsqu'il justifie avoir, à la suite de cette injonction adressée après un incident de paiement, réglé le montant du chèque impayé ou constitué une provision suffisante et disponible destinée à son règlement par les soins du tiré.
Un certificat de non-paiement est délivré à la demande du porteur, au terme d'un délai de trente jours, à compter de la première présentation d'un chèque impayé dans le cas où celui-ci n'a pas été payé lors de sa seconde présentation ou si une provision n'a pas été constituée, pour en permettre le paiement dans ce même délai. Ce certificat est délivré par le tiré lorsque au-delà du délai de trente jours une nouvelle présentation s'avère infructueuse.
La notification effective ou, à défaut, la signification du certificat de non-paiement au tireur par ministère d'huissier vaut commandement de payer.
L'huissier de justice qui n'a pas reçu justification du paiement du montant du chèque et des frais dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification ou de la signification délivre, sans autre acte de procédure ni frais, un titre exécutoire.
En tout état de cause, les frais de toute nature qu'occasionne le rejet d'un chèque sans provision sont à la charge du tireur. Les frais perçus par le tiré ne peuvent excéder un montant fixé par décret. »
■ Com. 31 mai 2005, n° 03-15.659, D. 2005. 1693, obs. Delpech ; RTD com. 2005. 813, obs. Cabrillac.
■ Com. 14 mars 2006, n° 04-16.946, RTD com. 2006. 455, obs. Legeais.
■ Com. 30 sept. 2008, n° 07-16.863.
■ Com. 18 janv. 2011, n° 10-10.259.
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