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Droit de la responsabilité civile
Responsabilité du banquier : préjudice né du défaut de mise en garde
Mots-clefs : Établissement de crédit, Devoir de mise en garde (manquement), Préjudice (nature), Perte de chance, Indemnisation, Cautionnement, Responsabilité civile contractuelle
Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter.
La chambre commerciale complète, par l'arrêt du 20 octobre 2009, l'édifice prétorien relatif à l'obligation de mise en garde du banquier dispensateur de crédit.
En l'espèce, un établissement de crédit avait consenti à un particulier un prêt de 80 000 euros en vue du financement d'un fonds de commerce, prêt cautionné par la mère de l'emprunteur. Devant la défaillance de ce dernier, la caution s'était vue assignée en exécution de son engagement ; celle-ci invoqua un manquement de la banque à son obligation de mise en garde. La cour d'appel condamna l'établissement bancaire à payer à la caution une indemnité d'un montant égal au montant de la dette, en retenant que le préjudice découlant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde consistait pour celle-ci à devoir faire face au remboursement du prêt consenti à l'emprunteur à concurrence du montant de son engagement. Cette décision est cassée au visa de l'article 1147 du Code civil. Dans un attendu général, la chambre commerciale indique que « le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter ».
On rappellera que l'obligation de mise en garde s'impose uniquement lorsque l'emprunteur est non-averti ou profane (Ch. mixte 29 juin 2007), qu'elle bénéficie, le cas échéant, à la caution (Com. 3 mai 2006), et qu'elle ne s'impose qu'en cas de risque d'endettement né de l'octroi du prêt (Civ. 1re, 18 févr. 2009 ; Com. 7 juill. 2009). Le défaut de mise en garde est sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et la responsabilité du banquier n'est engagée que si la faute fait naître un dommage qui s'analyse classiquement soit en un manque à gagner, soit en la perte d'une chance. Mais la Cour de cassation n'avait jusqu'à présent pas pris parti sur la nature du dommage (dont, on l'aura compris, dépend très largement le montant de l'indemnisation), préférant se réfugier derrière l'appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 1re, 12 juill. 2005).
La chambre commerciale prend donc position en cassant l'arrêt d'appel qui avait condamné le banquier à verser à la caution une indemnité égale au montant de la dette garantie (ce qui aurait dû aboutir à la décharge complète de la caution et revenait à dire que le préjudice de la caution résultait du prêt garanti lui-même). Pour la Haute Cour, le préjudice tient à ce que, n'ayant pas été préalablement mise en garde, la caution a été privée de la possibilité de ne pas s'engager en pleine connaissance de cause. Ce qui ne signifie pas que, si elle avait été effectivement mise en garde, elle ne serait pas engagée. Mais cet élément d'incertitude justifie à lui seul qu'elle ne puisse obtenir, en dédommagement, une indemnité d'un montant égal à la dette garantie.
Com. 20 oct. 2009
Références
■ Article 1147 du Code civil
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
■ Ch. mixte 29 juin 2007, Bull. civ. n° 8 ; D. 2007. Jur. 2081, note S. Piedelièvre ; ibid. AJ. 1950, obs. Avena-Robardet ; ibid. 2008. Pan. 871, obs. Martin ; JCP 2007. II. 10146, note Gourio ; RTD com. 2007. 579, obs. Legeais.
■ Com. 3 mai 2006, D. 2006. AJ. 1445, obs. Delpech ; D. 2007. Pan. 753, obs. Martin ; JCP 2006. II. 10122, note Gourio ; JCP E 2006. 1890, note Legeais.
■ Civ. 1re, 18 févr. 2009, D. 2009. AJ. 625, obs. Avena-Robardet ; ibid. Chron. C. cass. 747, obs. Creton ; ibid. Jur. 1179, note Lasserre-Capdeville ; JCP 2009. II. 10091, obs. Gourio ; JCP E 2009. 1364, note Piedelièvre.
■ Com. 7 juill. 2009, D. 2009. AJ. 2018, obs. Delpech ; ibid. Jur. 2318, note Lasserre-Capdeville.
■ Civ. 1re, 12 juill. 2005, D. 2005. Jur. 3094, note Parance ; ibid. AJ. 2276, obs. Delpech ; JCP 2005. II. 10140, note Gourio ; JCP E 2005. 1359, note Legeais.
■ F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, nos 700 s.
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