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[ 17 décembre 2019 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Responsabilité du fabricant : le défaut d’information implique celui du produit

L’absence d’indication dans la notice de présentation d’un médicament du risque d’effets indésirables établit le défaut de sécurité du produit susceptible d’engager la responsabilité du fabricant, sous la réserve d’une cause possible d’exonération.

Une femme souffrant d’épilepsie depuis l’enfance avait pris, au moment même où elle projetait une grossesse, un médicament dont la notice indiquait simplement qu’en cette hypothèse, un suivi médical s’imposait : « En cas de grossesse ou de désir de grossesse, prévenez votre médecin. En effet, votre traitement devra éventuellement être adapté et une surveillance particulière devra être mise en route. Au moment de la naissance, une surveillance attentive du nouveau-né sera nécessaire. Prévenez votre médecin si vous souhaitez allaiter ». 

A la naissance de l’enfant, ce dernier présenta plusieurs malformations caractéristiques des effets indésirables, identifiés à l’époque des faits par la doctrine médicale mais non mentionnés dans la notice destinée aux patients, susceptibles de se produire, notamment en cas d’exposition in utero au médicament. Les parents de l’enfant avaient alors assigné la société pharmaceutique fabricant le médicament en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Pour accueillir leur demande, la cour d’appel retint, d’une part, que la présentation du médicament dans la notice d’utilisation telle qu’elle était rédigée à la date des faits litigieux, ne contenait pas l’information selon laquelle, parmi les effets indésirables possibles du médicament, il existait un risque « malformatif » d’une particulière gravité pour le nouveau-né en sorte que ce « produit », qui n’offrait donc pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre, était défectueux et engageait à ce titre la responsabilité de son fabricant lequel, d’autre part, ne pouvait s’en exonérer sur le fondement de l'article 1386-11, 4°, devenu 1245-10, 4°, du Code civil, relatif à l’insuffisance des connaissances scientifiques et techniques acquises au moment de la mise en circulation du produit pour en déceler le caractère défectueux. 

La Cour de cassation casse partiellement cette décision. Elle confirme, sur le fondement de l’article 1245-3, alinéas 1 et 2 du Code civil, la défectuosité du médicament, dont l’appréciation suppose de tenir compte « de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation » (al. 2). Concernant les médicaments, vaccins ou autres produits pharmaceutiques, l’insuffisance d’informations dans les notices d’utilisation remises à ceux auxquels ils sont prescrits ou administrés quant aux risques d’effets indésirables prive ces produits de la sécurité qu’ils sont censés offrir. Ainsi, dans une affaire proche de celle rapportée, la Cour de cassation a-t-elle engagé la responsabilité du fabricant d’un vaccin susceptible de faire naître une sclérose en plaques, ce qu’un dictionnaire médical et la notice ultérieure à la réalisation répétée du risque mentionnaient, contrairement à la notice initiale de présentation du produit, qui ne contenait pas cette information (Civ. 1re, 9 juill. 2009, n° 08-11.073). Fut de même jugé défectueux le produit anti-rides dont la plaquette d’information préalablement communiquée à son utilisatrice ne mentionnait pas le risque d’effets indésirables, contrairement à la notice d’utilisation remise aux seuls médecins esthétiques (Civ. 1re, 22 nov. 2007, n° 06-14.174). 

En revanche, elle reproche aux juges du fond de n’avoir pas répondu aux conclusions du fabricant qui soutenait, sur le fondement de l'article 1245-10, 5°, du Code civil, qu'à la date de la prise du médicament par la patiente, sa présentation dans les documents d'information, et notamment la notice, était conforme aux règles impératives édictées par l'autorité compétenteOr le défaut de réponse à conclusion équivaut à un défaut de motifs, justifiant la cassation. Ainsi le fabricant invoquait-il l’une des causes d’exonération prévue à l’article 1245-10, dont celle applicable lorsque le défaut du produit est dû sa conformité à des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire s’imposant au producteur. 

En l’espèce, l’absence d’indication, dans la « notice patient », des effets indésirables éventuels du médicament résultait de l’application par son fabricant des directives et des décisions de l’autorité de régulation compétente, garante de la police sanitaire et de la sécurité des patients. Or cette autorité considérait à l’époque des faits que la mention du risque s’étant en l’espèce produit pouvait conduire à l’interruption brutale et non encadrée médicalement du traitement par les femmes enceintes, situation qui présentait des risques supérieurs pour la patiente et le fœtus au risque lié au maintien du traitement. Le fabricant soutenait que dans la mesure où la lacune de sa notice relevait des directives réglementaires édictées par le régulateur et de ses décisions administratives, sa responsabilité ne pouvait être engagée.

Civ. 1re, 27 nov. 2019, n° 18-16.537

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Responsabilité du fait des produits défectueux

■ Civ. 1re, 9 juill. 2009n° 08-11.073 P : D. 2009. 1968, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2010. 49, obs. P. Brun et O. Gout ; Constitutions 2010. 135, obs. X. Bioy ; RTD civ. 2009. 723, obs. P. Jourdain ; ibid. 735, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2010. 414, obs. B. Bouloc

■ Civ. 1re, 22 nov. 2007n° 06-14.174 P : D. 2008. 17 ; ibid. 2894, obs. P. Brun et P. Jourdain

 

Auteur :Merryl Hervieu

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