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[ 30 novembre 2010 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Responsabilité du fait des choses : abandon de la théorie de l'acceptation des risques

Mots-clefs : Responsabilité délictuelle, Fait des choses, Gardien, Pratique sportive, Acceptation des risques

La victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques.

Par cet arrêt du 4 novembre 2010, la Cour de cassation procède à un important revirement de jurisprudence, en décidant que « la victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques ».

Au cours d'une séance d'entraînement sur un circuit fermé, un homme avait été heurté par une motocyclette alors qu'il pilotait lui-même l'un de ces engins. Pour le débouter de sa demande en réparation, les juges du fond avaient, en se fondant sur une jurisprudence bien établie (Civ. 2e, 8 oct. 1975), retenu que « la participation à cet entraînement impliquait une acceptation des risques inhérents à une telle pratique sportive ». Le pourvoi tentait d'ailleurs principalement de faire valoir que les conditions de la théorie de l'acceptation des risques n'étaient pas réunies parce que le dommage n'était pas survenu à l'occasion d'une compétition, mais d'un entraînement (1re branche) exclusif de toute concurrence entre les participants (2e branche) et que le risque auquel la victime s'était trouvée exposée était anormal (3e branche).

L'arrêt d'appel est pourtant censuré. Ce revirement n'était pas complètement inattendu. La théorie de l'acceptation des risques rencontre de nombreuses critiques en doctrine (v. S. Hocquet-Berg), que la Cour de cassation avait déjà prises en compte pour cantonner son jeu aux seules compétitions sportives (Civ. 2e, 4 juill. 2002).

Dans le présent arrêt, l'acceptation des risques n'est plus soumise à des conditions, ni restreinte à un domaine particulier : elle est tout simplement abandonnée. Cette suppression de l'acceptation des risques, favorable aux victimes, est la bienvenue. Elle met fin au jeu d'une théorie dont l'arbitraire et l'inutilité avaient été dénoncés. Toutefois, pour que son abandon soit complet, il faudra encore que la Cour y renonce lorsque la responsabilité est fondée sur les articles 1382 ou 1383 du Code civil.

Civ. 2e, 4 nov. 2010, FS-P+B+R, n° 09-65.947

Références

Acceptation des risques (Théorie de l’-)

« Selon cette théorie, celui qui cause un dommage à autrui lors de la pratique d’une activité dangereuse peut néanmoins s’exonérer de sa responsabilité si la victime a participé librement à cette activité (par ex. une compétition sportive). »

Garde

« (…) •   Droit des obligations :

Obligation imposée à un contractant de garder et surveiller une chose (ex. : le dépositaire a une obligation de garde).

Pouvoir de contrôle et de direction sur une chose que l’on utilise. Ce pouvoir est une condition d’existence de la responsabilité civile du gardien si la chose est à l’origine d’un dommage.

Certains auteurs, et quelquefois la jurisprudence, distinguent la garde de la structure et la garde du comportement; la première porterait sur la matière composant la chose (pouvoir de contrôle sur les vices de la chose), la seconde sur son fonctionnement du fait de l’utilisation. Le gardien du comportement n’est pas nécessairement gardien de la structure. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

■ Code civil

Article 1382

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Article 1383

« Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »

Article 1384, alinéa 1er  

« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »

Civ. 2e, 8 oct. 1975, Bull. civ. II, n° 246 ; D. 1975. IR 247 ; RTD civ. 1976. 357, obs. G. Durry ; Gaz. Pal. 1975. 2. Somm. 265.

Civ. 2e, 4 juill. 2002, D. 2003. Jur. 519, note E. Cordelier ; ibid. Somm. 461, obs. P. Jourdain ; AJ fam. 2002. 345, obs. S. D.-B.

S. Hocquet-Berg, « Vers la suppression de l'acceptation des risques en matière sportive », RCA 2002. Chron. 15.

■ F. Terré, Y. Lequette, Ph. Simler, Droit civil, les obligations, 10e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2009, n° 801.

 

Auteur :S. L.

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